Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Journal des beaux-arts et de la littérature — 1.1859

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.17357#0092
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
84

JOURNAL DES BEAUX-ARTS.

M'"° Lagache a envoyé des pastels gra-
cieux et très frais; M. Boulanger fait des
intérieurs de ville avec une incroyable
légèreté de pinceau et une grande sûreté
de main; les intérieurs d'église de M.
Génisson sont ordinairement lumineux,
celui epic nous avons ici a toutes les
qualités du maître. J'ai rencontré aussi
un joli Francia; une toile d'une exquise
fraîcheur de Mme Fanny Geefs; des cui-
sines de M. De Noter, d'une grande ri-
chesse de détails parfaitement exécutés;
des oiseaux morts par M. Raspail,
touche timide niais pleine d'avenir; des
fruits savoureux et de brillantes Heurs
de M. H. Robbe; deux Rolïiaen, poéti-
ques et rêveurs, deux œuvres de M.
Starck qui seraient meilleures sans le
ton cuivré qui y domine, de bonnes cho-
ses de M. Roberti; un admirable por-
trait gravé de M. Verswyvel ; des ta-
bleaux de M. Vervloet pleins de couleur
locale et enfin deux oeuvres d'un bril-
lant coloris de M. Ch. Wauters.

Dans nia prochaine lettre je vous par-
lerai des œuvres allemandes, françaises
et hollandaises et de quelques travaux
plastiques bien dignes d'attention.

IV V.-W.

LE SALON.

Paris.

M. Eugène Delacroix dont le talent
immense ne saurait s'arrêter une année,
a envoyé encore à ce nouveau salon
quelques précieux tableaux. Sans pou-
voir compter au nombre de ses meilleu-
res œuvres, ils méritent cependant en-
core d'attirer l'attention des plus fins
connaisseurs, tant par la grandeur de
la composition que par la magie de la
palette. On a commencé par critiquer,
même au delà des bornes, l'Ovide en
exil chez les Scythes, Ilerminie chez les
hergers, et aujourd'hui on revient in-
sensiblement à trouver ces tableaux
meilleurs..le ne donne pas une troisième
visite à l'exposition pour qu'on s'ac-
corde à les regarder comme les œuvres
les plus puissantes du salon.

Nous avons ici un artiste que, je ne
sais pour quelle raison, on se plaît à
vous jeter à la tête sitôt que vous admi-
rez le génie de Delacroix. Je veux par-
ler de M. Ingres. Il me semble que l'on
peut du même coup et avec la même
bonne foi, trouver chez l'un et chez
l'autre de telles qualités, qu'il est fa-
cile d'admirer aussi loyalement et aussi
franchement ces deux maîtres. Mais
vouloir établir entre eux un terme de I
comparaison , c'est vouloir nuire à l'un
et à l'autre sans profit pour personne.
M. Ingres, à proprement parler, n'a

pas expose cette année ; on ne peut en
effet compter pour une œuvre bien im-
portante la Naissance des Muses, pein-
ture encastrée dans le temple grec que
M. Hittorlf a exécuté pour le prince Na-
poléon. M. Ingres ne peut ni mal dessi-
ner, ni mal composer; cette peinture
ne saurait donc pas même être faible,
mais elle n'a cependant aucune des émi-
nentes qualités que l'on voit en entier
dans l'Apothéose d'Homère et dans la
plupart des autres tableaux de M. Ingres.

Arrêtez-vous, amateurs de la jolie et
fraîche peinture, arrêtez-vous devant le
tableau de M. Knaus, la cinquantaine.
Vous verrez un bon vieillard avec sa ten-
dre moitié, dansant bonnement un me-
nuet devant une famille qui envie leur
santé et leur gaieté; une jeune mère
coiffée d'une toque rouge allaite son en-
fant, tandis qu'un jeune homme placé
à ses côtés semble contempler la légè-
reté de l'heureux couple. Figurez-vous
une masse de paysans honnêtes et con-
tents , entourant le groupe de la famil-
le, tout cela sur l'herbe, à l'abri de
quelques arbres, chacun respirant sur
ses traits une satisfaction réelle et sans
réticence, et vous aurez la charmante
composition de M. Knaus. Joignez à
tout ce que je viens de vous dire une
couleur sémillante et harmonieuse, une
délicatesse exquise dans toutes ces pe-
tites figures qui rient, causent ou se
taisent, et vous aurez peut-être devant
vous le plus absolument joli tableau de
genre de tout le salon de 1859.

Les œuvres des sculpteurs ne sont pas
cette année inférieures à celles que nous
avons vues précédemment. Sans vouloir
ni pouvoir passer en revue toutes les
statues et tous les bustes qui nous ont
arrêté, nous dirons de suite que MM.
Cavelier, Oliva et Clesinger sont, dans
la sculpture, les premiers de cette ex-
position ; les bustes de MM. Ary Sehef-
fer et Henriquel-Dupont sont frappants
de vérité et exécutés avec une finesse
exquise par M. Cavelier; M. de Mercey
et le général Rizot que M. Oliva a sculp-
tés dans un marbre transparent et so-
lide, sont aussi d'une parfaite ressem-
blance ; mais, tout en reconnaissant la
prodigieuse délicatesse du travail, nous
ferons à M. Oliva le reproche d'avoir
un peu abusé de la surêté de main;
pourquoi découper le marbre à tel point
d'indiquer les cheveux et les favoris.
Le buste de la jeune romaine de M. Cle-
singer, œuvre tout à fait remarquable,
est sans contredit le morceau important
de l'envoi de cet artiste. Nous préférons
voir M. Clesinger manier I'ébauchoir
que le pinceau. Ainsi cette Eve qui est
peinte d'une brosse habile et à plus d'un
titre fougueuse, n'approche en rien de

quelques œuvres de sculpture par M.
Clesinger.

Pierre Bremette.

Cologne.

Cette fois-ci commençons par un vieux
tableau et par rien moins qu'un Rem-
brandt. Vous haussez les épaules et
nous lisons dans tous vos traits mo-
queurs que vous avez pitié de notre cré-
dulité. Et pourtant nous sommes con-
vaincu que la grande toile la décollation
de St. Jean que possède un de nos mar-
chands de tableaux, M. Antoine Bras-
seur, est une véritable œuvre du grand
maître Paul Rembrandt Van Ryn. La
toile qui a quatre pieds de haut sur cinq
de large est signée. Vous riez de nou-
veau et nous à notre tour, car tout le
monde sait ce que c'est qu'une signa-
ture sur un vieux tableau; mais, ab-
straction faite de ces lettres, le tableau
montre dans son faire, dans son coloris
et le type des caractères, dans son en-
semble enfin, le cachet évident et in-
contestable du maître dont il porte le
nom. Il a aussi plusieurs refaits et chan-
gements que l'artiste a crus nécessaires
lorsqu'il l'avait encore sous la main et
qui pour nous sont des preuves de son
authenticité. Dans son genre, le tableau
est beau et, sous tous les rapports,
digne du maître. A gauche, nous voyons
le bourreau tournant à trois quarts la
tète, le dos du côté du spectateur;
c'est un superbe torse peint dans cette
teinte basanée et dorée comme Rem-
brandt l'aimait. Dans la main droite il
tient le sabre ensanglanté et dans la
gauche la tête coupée, prêt à la placer
sur le plat que lui tend Herodias; la
tête est tournée un peu à gauche afin
de dérober aux yeux ce hideux specta-
cle. Le bourreau avec ses moustaches
hérissées et ses cheveux noirs sous une
toque rouge ornée de plumes blanches,
est un des types favoris de Rembrandt;
c'est la vie brutale à laquelle on par-
donne les fautes de dessin, parce qu'elle
est peinte d'une palette qu'aucun autre
peintre des Pays-Bas n'a possédée: On
a voulu voir dans cette figure du bour-
reau le portrait de l'artiste. Pour pro-
duire un effet frappant, la tête de St.
Jean a déjà la teinte livide de la décom-
position : son expression est saissis-
sante. Herodias que nous voyons en
face, est une de ces hollandaises fraî-
ches et grasses, à la figure ouverte et
nonchalante; elle ne prend pas la moin-
dre part à la terrible scène à laquelle
elle assiste; elle est parée ou plutôt af-
fublée de perles et de tous les brimbo-
rions dont Rembrandt aime à orner ses
jeunes femmes de qualité. Dans le clair-
 
Annotationen