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Journal des beaux-arts et de la littérature — 27.1885

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https://doi.org/10.11588/diglit.19246#0042
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— 34 —

le veux bien ; mais, à quoi bon étaler ces
secrètes misères, faire l'aveu des péchés
coram populo, si au lieu de diminuer
par là et leur nombre et l'intensité intrin-
sèque de « la coulpe, « l'on ne fait que
les accroître et les compliquer de raffine-
ments surérogatoires?La réponse est toute
entière dans le titre d'une Revue humoris-
tique anglaise : Vanity Fair!



* *

Ne forçons point notre talent.

Nous ne ferions rien avec grâce.

a dit La Fontaine : Ni M. François
Charlet, ni M. Van Rysselberghe n'ont
cette vocation de l'Orient qui enthousias-
mait si éperdûment Théophile Marilhat,
lequel devait certainement avoir dans les
veines quelque reste du sang de ces Sar-
razins que Charles-Martel n'a pas tous
tués. L'Orient a réussi autrefois à Jacob-
Jacobs et tout récemment à Verlat et à
Wauters. C'est du panorama de la bataille
de Tetouan par Léon Couturier et Geor-
ges Washington , exposé au Rond-Point
de la rue de la Loi à Bruxelles en 1880,
que date l'attraction de Tanger et du
Maroc et les pélérinages à travers l'Es-
pagne. O manie de la contrefaçon indé-
crottable tunique de Nessus resteras-tu à
perpétuité collée à nos flancs!

Pour Marilhat, ce voyage fut l'événe-
ment capital de sa vie ou plutôt, dit Théo-
phile Gauthier, « ce fut sa vie toute en-
y> tière : l'éblouissement n'en cessa jamais
« pour lui, et les années qu'il vécut en-
» suite n'eurent d'autre emploi quederen-
» dre les impressions reçues à cette épo-
» que bienheureuse, quoique son corps
» fut ici, il n'avait pas à vrai dire, quitté
« l'Orient, et consolait sa nostalgie par un
» travail acharné. »

Decamps offrit encore un illustre exem-
ple de ce phénomène : il ne put jamais
rentrer dans sa patrie et continua sa cara-
vane orientale sans plus se détourner qu'un
pèlerin musulman qui veut aller baiser la
pierre noire de la Caaba. Mais, encore une
fois ni M. Charlet ni M. Van Rysselberghe
ne nous semblent prédestinés à un sem-
blable antropomorphisme. Le portrait du
monsieur chauve habillé de gris, fait dé-
passer le bout d'oreille du réaliste endurci,
attaché à la remorque de Renoir — le pein-
tre de Lise et de l'Amazone galoppant
dans un Parc —. Les harmonies grises —
en définitive conventionnelles — du groupe
de deux jeunes filles sont bien davantage
dans le tempérament du peintre, nous lui
conseillons de s'y tenir. Une remarque :
pourquoi ces gants conservés aux mains
de l'aînée? pour éviter la difficulté du nu
apparemment, car la seule main qui appa-
raisse — sur quatre — semble désossée par
quelqu'accident de Tramway à vapeur.

La Skytique des babouches si bien faite
pour chausser élégamment des pieds fel-
lahs, cophtes, nubiens, turks, arabes et
nègres, s'ajuste fort mal au calcanéum des
naturels de Bruxelles et de Gand. Notre
Skytique flamande est sans rivale en Eu-
rope dans la confection de hautes bottes
en cuir mordoré et de plantureux hous-
seaux de cavalier — Rubens et Jordaens
l'achalandèrent — et nous avons mille rai-
son de nous fournir chez nous.

Cette Fantasia mamelouque, ce Conteur
arabe; cette tranche d'Alhambragrenadin
et ces Fileuses marocaines, tout cela man-

que de naïveté, se tient dans les cycles
absolument conventionnels du « déjà vu »
et demeure à cent kilomètres de cette étude
typique et sérieuse qui va au fond des
choses et dédaigne l'épiderme ; c'est, en un
mot, l'orientalisme banal.

Péniblement assemblés, douloureuse-
ment peints, les insuffisances de dessin
de tous ces tableaux sont manifestes. Il
n'y a pas davantage de corps sous ces hail-
lons dépenaillés et sordides que sous ces
étoffes criardes aux nuances aveuglantes
que les « chefs-canuts « lyonnais juxtapo-
sent en ricanant en vue de l'exportation
africaine.

La plus imparfaite ébauche doit cepen-
dant offrir les linéaments périphériques
de l'objet à rendre : le sabot d'un cheval
est dans ses lignes essentielles un cône
troncqué ; eh bien, il y a dans la Fantasia
— à gauche au troisième plan — une
jambe de cheval blanc involutée d'une fa-
çon si ultra-fantaisiste qu'elle fait songer
aux coursiers terminés en rinceaux de
feuillages des maîtres ornemanistes de la
renaissance primordiale italienne.



* *

Pous rédiger ces impressions nous avons
dû feuilleter vingt fois le minuscule cata-
logue,sur papier maïs,vrai régal de biblio-
phile avec rubriques — comme les bré-
viaires — étalant ensus,a<i calcem,l'affrio-
lante annonce de tirés à part sur papier
de hollande, numérotés 1 à 5o !

Cette communion intime fut pleine de ré-
vélations. Nous y trouvâmes la preuve que
le prurit succursaliste sévit avec une in-
tensité aiguë dans certaines files du mani-
pule Vingtiste. A chacun d'eux le domicile
légal, l'officine centrale, la boutique mère
ne suffit plus à servir les clients; les com-
mandes affluent à un tel degré qu'il a fallu
établir des comptoirs dans les deux hémis-
phères. Sous ce rapport la palme revienl
sans conteste à l'établissement plastique que
dirige M. De Villez; jugez donc de l'acha-
landage qui a nécessité trois succursales :
à Paris, 39, Avenue de Saxe; à Bruxelles,
142, rue des Tanneurs, et finalement à
Mons, 16, rue des Compagnons. Viennent
ensuite les firmes à syllabes sonores et les
adresses à cadences éurythmiques : M. Da-
rio de Regoyos perche rue Royale, 161, à
Bruxelles — chacun sait ça — mais encore
et surabondamment : Calle de la Estacion,
Casa del Cura, Iruti (Espagne); M. Fer-
dinand Khnopff — échoppe vide — rue
du Luxembourg, 14, Bruxelles et à Fos-
set sous Amberloup par Baconfoy Tenne-
ville. ouf!!!

Projecit amputas et sesquipedalia verba

disait déjà Horace il y a bientôt deux
mille ans. Toutes ces préoccupations Sky-
tiques ne rentrent aucunement dans l'art
de la Gymnastique picturale et sont bien
mesquines,encore une fois: Vanity Fair!



* *

M. Guillaume Van Strijdonck n'est pas
un refusé du Salon de 1884 où nous nous
souvenons d'avoir dévisagé son Tobie en
trois versets. Le portrait du statuaire Van
der Stappen — un pince nez à califour-
chon sur le pif — modelant une Victoire
«ptérophore»,est grassement peint, vivant
au possible.Le sang circule dans cette face
enluminée,un peu plus que nature; mais
par contre quel dessin rudimentaire, quelle

déplorable ossature des mains. S'il veut être
bien avisé que le peintre réclame au plus
vite — en bonne confraternité —quelques
leçons d'anatomie de son modèle qui mo-
delait naguère L'homme àlépe'e, ce robuste
éphèbe résumant le canon-français-mo-
derne des proportions viriles. Tous les
« abattis » sont massacrés chez les tireurs
à l'arc au berceau ainsi que chez les polis-
sons qui les regardent. Nous en dirons
autant des mains de la matrone aux mar-
teaux de neige et de la dame brune agré-
mentée d'un bichon de race havannaise..

La matinée à Machelen — par Haeren
s. v. p.— est un pseudo-Corot, lessiveux,
agrémenté d'une signature verticale Sino-
Byzantine. Parions que les VingtisteS
s'imaginent « bellement » avoir inventé
cette originalité renouvelée des antiques-
farceurs du Yellow boy club auteurs de
Manneken Piss au Salon de Bruxelles
en 1861.

Moins bien loti que la majorité de ses
confrères M. Isidore Verheyden n'a sous
sa coupe que le seul atelier de la rue Ro-
biano 73, Cette unité d'opérations n'em-
pêche pas l'élaboration de nombreux pro-
duits d'envergure respectable et de valeur
digne des établissements artistiques les
mieux éparpillés. Mettons hors de pair
les Scieurs de long, forêt de Soignes; un
Sous bois en temps de neige, juste et vrai
et n'oublions pas Mon Petit : ravissant
bonhomme, pas plus haut que çà, coiffé
« aux enfants d'Edouard. « Le portrait
du peintre Meunier est une sépia grandeur
nature ; c'est de la polychromie mono-
chôme ; cette quadrature du cercle de l'art
pictural.

Le Brocart tué, étendu sur la neige n'est
pas mal et pareille pièce eut tenté plus
d'un fusil, de ma connaissance, mais
l'aspect rappelle trop certain thème, où
réussissait étonnamment feu Courbet le
génial déboulonneur de colonnes verté-
brales et autres.

M. Franz Simons est trop « vin triste «
dans sa Veuve en deuil se détachant sur
un rideau de feuilles mortes :

De la dépouille de nos bois

L'Automne avait jonché la terre...

Même note automnale dans le tableau
intitulé Réflexions : trois ramasseuses de
bois mort, pourvues du tablier « bleu-
Bastien-Lepage » —d'ordonnance dans les
rangs de la franc-maçonnerie picturale des
Jeune Belgique, — réfléchissent, en con-
templant une statue de Prométhée, que
nous ne sommes plus de taille à ravir une
seconde « étincelle prométhéenne » pouf
animer n'importe quelle statue.

Nous préférons le Soir : une vachère
blonde revient, en tricotant, au clair de
lune et conduit le long d'une haie trois
vaches aux robes variées, d'une bonne
allure. Au premier plan, la silhouette
d'un arbre découpe pittoresquement un
coin de ciel tout en voilant avec adresse
l'astre lui même dont le spectateur n'aper-
çoit que les piquants effets à travers un
paysage baigné d'ombre transparente.
Bravo M. Simons, mais voilà bien de
l'extra Vingtisme. Il faudra soigner çà.

De M. Willy Schlobach — épars sur
deux domiciles — nous n'aimons pas la
Panoplie japonaise. Le livret annonce
une seconde toile étiquetée Impressions ?
Pas plus d'impressions que sur la main.
 
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