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Journal des beaux-arts et de la littérature — 23.1881

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https://doi.org/10.11588/diglit.18918#0115
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N° 14.

31 Juillet 1881.

Vingt-troisième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET.

MEMBRE DE l'aCADEMIE roy. DE BELGIQUE, ETC.

SOMMAIRE. Belgique : Avis. — France : Corr.
part. Paul de Saint-Victor, par H. Jouin. —
Belgique : Notes d'un observateur. — La mer
élégante. — Le maître de Liesberg. — Un ta-
bleau de Gryf. — Bibliographie. — Chronique
générale. — Programme. Cabinet de la curiosité.
— Dictionnaire des peintres. — Annonces.

Belgique.
Âvïs7~

Notre Album de 1879-80, en retard par
suite d'obstacles imprévus, est aujourd'hui en
distribution. Nous recommandons à nos abon-
nés ce recueil où domine une oeuvre transcen-
dante de Verlat, la Convoitise. Rappelons que
par suite de combinaisons spéciales nous avons
pu établir le prix de vente de nos dix eaux-
fortes à 3,S0, c'est-à-dire à trente cinq centi-
mes pièce ! Nos seuls abonnés sont appelés à
jouir de ce bon marché sans exemple. Rappe-
lons aussi qu'à l'heure qu'il est nos Albums
ont dans le commerce une cote triple au moins
de celle d'origine.

Ceux de nos abonnés étrangers qui vou-
draient se procurer l'Album 1879-80 voudront
bien nous le faire savoir.

Nous prions instamment les personnes qui
ont pris leur abonnement chez des libraires
de faire demander à ceux-ci l'exemplaire de
l'Album qui leur est destiné.

Nous n'avons pas cru devoir expédier l'Al-
bum de 1879-80 à ceux de nos abonnés qui
ont refusé celui de 1878-79; ceux qui désire-
raient le posséder sont priés de nous en donner
avis, il leur sera immédiatement expédié.

CONCOURS DE GRAVURE.
Rappelons aux intéressés le programme du
concours pour 1880-81, inséré dans notre
dernier numéro.

France.

(Correspondance particulière).

PAUL DE SAINT-VICTOR.

La joie est ici-bas toujours jeune et nouvelle.
Mais le chagrin n'est vrai qu'autant qu'il avieilli.
A peine si le maitre, hier enseveli,
Commence à s'endormir dans la nuit éternelle,
L'ange qui l'emporta n'a pas fermé son aile :
Peut-être est-ce bien vite oser parler de lui.

Qu'importe ? Nous avons été son client,
ce n'est pas à nous de peser l'hommage
rendu par la presse, par un poète illustre,
par un critique éminent à cet écrivain de
race, et de passer outre. Notre dette sub-
siste : nous voulons la payer.

L'homme, chez St-Victor est connu. Victor
Hugo n'a pu moins faire que de rappeler
dans l'éloge de son ami cette richesse qui
distinguait l'auteur de Deux masques. Ou-
blieux de certaines convenances, Saint-Vic-
tor ne savait pas ouvrir un entretien : il le

paraissant deux fois par mois.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : q FRANCS.

étranger : 12 fr.

poursuivait. Riche de pensées et d'images, il
supprimait les formules banales et allait
droit au but. Ce n'est pas lui qui se fut at-
tardé à s'enquérir de la santé de son interlo-
cuteur. Rapide, incisif et brillant dans son
verbe comme dans son allure, il tenait à la
fois du gentilhomme et du soldat. Ce n'était
pas un oisif, encore moins un désœuvré. Je
l'ai vu souvent et longuement mais je ne me
souviens pas d'une attitude abandonnée chez
ce vivant de l'esprit.

Il me semble que je l'ai toujours vu pas-
ser. Alors même que ses fonctions officielles
le retenaient pendant plusieurs heures au
sein d'une assemblée, il n'y faisait que de
brèves apparitions, jetant un mot dans le
débat, une épithète, un trait, une antithèse,
p Mis, sa flèche lancée, Saint-Victor redeve-
nait songeur et silencieux. Mais si courte
qu'eût été sa présence, il avait éclairé la
discussion, renversé l'échafaudage laborieux
de quelque discoureur important, tranché de
sa lame damasquinée le nœud d'une ques-
tion trop longtemps débattue.

Intelligence supérieure et déliée, Paul de
Saint-Victor fut un prosateur fourvoyé. Son
élément, ce n'était pas le journal, mais le
livre. Et pendant toute sa vie Saint-Victor
n'a été que journaliste !

Il semble que nous formulions ici un pa-
radoxe, il est cependant exact que certains
esprits sont faits pour planer dans une
sphère lumineuse et sereine, loin de l'orbite
troublé où s'agitent les passions du jour, où
se nouent les intrigues, où s'élaborent les
célébrités de hasard. Or, les esprits dont je
parle, exilés volontaires de la politique, des
coteries, se plaisent aux grandes et belles
œuvres. On les voit penchés sur leur poème
qu'ils parachèvent lentement. S'ils relèvent
le front, s'ils jettent quelques stances de
leur chef-d'œuvre aux vents discrets de la
solitude qui les entoure, ces stances ont la
grâce d'un chant. Chaque syllabe vient frap-
per l'oreille comme les perles d'un collier,
habilement serties dans de l'or ciselé char-
ment le regard ; c'est d'un doigté suave et
savant qu'ils cadencent leurs notes : ondirait
des lapidaires d'harmonie.

On n'atteint pas sans labeur à cette per-
fection de la forme, et le travail du style
exige de longues heures. C'est pourquoi le
journal est une mauvaise école pour quicon-
que a le culte de la langue. Le journal, c'est
le minotaure. Insatiable, exigeant, ce dieu
moderne n'a rien de la sérénité qui sied aux
puissances. A la fois esclave et despote, il
suit sa destinée. Le fait tient plus de place
que l'idée dans son temple. Qu'importe aux
feuilles légères et sans lien qu'il disperse
cette beauté souveraine du style et de la pen-
sée ? Ses fidèles, ceux dont il est l'oracle,
écoutent-ils seulement ce qu'il dit? Non. Le

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE

a s'-nicolas (belgique).

journal est l'œuvre d'un passant et ce sont
des passants qui le liront.

Saint-Victor a eu l'ambition de réagir con-
tre le journalisme improvisé. Ses critiques
valent mieux que des feuilletons. Ce sont les
pages d'un livre, pages amoureusement écri-
tes par un maître sévère, puis détachées une
à une et glissées dans la Presse, la Liberté,
la Revue de France ou le Moniteur universel.
La réputation de ce critique au verbe étince-
lant fut grande ; elle fut immense parmi les
lettrés, et je sais tel écrivain d'art qui à jour
fixe se procurait le Moniteur pour y lire et
conserver ensuite la Revue de lundi de Saint-
Victor'. Mais cet effort nouveau, inaccoutumé,
presque étrange d'un homme qui eut pu faire
tant de livres charmants et qui usait sa vie
magnifiquement à écrire des feuilletons ne
fut pas compris de tous. Le désintéresse-
ment de l'écrivain qui s'impose à lui-même
des devoirs que tant d'autres jugent inutiles,
le soin que prit ce contemporain d'Alcibiade
égaré dans notre milieu d'agioteurs à se
draper dignement sous sa pourpre, déplurent
aux journalistes de profession. Saint-Victor
fut taxé d'ignorance, parce qu'il savait pein-
dre ce qu'il sentait et que son impression
toule personnelle était neuve et élevée !

Le premier tort du critique est de s'être
livré à la presse quotidienne ; sa seconde
faute est d'avoir abordé simultanément, et
avec une égale aptitude, la critique d'art, la
critique littéraire et la critique dramatique.
Ce n'est pas nous qui le blâmerons d'avoir '
agi de la sorte. Mais nous avons constaté le
jour de ses funérailles que cette multiplicité
de tendances chez l'écrivain avait quelque
peu dérouté l'opinion sur son compte.

C'est le critique d'art que la plupart ont
exclusivement célébré. Cependant, ce livre
patriotique, Barbares et Bandits, écrits par
St-Victor au grondement des canons prus-
siens, à la lueur des incendies de la com-
mune, n'est point un ouvrage d'art. L'auteur
lui-même s'est excusé d'avoir donné place
dans ce volume à une brève notice nécrolo-
gique sur Henri Regnault. Hommes et Dieux
que M. Schérer a eu raison d'appeler « une
des choses les plus distinguées de notre
temps » n'est pas à proprement parler un
livre d'art. Enlevez les soixante pages du
début et vous vous trouvez en colloqne avec
Marc-Aurèle, Louis XI, Henri III, Boccace,
Agrippa d'Aubigné, Gilblas, Don Quichotte,
Manon Lescaut, Swift. Enfin, le maître-livre,
le livre voulu de Saint-Victor, Les deux mas-
ques a pour objet l'antiquité observée par
un érudit, un penseur et un poète plus en-
core que par un critique. L'art plastique et
l'art pittoresque ne sont pas l'objectif de
l'écrivain. Il s'est détourné de Praxitèle
pour contempler Eschyle, et si la mort ne
fut venue l'interrompre, Sophocle, Euripide,
 
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