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Huizinga, Johan; Hanotaux, Gabriel; Bastin, J. [Transl.]
Le déclin du Moyen Âge — Paris: Payot, 1932

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https://doi.org/10.11588/diglit.57074#0088
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l’idée de chevalerie

dont il a esté parlé après leur mort » (1). Chastellain lui vit
mettre en pratique pour la première fois ce goût des grandes
actions et du beau geste antique. Ce fut lors de son entrée
comme duc, à Malines, en 1467. Il avait à punir une révolte ;
l’affaire était entendue et jugée selon les formes, un des
meneurs condamné à mort, un autre, à l’exil perpétuel.
Le duc est assis devant l’échafaud dressé sur la place du
marché ; déjà, le coupable est agenouillé, l’épée du bourreau
tirée ; alors, Charles, qui avait jusqu’alors caché son in-
tention, s’écrie : « Arrêtez ! Enlevez-lui ce bandeau et
qu’il se relève ! »
« Et me perçus de lors — dit Chastellain — que le coeur
luy estoit en haut singulier propos pour le temps à venir,
et pour acquérir gloire et renommée en singulière œuvre»(2).
L’exemple de Charles le Téméraire est bien fait pour
montrer comment l’esprit de la Renaissance, l’aspiration
à la beauté de la vie selon le modèle des anciens, a sa racine
dans l’idéal chevaleresque. Si l’on compare le Téméraire
à un Italien de la même époque, il n’y a entre eux qu’une
différence de lecture et de goût. Charles lisait encore ses
classiques dans une traduction, et les formes qu’il affection-
nait appartenaient au gothique flamboyant.
L’élément chevaleresque et l’élément Renaissance sont
encore indissolublement liés dans le culte des neuf preux.
Ce groupe de neuf héros, dont trois sont païens, trois juifs
et trois chrétiens, apparaît pour la première fois dans les
Vœux du paon de Jacques de Longuyon, vers l’an 1312 (3).
Le choix des héros trahit un rapport étroit avec le roman
de chevalerie : Hector, César, Alexandre, Josué, David,
Judas Maccabée, Arthur, Charlemagne et Godefroid de
Bouillon. Eustache Deschamp hérita cette idée de son maître
Guillaume de Machaut et consacra aux neuf héros nombre
de ses poèmes (4). C’est lui probablement qui, obéissant au
(1) Commines, I, p. 390 ; cf. l’anecdote dans Doutrepont, p. 185.
(2) Chastellain, V, pp. 316-319.
(3) P. Meyer, Bull, de la Soc. des anciens textes français, 1883, pp. 45-55 ;
sur le poème, voir Histoire littéraire de la France, XXXVI, 1927.
(4) Deschamps, n»* 12, 93, 207, 239, 362, 403, 432, 652, I, pp. 86, 199 ; II,
pp. 29, 69 ; X, pp. xxxv, lxxvi ss.
 
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