Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1905

DOI Heft:
Issue 4 (04.1905)
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.56681#0011
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
Mahroussa. —Rien.au monde ne peut me consoler de sa perte, ni
me le faire oublier. Même à un prince Khédivial, je n’accorderai pas
ma main.
Abou-Masr et Om-Ennil (entrent, embrassent leur fille et lui disent).
— Mais tu épouseras celui qui, avec l’aide du Tout-Puissant arrachera
la Vallée du Nil des mains de ses envahisseurs.
Mahroussa. — Au patriote égyptien, au fidèle croyant cpii sauvera
la Vallée du Nil de la domination étrangère, je sacrifierai mon cœur,
ma vie, je serai sort esclave tout en conservant ma foi à Aziz.
Abou-Masr. — Aziz. n’est pas digne de tes nobles sentiments.
Kaher. — Mais celui que notre père te propose mérite ton amour
chaste et pur. Il t’aime depuis deux ans quoiqu’il n’ait vu de toi que
tes beaux yeux noirs, dont les doux regards l’ont enflammé pour toi
d’amour. Pour te plaire, il a étudié à fond l’arabe et appris par cœur le
saint Coran.
. Mahroussa. — C’est donc un étranger, un infidèle (levant les yeux au
ciel) Seigneur ! Envoie-moi l’ange de la mort ; il me sauvera de l’igno-
minie qui va fondre sur moi !
Abou-Masr. — Mais ce n’est pas une ignominie; c’est une chance.
Om-Ennil. — Oui; une chance; car tu vas sauver une âme. Pour
trouver grâce à tes yeux, le colonel Harrison est prêt à se purifier et à
embrasser notre sainte religion.
Mahroussa. — Qu’entends-je! Harrison! C’est donc un anglais.
Moi, devenir la femme d’un guerrier, dont les mains sont encore teintes
du sang de mes frères? Plutôt la mort!
Kaher. — Mais le colonel Harrison n’est chez nous que depuis deux
ans ; il n’a pris part à aucune des guerres britanniques qui nous ont
désolés. Mon père qui le connaît et l’aime beaucoup, m’a autorisé à te
le présenter. Reçois-le donc avec bienveillance et écoute-le ; il te
plaira. Il sera ici dans cinq minutes; il est toujours exact à ses rendez-
vous. Tiens ! Je l’entends chanter.
Le colonel Harrison

Salut, à toi, charmant séjour
De la douce et tendre gazelle,
Dont les yeux noirs, d’ardent amour
Ont enflammé mon cœur pour elfe!

Mon cœur qui jamais ne cessa
D’aimer cette étoile brillante,
Cette angélique Mahroussa,
Dont la rare beauté m’enchante.

Que la paix soit avec vous, nobles seigneurs et augustes dames !
Tous. — Que la paix soit avec ceux qui marchent dans le sentier de
la rectitude.
Le Colonel (à Mahroussa qui à son apparition baissa son voile). — Vos
parents que j’estime et vénère et votre frère que j’aime et admire, vous
ont sans doute parlé de mon humble personne et de l’honneur que je
sollicite. Pour être digne de vous, ô vaillante patriote, j’ai appris votre
langue sublime et étudié le livre d’Allah, le Coran, dont la morale,
l’humanité et la tolérance ont islamisé mon âme. Daignez consentir à
notre union et je me purifierai aussitôt selon la loi de notre Seigneur
Mahomet.
Mahroussa. — Puissiez-vous dire vrai et puisse votre conversion
être sincère; mais n’espérez jamais qu’une Egyptienne consentira à
épouser un guerrier anglais toujours prêt à combattre ses frères blancs
ou noirs.
Le Colonel.— Votre intelligence vous place au-dessus de cette sotte
aversion ; vous savez que les Anglais aiment votre pays qu’ils rendent
heureux et prospère. Oui ; nous avons fait tant de bien à 1 Egypte et au
Soudan !
Mahroussa (vivement). — Ne dites pas cela, Monsieur, si vous voulez
que je continue à vous écouter. Si votre nation a amélioré nos finances,
notre agriculture, notre commerce et notre industrie, ce n’est que pour
les exploiter à son profit.
Le Colonel (vexé). — Vous refusez donc la main que je vous tends si
loyalement.
Mahroussa. — Je regrette que malgré les ordres de mes parents
auxquels je dois obéir, je ne puis accepter l’honneur de vous épouser,
et cela par patriotisme, comme Egyptienne, et par fidélité à un fiancé
quoiqu’il ait violé ses engagements comme vos grands ministres britan-
niques (saluant pour se retirer).
Le Colonel (la saisissant brutalement par la main). — Non. Goddem !
Non. Une bourgeoise égyptienne ne doit, ni ne peut refuser d’épouser un
noble Anglais comme moi. Oh ! Yes. Vous serez ma femme par amour,
ou par force.
Mahroussa (exaspérée, tire l’épée du Colonel et crie en la brandissant
sur sa tête). — Lâchez-moi, ô infidèle! Ne profanez pas ma main par
votre attouchement impur. Lâchez-moi si vous ne voulez pas que votre
mère prenne le deuil sur vous.
Abou-Masr (effrayé). — Arrête, ma fille, arrête !
Kaher. — Regarde, ô Mahroussa, qui est à tes pieds.
Aziz (jetant sa casquette anglaise, enlevant sa barbe et sa moustache
blondes et se mettant à genoux devant Mahroussa, baise sa main et lui dit).
— Pardonne-moi, si, d’accord avec nos parents bien-aimés, j’ai voulu
mettre ton patriotisme et ta constance à l’épreuve. Laisse-moi couvrir
de mes ardents baisers cette main héroïque prête à châtier l’envahisseur
qui la saisit.
Mahroussa (jetant loin d'elle l'épée du soi-disant colonel Harrison
et versant des larmes de joie, relève Aziz et dit à ses parents). — Puis-je
ôter mon voile et embrasser mon fiancé ?
Abou-Masr et Om-Ennil. — Oui. Oui; tu le peux.
Kaher (appelant). — Sadik ! Zarifa !
Sadik et Zarifa (les jardiniers entrent portant des fleurs qu'ils offrent
aux fiancés en leur disant). — Toutes nos félicitations, jeunes maîtres.
Mariez-vous et peuplez de vos enfants notre beau jardin.

A nos jeunes époux, accorde
O Dieu, des longs jours rayonnants
D’amour, de joie et de concorde
zVvec beaucoup de beaux enfants.

Des garçons gaillards, intrépides
Qui chasseront l’envahisseur
De la terre des Pyramides
Qu’il remplit de honte et d’horreur.

Abou-Masr (se mettant entre les fiancés et ouvrant ses mains en signe
de supplication). — Louange à toi, Maître de l’Univers. Tu as exaucé
mes vœux. Maintenant que j’ai élevé et éduqué en Egypte et en Europe
mon orphelin de neveu et que je le vois marié à ma fille chérie, je puis
mourir en paix-

Tous. — Non. Tu vivras pour jouir de notre bonheur et pour voir la
Vallée du Nil évacuée par l’envahisseur.
Kaher. — L’heure de la délivrance sonnera bientôt pour notre pays,
Le patriotisme et la constance de ma sœur sont de bon augure.
Abou-Masr (solennellement). — Vous savez, mes enfants, que le sur-
nom de notre bien aimé Khédive Abbas est Aziz, le chéri, et celui de
l’Egypte est Mahroussa, la contrée gardée par le Seigneur. Eh bien;
tant qu’Aziz aimera Mahroussa ; la délivrance est possible. C’est un bon
augure et un beau présage pour nos époux.
Tous
Tant que son Egypte chérie,
Le Khedive Abbas aimera,
De son salut, notre patrie
Jamais ne désespérera. Abou Naddaha.

LITTÉRATURE MUSULMANE
Traduction en vers de poésies turques.
DESCRIPTION DU PRINTEMPS
de Rouchi-Effendi.
De l’air calme et sereim la fraîcheur tempérée
Ramène en ces lieux le printemps.
Dans les cœurs heureux et contents,
De mille objets riants la nature parée,
Ranime le goût des plaisirs.
Déjà la faible tourterelle,
Autant qu’à son amant, à la plainte fidèle,
Des passants attendris réveille les soupirs.
Ruisseaux, — Rossignols aquatiques,
Dans vos murmures harmoniques,
Quels accords ! quelle volupté !
Je vois du pur jasmin s’entr’ouvrir le calice.
Pour respirer cet air propice
Qui va lui rendre sa beauté;
Tandis que des zéphirs sur la terre engourdie,
Le soufle répandu, porte partout la vie.
Le narcisse, la çojipe en main (i)
Au sein de la verte prairie
Levant sa tige enorgueillie,
Célèbre son heureux destin;
De la reine des fleurs, de la rose divine
L’éclatante beauté, que le printemps ranime,
Va briller au premier matin.
Déjà, par un joyeux ramage,
De son chant trop plaintif égayant les accents,
La fauvette vient rendre hommage
A la simplicité de ses attraits naissants (2).
Tout rit, tout inspire la joie.
O délicieuse saison !
Du bonheur tu m’ouvres la voie.
C’en est fait, que Rouchi dans les plaisirs se noie,
Que l’amour ait son cœur et le vin sa raison (3).
(t) Les Turcs comparent la cloche du narcisse à une coupe. C’est à cette
idée que font allusion ces quatre vers.
v») Des attraits naissants de la rose.
(3) Quoique l’usage du vin soit défendu par la loi mahométane, les Turcs comme
les Arabes et les Persans ne laissent pas d’en faire l’éloge dans leurs poésies Le
recueil dont j’ai tiré cette description, est plein de traits qui célèbrent cette victoire
Traduction en vers d’un distique Turc.
Aimer une belle est-ce un crime, (1)
Demandais-je au savant Umer?
Pauvre esprit, me dit-il ! retiens cette maxime :
C’en est un de ne pas l’aimer. Digeon.
(1) Ces quatre vers, et ceux da la description précédente, n’ont droit à l’indul-
gence du lecteur, que parce qu’ils font #ne fidèle traduction de l’original.

Traduction en prose des vers turcs du Cheikh Hufrey-Chirin, sur
les perfections de Dieu.
Que des louanges et des expressions de reconnaissance envers Dieu, pré- J
cèdent et terminent sans cesse nos actions ! envers ce Dieu qui, tout
impénétrable qu’il est à l’homme, se manifeste sans cesse à nous par tout
ce qui existe; qui n’a point de commencement; que rien n’a précédé, qui
verra la fin de tout, et qui ne finira jamais. Créateur adorable, qui a tiré du
néant le jour et la nuit, qui est le principe de la vie, qui a donné l’existence
à tout ce qui est périssable, comme a tout ce qui est incorruptible; subs-
tance pure, dont la puissance a créé les deux mondes avec la même facilité,
la même promptitude que nos yeux jettent un regard : intelligence infinie,
qui connaît toutes les créatures, même les plus imperceptibles qui rampent
sur la terre ou au fond des mers; qui toujours prêt à nous écouter, en-
tend tout, et pour qui les prières les plus secrètes sont des cris perçants
qui frappent les oreilles attentives. Au milieu des sombres ténèbres de la
nuit, la perspicacité de sa vue aperçoit le pied de la fourmi aussi distinc-
tement que si la nuit était éclairée par le flambeau du jour. Les deux
mondes, soumis aux lois de sa volonté suprême, ne s'écartent pas même
d’une ligne dans le mouvement qu’elle leur prescrit. L'esprit se trouble,
lorsqu'il ose tenter de remonter vers le principe de cet Etre incompré-
h< nsible, qui n’en a point, dont la fin nous est également inconnue. La
nature de notre âme, ce rayon que nous tenons de lui, et que nos sens ne
peuvent apercevoir, nous explique le mystère de son invisibilité; et l'im-
mensité du monde qu’il gouverne nous prouve son existence. Enfin, Dieu
est lui-même le commencement et la lin, l’intérieur et l’extérieur de tout.
Tout lui appartient, tout vient de lui, tout est en lui.
GRAINS D’AMBRE (Suite)
Le monde lasse vite un homme qui s’y donne.
Mais le sage jouit du calme et reste seul.
Comblés de tant de bien, tous les porte couronne
Doivent se contenter, à la fin, d’un linceul.
Ils gagnent tour à tour et perdent des richesses.
Et cette alternative entretient leur tourment.
Mais Moi qui sait qu’un jour, il faut que je paraisse
Devant Dieu, j’ai le monde en dégoût. Eh! comment
Pourrait-il me séduire? En lui rien ne se fonde.
Ses faveurs ne sont rien qu’un songe vile enfui.
Si personne avant moi n’a rien gardé du monde,
Pourquoi tous ces tracas, ces peines, ces ennuis ?
(A suivre.)
 
Annotationen