Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Journal des beaux-arts et de la littérature — 22.1880

DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.18917#0083
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
67

quatre planches sont pour nous le joyau de
l'ouvrage. Rien n'égale la suavité et l'exprès
sion de ces cinq ravissantes têtes de femme
du grand panneau de saint Ildefonse aux
pieds de la Vierge. Je n'ai plus présent à la
mémoire l'original, mais il me semble que
Rubens n'a pas donné tant de grâce à ses
modèles. A vrai dire cette grâce est un peu
charnelle, mais c'est là l'artiste et l'on sait
qu'on ne peut lui demander cet idéal gothi-
que dont il avait horreur et qu'il appelait
barbare,avec tout son siècle, du reste, entraîné
dans un courant païen auquel cependant il
résista dans une certaine mesure. Dans cette
planche si heureusement imprimée on remar-
quera le coloris éclatant produit par une sa-
vante combinaison d'effets. La planche n° 3o
représente en hauteur le portrait du donateur
et de son patron auquel fait pendant le n° 3i,
portrait de la donatrice avec sa patronne.
Ces deux planches sont d'une grande richesse
de pointe ; elles constituent dans l'œuvre
d'Unger, selon quelques amateurs, sa pièce
de résistance pour le moelleux du trait, l'ac-
centuation émue des physionomies, le brio
et en même temps le tact des détails. J'avoue
que je suis bien près de me rallier à ce juge-
ment. Dans tous les cas ces deux portraits
d'Albert et d'Isabelle sont déjà acquis à l'ad-
miration des contemporains. Le n° 32 est
d'une crânerie étonnante surtout comme ton-
alité. Cette sorte d'idylle où toute la sainte
famille est réunie dans un laisser-aller fami-
lier à Rubens a été caressée par Unger avec
un goût particulier : l'assimilation ici est
complète et l'œuvre peinte ne semble faire
qu'une avec l'œuvre gravée.

Encore le Titien (n° 33), La Madone avec
rEnfant et trois saints personnages. Pointe
encore une fois très grasse, très veloutée. On
dirait un pinceau.C'est ici le moment de faire
remarquer le soin avec lequel Unger veille à
l'emploi des encres. Dans de certains cas,
comme avec le Titien et avec Rubens, son
encre est légèrement teintée de brun ce qui
donne à l'ensemble un ton superbe où l'on
croit retrouver des reflets roux. Le n° 34 est
cette superbe et curieuse composition de Ve-
lasquez composée d'une dizaine de portraits
d'hommes, de femmes, d'enfants, tous plus
laids les uns que les autres. Le graveur a
porté très loin son respect pour le peintre.
Le Ganymède du Corrège (n° 35) n'a pas été
sympathique, dirait-on, à la pointe du gra-
veur, mais quelle revanche a-t-elle prise dans
le n° 36, Jeune guerrier, par Van Dyck !
Quelle souplesse dans la chair du visage!
quels reflets dans cette cuirasse damasquinée!
Unger a été très heureux en reproduisant
sans monotonie cette riche armure dont les
ornements n'étaient pas faciles à débrouiller.
Le n° 37 est une reproduction d'après le
Jeune homme lisant de Rembrandt. Ici c'est
un mélange de pointe, de frottis et de net-
toyage habilement ménagés de façon à pro-
duire de piquants reflets sur les 'parties les
plus éclairées. C'est un morceau d'un char-
. mant ragoût. Intérieur de jerme (n° 38)
d'après Teniers. Planche un peu lourde,
surtout dans le fond.

Sainte famille avec St Jean et deux saints
d'après le Titien (n° 39). Les vierges un peu
distraites du maître, les chairs d'enfant gras-
ses et dodues, sont encore reproduites par
noï.re graveur dans cette manière nourrie
qu'il sait prendre quand le souffle des maîtres
de la Renaissance l'anime et l'inspire. Le
Breughel qui suit (n° 40) est bizarre. On ne

saurait en dire autre chose. L'absence de
toute noblesse et de toute harmonie picturale
que l'on constate dans le tableau, doivent
avoir refroidi la pointe du graveur. On n'en
dira pas autant du n° 41 d'après le Bassan,
Le bon Samaritain (n° 41), pointe chaude,
animée, toute enluminée de ces jours vifs et
fondus qui distingue la technique du peintre.
De Jean Steen La vie joyeuse., .et débraillée,
(n° 42) forme une reproduction très joliment
et très spirituellement dessinée. Toute l'at-
tention de l'artiste s'est portée sur les physio-
nomies qui sont gravées en perfection. Après
le Jean Steen vient le Portrait d'homme de
Fr. Hais (n° 43), une des pièces maîtresses
d'Unger qui doit son talent au vieux maître
de Haarlem, car c'est en l'étudiant et en
cherchant à interpréter la puissance de sa
touche que son talent s'est révélé tout d'a-
bord. L'étude de ses œuvres conduit directe-
ment à cette appréciation. Enfin, pour ter-
miner la onzième livraison, voici le Saint
François dAssise d'après Augustin Carrache
(n° 44), morceau remarquable où le graveur
vraiment prestigieux s'est assimilé certains
procédés de pointe familiers au peintre. Le
saint est travaillé dans un ton chaud, lumi-
neux et l'encre ombrée légèrement avec la-
quelle la planche est tirée, la rehausse singu-
lièrement.

Ce n'est pas tout : à côté des gravures se
dresse le livre. Et quel livre! Rédigé par
M. Ch. de Lutzow avec une grande clarté et
une abondance extrême de renseignements,
il contient sur les gravures publiées et sur les
peintres des notices qui peuvent servir de
modèles. A lui seul, et à part la valeur in-
trinsèque de sa rédaction, ce livre constitue
un album plus précieux à certains égards que
le grand volume qu'il a pour mission d'ex-
pliquer. Qu'on en juge : en tête de Y Avertis-
sement dans un cartouche italien gravé à
grands traits, se trouve incrustée une mer-
veilleuse eau-forte d'Unger, représentant
Henri VIII. Plus loin voici Teniers et un
archiduc dans une galerie, le portrait de
Charles V du Titien, une tête de Rubens,
un jeune garçon de Velasquez, un bouquet
de fleurs entourant une sainte Famille, des
joueurs de boule de Teniers, une femme nue
de Rubens, un saint Paul de Véronèse, une
Madone de Holbein, la Victoire, allégorie de
Rubens, portrait d'homme de van Rossem,
Fleurs et portrait de Zegers et Rembrandt,
scène de paysans par Van Ostade, saint Jean
de Guido Remi, portrait d'une Vénitienne
par le Titien, l'amour taillant son arc encore
d'Annibal Carrache, marine par de Vlieger,
un portrait par Albert Durer, un portrait par
le Titien, un paysage de Hobbema, portrait
d'un guerrier par Rubens, autre portrait, du
même, une Madone du Titien, un portrait
du Corrège, tête de sainte par Van Dyck, la
fiancée de Teniers, la sainte Famille du Ti-
tien avec l'indication des premiers travaux
sur la gravure même, un Christ au tombeau
du même, jeux d'enfants par Breughel, un
buveur de Brouwer et enfin un baptême de
Jésus-Christ. Voilà où l'on en est et l'œuvre
est à peine à moitié chemin.

Toutes ces délicieuses eaux-fortes faites
par Unger sont des vignettes tirées à part et
intercalées dans le texte ou pour être plus
vrai, c'est le texte qu'on a placé entre les gra-
vures tirées d'abord. Joignez-y des rubriques
rouges et des culs-de-lampe d'un grand style
et vous aurez une faible idée de ce livre qui
sera le volume le plus curieux et le plus beau

de ce temps. Je n'exagère en rien et je suis
sûr qu'à l'heure qu'il est les éditeurs doivent
avoir placé toutes leurs éditions.

Pour terminer, disons que le tirage des
grandes gravures, comme celui du livre de
M. de Lutzow, est fait avec une science et
un tact tels qu'il faut constater que les impri-
meurs-artistes, car il faut les appeler ainsi,
sont dignes du graveur.

Belgique.

LES MORTS DE LA QUINZAINE.

M. Hyacinthe Kirsch, écrivain distingué
vient de mourir à Paris. C'est une perte sen-
sible pour la littérature dramatique belge.
Son dernier drame Avmande, qui tient de
Sardou et de Dumas, avait les qualités qu'on
demande aujourd'hui aux pièces de ce genre.
Kirsch avait composé d'autres pièces encore
mais Armande les surpassait toutes et mar-
quait la voie nouvelle dans laquelle l'auteur
aurait marché avec succès si un ma! subit et
loudroyant ne nous l'avait enlevé dans toute
la force de l'âge, à 51 ans.

Presque au même moment mourait à Bru-
xelles Louis Dubois, artiste peintre, qui pou-
vait être considéré, en Belgique, comme le
chef de cette école qui recherche la poésie de
la matière, celle qui remue les sens, et pro-
fesse un suprême dédain pour la poésie de
l'idéal, celle qui remue les âmes. Dubois avait
un superbe talent d'exécution mais il n'enten-
dait rien au dessin et ses sujets insignifiants
ou tristes ne provoquaient aucun intérêt. Sa
vie s'est épuisée dans une lutte où il eut con-
tinuellement le dessous et où, s'il avait pu
être plus logique, il eut certes joué un rôle
brillant et vainqueur. Comme coloriste il eut
de beaux moments et, si nous ne nous trom-
pons, le gouvernement, qui cherchait à utiliser
ses aptitudes, lui confia la copie de la Ronde
de nuit, de Rembrandt. Il peignait le paysage,
la figure et spécialement la nature morte.
Dubois avait 50 ans.

Au moment où nous écrivons ces lignes
nous apprenons la mort à 44 ans de Guil-
laume Lebrocquy, qui a laissé des ouvrages
pleins de verve et d'humour. Guillaume Le-
brocquy avait été dans l'enseignement moyen
et a publié des poésies, des romans et des
omrages historiques. Depuis une quinzaine
d'années il s'était, jeté avec passion dans la
lutte politique et rédigeait la Cloche, journal
hebdomadaire.

Voilà avec Th. Van Lerius bien des morts
dans une seule quinzaine. Le printemps nous
est cruel.

HÉRIS

Héris naquit en 1790, à Bruxelles. De très
bonne heure il eut le goût des arts et il fut lui
même un peintre d'oiseaux assez habile s'il
faut en croire ce que disaient récemment
quelques journaux en parlant de sa première
jeunesse, mais il quitta la partie pour se livrer
exclusivement à la restauration des anciens
tableaux, spécialité dans laquelle il eut un
véritable talent et où la vogue s'attacha à
son nom. C'est en s'adonnant à ce travail
délicat qu'il acquit cette profonde connais-
sance de la peinture flamande au XVe et au
XVIe siècles. Sa notoriété sous ce rapport de-
vint telle que de tous les coins de l'Europe
il se vit appeler pour déterminer la paternité
et la valeur des chefs-d'œuvre qui reposaient
 
Annotationen