MEMOIRE
SUR
LA VALLÉE DES LACS DE NATROUN
ET CELLE DU FLEUVE SANS EAU,
d'après la reconnoissance faite les 4, 5, 6, 7 et 8 pluviôse
AN VII [23, 24, 25, 26 ET 27 JANVIER I 7£ ? ] (ijî
Par M. le Général ANDRÉOSSY.
vJn ne connoît généralement de l'Egypte que la vallée qu'arrose le Nil. Des
considérations géologiques, les récits des historiens anciens et de quelques voya-
geurs modernes, portoient cependant à croire que les eaux du Nil avoient pénétré,
dans des temps très-reculés, au sein des déserts de la Libye, et qu'il y restoit des
traces de leur cours.
Si, comme le prétend Hérodote, les anciens rois d'Egypte s'attachèrent, par
des travaux puissans, à rejeter et à contenir le Nil dans le bassin actuel, c'est sans
doute un des ouvrages les plus considérables dont on ait gardé le souvenir.
La recherche de cette direction primitive du Nil devoit jeter du jour sur la
géographie physique de l'Egypte , sur les ouvrages qu'on avoit entrepris pour sa
fertilité, et indiquer la route à suivre pour réparer les désordres que le laps du
temps, la barbarie et l'ignorance ont produits sur un sol privé du bienfait des pluies,
et qui, sans l'inondation et les arrosemens artificiels, seroit condamné à la stérilité.
Cet ancien lit du Nil est désigné par les géographes sous le nom de Bahr-belâ-mâ,
ou le Fleuve sans eau, et il est connu des gens du pays sous celui de Bahr-el-
fârigh, ou le Fleuve vide. On savoit qu'il n'étoit pas éloigné des lacs de Natroun,
dont on a repris l'exploitation depuis une quinzaine d'années, et dont les pro-
duits, utiles dans plusieurs arts, sont très-recherchés en France. On savoit aussi
qu'il y avoit dans le voisinage quelques couvens de religieux Qobtes fondés au
IV-e siècle, dans un temps où le fanatisme de la vie monastique attiroit au milieu
des déserts, du fond de l'Occident, des hommes ardens ou pusillanimes, qui fai-
soient vœu de s'éloigner des autres hommes, et qui, par leurs besoins, étoient
obligés de s'en rapprocher, afin d'intéresser leur pitié ou leur crédulité.
On voit qu'il étoit curieux et utile, sous plusieurs rapports, de connoître la
partie de l'Egypte dont nous venons de parler. C'est pour apprécier tous les
(1) Ce Mémoire a déjà été publié dans la Décade Égyptienne, imprimée au Kaire.
É. M. P P *
SUR
LA VALLÉE DES LACS DE NATROUN
ET CELLE DU FLEUVE SANS EAU,
d'après la reconnoissance faite les 4, 5, 6, 7 et 8 pluviôse
AN VII [23, 24, 25, 26 ET 27 JANVIER I 7£ ? ] (ijî
Par M. le Général ANDRÉOSSY.
vJn ne connoît généralement de l'Egypte que la vallée qu'arrose le Nil. Des
considérations géologiques, les récits des historiens anciens et de quelques voya-
geurs modernes, portoient cependant à croire que les eaux du Nil avoient pénétré,
dans des temps très-reculés, au sein des déserts de la Libye, et qu'il y restoit des
traces de leur cours.
Si, comme le prétend Hérodote, les anciens rois d'Egypte s'attachèrent, par
des travaux puissans, à rejeter et à contenir le Nil dans le bassin actuel, c'est sans
doute un des ouvrages les plus considérables dont on ait gardé le souvenir.
La recherche de cette direction primitive du Nil devoit jeter du jour sur la
géographie physique de l'Egypte , sur les ouvrages qu'on avoit entrepris pour sa
fertilité, et indiquer la route à suivre pour réparer les désordres que le laps du
temps, la barbarie et l'ignorance ont produits sur un sol privé du bienfait des pluies,
et qui, sans l'inondation et les arrosemens artificiels, seroit condamné à la stérilité.
Cet ancien lit du Nil est désigné par les géographes sous le nom de Bahr-belâ-mâ,
ou le Fleuve sans eau, et il est connu des gens du pays sous celui de Bahr-el-
fârigh, ou le Fleuve vide. On savoit qu'il n'étoit pas éloigné des lacs de Natroun,
dont on a repris l'exploitation depuis une quinzaine d'années, et dont les pro-
duits, utiles dans plusieurs arts, sont très-recherchés en France. On savoit aussi
qu'il y avoit dans le voisinage quelques couvens de religieux Qobtes fondés au
IV-e siècle, dans un temps où le fanatisme de la vie monastique attiroit au milieu
des déserts, du fond de l'Occident, des hommes ardens ou pusillanimes, qui fai-
soient vœu de s'éloigner des autres hommes, et qui, par leurs besoins, étoient
obligés de s'en rapprocher, afin d'intéresser leur pitié ou leur crédulité.
On voit qu'il étoit curieux et utile, sous plusieurs rapports, de connoître la
partie de l'Egypte dont nous venons de parler. C'est pour apprécier tous les
(1) Ce Mémoire a déjà été publié dans la Décade Égyptienne, imprimée au Kaire.
É. M. P P *