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Journal des beaux-arts et de la littérature — 22.1880

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https://doi.org/10.11588/diglit.18917#0081
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N° 9.

15 Mai 1880.

Vingt-deuxième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE,

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET.

MEMBRE DE l'aCADÉMIE ROY. DE BELGIQUE, ETC.

SOMMAIRE. France : Correspondance particulière,
Le Salon de sculpture. — Les tapisseries. —
Italie : Correspondance particulière, Exposition
de Turin. — Autriche : Le musée de Vienne,
publication de la maison Miethke. — Belgique :
Les morts de la quinzaine. — Heris, son rapport
au roi en 1848. — Tableau de Jean Popels. —
Chambre syndicale de Gand — Chronique géné-
rale, — Vente de portraits. — Cabinet de la
curiosité. — Dictionnaire des peintres. — An-
nonces.

France.

LE SALON DE PARIS.

la sculpture.

Si l'on n'y prend garde, il faudra nécessai-
rement ne plus appeler « Salon » l'exposition
annuelle des artistes vivants. Cette fois, si je
lis bien, je trouve au livret sept mille trois
cents œuvres d'art. C'est beaucoup ; c'est trop.
Et vraiment, je ne sais ce que réclament à
l'heure actuelle dix ou quinze journaux tapa-
geurs qui en veulent à l'administration, au
jury, au Palais des Champs-Elysées ! Que veu-
lent-ils, grand Dieu, tous ces réclamants ? Si
les oeuvres de leurs amis, leurs propres ou-
vrages sont mal exposés, c'est que toutes les
places sont occupées. Calculez, je vous prie,
la surface que doit couvrir cet amoncellement
de toiles bien tendues sur leurs châssis, le
tout entouré d'un cadre aux larges baguettes.
Loin d'accuser le jury d'avoir été trop sévère,
je me sens enclin à lui reprocher sa grande
mansuétude. En sculpture non moins qu'en
peinture les œuvres médiocres sont nombreu-
ses. Il est vrai que nos règlements qui dispen-
sent les « hors concours » et les « Exempts »
de soumettre leurs ouvrages à l'approbation
du jury chargé de l'admission, dégagent pour
autant la responsabilité des jurés. Peut-être
voudra-t-on revenir sur une législation dont
les inconvénients se révèlent chaque année
avec plus d'évidence. Peut-être les artistes
reconnaîtront-ils que se soumettre à l'examen
de juges qu'ils ont élus n'a rien d'offensant
pour leur dignité, et alors le jury d'admission
ayant en mains le pouvoir souverain éliminera
de nombreuses œuvres introduites dans le
Palais d'après une règle indépendante de sa
juridiction.

Les mécontents, — il y en aura toujours, —
se plaignent non-seulement de l'espace, du
voisinage, de la lumière, mais encore du clas-
sement.

Sur ce point il n'y a pas lieu de prêter
l'oreille. On a classé au dernier siècle les œu-
vres d'un même artiste en un seul groupe. Ce
système a prévalu à maintes reprises de 1800
à 1855. Lors de l'Exposition Universelle de
1855 pour laquelle fut construit ce Palais des

PARAISSANT DEUX FOIS PAR MOIS.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : q FRANCS.

ÉTRANGER : 12 FR.

Champs-Elysées où se livrent les batailles an-
nuelles auxquelles nous assistons impassible,
le groupement par maître obtint un réel suc-
cès. On se souvient encore des salons de Dela-
croix, de celui de Vernet, d'Ingres, etc. Mais
la nature humaine est changeante et sous ce
rapport les artistes surpassent le reste de l'hu-
manité. L'inspecteur des Beaux-Arts chargé
des Expositions en 1863, M. le marquis de
Chennevières, l'appliqua. En 1880, l'alphabet
a fait son temps, les artistes n'en veulent plus.
L'inspecteur des Beaux-Arts chargé des expo-
sitions, M. Lafenestre, applique un classement
par catégories d'artistes.

Ici les membres de l'Institut, là les médail-
lés, plus loin les aspirants, à une autre extré-
mité les étrangers, etc. Vous croyez peut-être
que tout le monde est content? Détrompez-
vous. Chacun se plaint. Que faire alors? Tenir
bon, et ne pas écouter la presse.

Que le jury des artistes et l'administration
qui se partagent l'empire des salons annuels
marchent côte à côte dans la voie qu'ils auront
eux-mêmes tracée. Qu'ils se montrent sévères
afin de relever le niveau de nos expositions
qui penchent vers l'industrie bien plus qu'elles
n'accusent les hautes tendances de l'école.
Qu'ils posent en principe que chaque artiste
ne devra présenter qu'une seule toile ou un
seul marbre et le salon aéré, assaini sera visité
sans fatigue et avec profit par tous ceux que
passionne encore le culte du beau.

Une œuvre maîtresse qui prime de haut la
plupart des autres ouvrages, au salon de
sculpture en 1880, c'est la statue de Mgr Lan-
driot, ancien évêque de La Rochelle. Le pré-
lat est représenté à genoux, les mains jointes,
le regard légèrement tourné vers l'épaule
droite La tête est nue. Le front, l'œil, les
lèvres portent le signe de l'intelligence et
de la bonté. Ce marbre éloquent est de
M. Thomas, membre de l'institut. L'habile
artiste en revêtant son modèle de ses orne-
ments épiscopaux a su assouplir la matière
au point de lui donner la légèreté de l'étoffe
et de conserver au personnage une grande
sveltesse et beaucoup de distinction. Les
nombreux tombeaux placés dans nos ca-
thédrales par les sculpteurs français des deux
derniers siècles n'enlèvent pas à l'œuvre de
M. Thomas un caractère de personnalité re-
marquable, une allure jeune, élégante et pour-
tant sévère, dont la synthèse est écrite de
main de maître sur le visage du savant évêque.
L'âme sacerdotale du pontife et de l'écrivain
qui a signé le Christ de la tradition, la Femme
forte, les Béatitudes, etc., se laisse discerner
dans les traits de la face empreints de distinc-
tion et de franchise,tempérées par la douceur.
Nous ne savons si M. Thomas obtiendra la
médaille d'honneur au salon de 1880, mais la
statue de Mgr Landriot est de celles qui peu-
vent mériter cette haute récompense.

ADMINISTRATION et correspondance
a s'-Nicolas (Belgique).

Eve par M. Falguière est une page de grand
style où nous retrouvons certaines qualités
qui nous ont fait aimer la statue de Saint-
Vincent-de-Paul exposée au dernier Salon
par le même artiste.

Le Monument destiné à la mémoire de Ri-
chard par M. Baujault, manque d'unité et de
grandeur. Les figures ne se groupent pas.
Puis, M. Baujault l'avoue lui-même, son œuvre
s'explique malaisément au simple aspect,
puisqu'il a cru devoir placer dans les mains
de l'un de ses personnages une banderolle
recouverte d'une inscription.

M. de Saint Marceau fera du bruit cette
année. Au Génie gardant le secret de la tombe
succède un Arlequin! On ne dira pas que
l'artiste hésite à varier ses sujets. La critique
sérieuse sera-t-elle plus clémente à Y Arlequin
qu'elle le fut au Génie funèbre ? Ce n'est pas
probable.

A toi qui jetais une âme
Dans les flots du bronze en flamme,
Toi dont la puissante main
N'eut jamais d'étreintes vaines.
Toi dont le marbre a des veines,
Où coule le sang humain !

— Qui parle ainsi ?

— Alfred de Vigny.

■— A qui s'adresse-t-il?

— A David d'Angers.

Après Alfred de Vigny, M. Louis Noël, un
statuaire de mérite, l'auteur applaudi, il y a
tantôt dix ans, de la Muse d'André Chénier, a
voulu consacrer à la mémoire de David d'An-
gers, le père de tant de colosses, un bronze
magistral. Le sculpteur de Bonchamps et du
Général Foy est représenté debout, vêtu à la
moderne et drapé, la tête nue, tenant dans
une main l'esquisse de la figure principale du
fronton du Panthéon, la Patrie distribuant des
couronnes. De l'autre main David tient un mail-
let qu'il pose sur un autel antique placé à sa
droite. La face antérieure de l'autel porte ce
seul mot Patria. Simple et grave dans sa pose,
tel est le David de M. Louis Noël. La tète et
les mains ont été l'objet d'une étude spéciale
de la part du statuaire. Légèrement inclinée
en avant, la tête pense. Une vague nuance de
mélancolie est répandue sur le visage du
maître. On dirait les mains modelées par Da-
vid lui-même : c'est le plus bel éloge que nous
en puissions faire.

Saluons la statue de Papin par M. Millet,
celle de M. Thiers par M. Guillaume, celle de
Leverrier par M. Cbapu dont nous avons vu
le modèle chez l'artiste, car la statue n'est pas
encore placée sur son piédestal dans l'allée
médiane du Salon. Mais voici un autre ouvrage
de M. Chapu. Je me dirige de ce côté.
M. Simonds m'arrête au passage; son groupe
en marbre intitulé Dionysos est superbe
d'ivresse et de langueur. Le jeune dieu du
vin, assis sur une panthère, est modelé dans
 
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