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Journal des beaux-arts et de la littérature — 19.1877

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https://doi.org/10.11588/diglit.18914#0051
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— 35 —

de Wiertz a été de mépriser l'étude des carac-
tères et d'avoir voulu planer au-dessus de
l'humanité (p. 155). Il nous semble à nous
et à bien d’autres que c’est le plus grand
mérite de Wiertz—Son orgueil l'a fait dévier
de sa véritable voie. Il est aujourd'hui pour la
Belgique ce que le David des Horaces et des
Sabines est pour la France : un pâle imitateur
(p. 167). Nous ne parvenons pas à saisir le
rapport qu’il y a entre le David des Horaces
et le Wiertz du Triomphe du Christ.—L'Esthé-
tique de Wiertz retardait d'au moins deux
siècles. Cette esthétique l'a conduit droit à la
monotonie (p. 182) Est-ce que l’esthétique de
Michel-Ange et de Rubens était monotone?
En trouverait-on une qui lui fut supérieure
à l’heure qu’il est?—Toutes ses Vierges ou Vénus,
chrétiennes ou païennes, du moment qu'il s'agit
d'atteindrela perfection sont de véritables idiotes
qui ne pensent point (p. 182). C’est dur et nous
croyons bien que même ceux qui n’ont pas
encore le chef branlant, ne sont pas du même
avis.—La peinture littéraire,les allégories labo-
rieusement construites, les rebus (encore!) in-
déchiffrables ne sont point d'une époque où
toutes choses sont étudiées dans leur réalité,
oü l'on questionne tous les mystères, où l'on
déshabillé tous les principes et tous les mobiles
(p. 186). Il y a lieu de faire remarquer que
cette situation n’est pas née d’hier : il y a
longtemps qu’on étudie, que l’on questionne
et que l’on deshabille, et même à l’époque où
toutes ces choses se faisaient tout autant
qu’aujourd’hui, si pas plus, la peinture litté-
raire était dans son plus magnifique épa-
nouissement et donna au monde des colosses
immortels. M Leclercq pourrait-il bien nous
dire où sont les colosses du jour, de ce jour
où l’on étudie, où l’on questionne, où l’on
deshabille?—Wiertz avait donc raison de s'éle-
ver contre la peinture hiéroglyphique mais il
avait doublement tort d'en faire lui-même
(p. 186). Ceci dépend de la façon d’entendre
les hiéroglyphes.—Nous devons connaître,ap-
précier et, dans un sens, continuer les travaux
de nos aieux (p. 186). Dans quel sens s’il vous
plait? Continuer Raphaël et Rubens aujour-
d'hui,c’est commettre un anachronisme (p. 187)
Est-ce que les raisins ne seraient pas un peu
trop verts? Et cependant vous voulez bien
qu’on continue Delacroix, Courbet et Millet,
du moins je le suppose. Delacroix admirait
et continuait Rubens; Millet admirait et con-
tinuait... Rreughel, et Courbet, mais celui-là
je l’avoue, il n’admire et ne continue que
Courbet.—S'il avait essayé d'exécuter ses con-
ceptions sans tant avoir recours aux grands
maîtres de la renaissance (ces faiseurs de
rebus) il eût peut-être été un vrai peintre,
au lieu d'être un rêveur ambitieux (p. 287).
Quel ravalement, bon Dieu!—Les combats
d'Homère, les chocs philosophiques, les luttes
idéales entre le mal et le bien, cela séduit
l'imagination, mais cela n'est plus en harmonie
avec nos aspirations et nos mœurs (p. 188).

C’est la première nouvelle que j’en apprends.
Je dirai cependant comme M. Leclercq s’il
fallait se renfermer dans le monde des
Junqua et des Lolo, où les aspirations et les
mœurs ont des tendances d’un positivisme
superlatif. Mais heureusement, il y a encore
d’autres mondes que ceux-là. J'ai souvent
pensé qu'un homme comme Wiertz, qui était
avant tout audacieux (et rêveur ambitieux)
eut pu faire des œuvres vraiment belles en
étudiant notre industrie et en mettant en scène
nos populations ouvrières, etc. Suit une tirade
dans la même note où les dieux, les demi-
dieux, les anges, les démons et les saints,
personnages que nul n'a jamais vus et auxquels
nous devons donner notre propre image pour
nous les représenter (p. 189) reçoivent la ruade
accoutumée. Pour ma part je ne me figure
pas Wiertz faisant autre chose que ce qu’il
a fait et il me semble que M. Leclercq, en se
créant le Wiertz qui précède, a totalement
perdu lesouvenirdu vrai Wiertz, de celui qui
n’a été peintre qu’à la condition d’être philoso-
phe chrétien et qui n’aurait pu êtreautre chose.
C’est vouloir faire d’un poète un vétérinaire
et il faut vraiment que l’amour du positivisme
entraîne notre écrivain au delà de toute limite
pour prétendre arracher à Wiertz l’auréole
d’apotre qui lui sied si bien.

En terminant cette étude qui date de 1872
l’auteur dit ceci : Dans quelques années, de■
vant les grandes toiles religieuses et allégori-
ques qui sont au musée Wiertz on se regardera
avec étonnement. Il ne faut pas laisser croire
plus tard qu'en 1872 on en fut toujours à sa-
luer le génie du « successeur de Rubens.
Wiertz est venu à son temps pour donner le
coup de grâee à l'épopée. (??) H aura été le Don
Quichotte de la peinture à grand spectacle, de
la grande peinture. »

Il y a cinq ans que cela à été écrit. Depuis
lors on est venu au musée Wiertz de tous
les coins de l’Europe et l’on s’est en effet re-
gardé avec étonnement et la grande ombre de
Wiertz a dû tressaillir au milieu de ce musée
où des génies puissants ont salué le triomphe
du Christ, la chute des anges et Patrocle
comme des œuvres qui pouvaient rappeler
Rubens et Michel Ange, mais qui, avant tout,
leur révélait un des plus grands peintres
que la Belgique ait eus depuis le 30 mai
1640; et bon nombre s’en sont allé reveurs
et émus dire dans leurs pays ce qu’ils avaient
vu; et il en est qui préparent, pour éclater
prochainement au grand jour, des publica-
tions qui seront la consécration de la
gloire du grand artiste et la confusion de ceux
qui l’ont appelé Don Quichotte !

L’étude sur Charles Degroux a les mêmes
qualités et les mêmes défauts. Excellente
appréciation de cet artiste inquiet et maladif,
physiologie bien accentuée et tracée avec
une gjande délicatesse d’observation, péné-
tration très-fine et très-juste» de ci de là

quelques élans d’un cœur attendri d’autant
plus imprévus qu’en général M. Leclercq se
plaît mieux aux morsures qu’aux caresses.
A côté de tout cela toujours ce ravalement et
ce mépris de la pensée religieuse quelque
soit le moment où la scène. Cette haine ba-
veuse, sera, j’en ai peur, la punition de M. Le-
clercq, car il est peu de personnes qui,
rencontrant ces intempestivités dans leur
lecture, ne seront tentées de douter de la
sanité du jugement de l’auteur pour les
choses d’art, lui qui apporte une passion si
ardente à attaquer les traditions sacrées.

Nour avons un dernier article a consacrer
à ce livre qui par cela même qn’il marque la
situation, vraie ou fausse, de l’art en Belgi-
que, mérite plus que tout autre qu’on le dé-
visage en face et carrément. C’est dans la
dernière partie soumise à notre examen que
se produit au grand jour l’absolutisme de
la modernité. Nous demandons grâce pour
nos longueurs, mais les circonstances exi-
gent, comme on le verra, que le monstre
pour être combattu efficacement, soit ana-
lysé dans toutes ses parties.

Ad. SIRET.

(La fin au prochain n°).

PENSÉES ET MAXIMES.

Tous, nous nous inclinons devant l’une ou l’autre
idole, notre propre faiblesse nous y oblige; et cette
idole, nos instincts la façonnent tantôt terrestre, tan-
tôt idéale, selon que les beautés de la terre ou les
splendeurs du ciel nous captivent. Nous lui consa-
crons une vie sans soutien et qui cherche à s’ancrer
sur une vérité absolue, mais nos plus hautes aspira-
tions sont toujours un peu craintives et nous sentons
flotter notre âme dans les fatales métamorphoses de
la matière, nous effrayant et nous rassurant tour à
tour sur l’avenir qui nous est réservé.

Heureux ceux qui s’inclinent devant des beautés
invisibles, placées en dehors des atteintes du temps
et qui brillent toujours à leurs yeux du même éclat 1

C’est une grande source de tristesses et de mé-
comptes ici-bas, que l’ignorance dans laquelle nous
sommes sur la nature des choses et de nos facultés.
Comme nous étudions le lieu où nous vivons, nous
devons nous étudier nous-mêmes, pour proportionner
nos désirs à nos forces.

Les arbres, à chaque printemps , élèvent leurs
branches et rapprochent leurs cimes des nues. Il
semble qu’ils ne doivent jamais s’arrêter dans leur
infatigable croissance, jusqu’au moment où la hache
du bûcheron, entamant leur rude écorce, vient les
abattre. Quelques-uns seulement, arrivés à une cer-
taine hauteur, laissent retomber leurs rameaux décou-
ragés vers la terre, sans plus tendre à monter. En
est-il autrement des hommes? Les uns, le cœur gon-
flé d’orgueil, se dressent chaque jour plus audacieu-
sement au-dessus de leurs semblables, écrasant sans
pitié les faibles qui leur demandent protection. Rien
ne les rebute dans leur marche ascendante, et il faut
un accident imprévu et terrible pour abattre leur hau-
taine arrogance. Le jour vient pourtant où leur cada-
vre, dépouillé de ses vains épouvantails, est porté
lentement vers la tombe, accompagné du mépris des
 
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