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ANDRÉ MAYNARD.
taie. Il était encore tout faible, brisé de fatigue après
le voyage, attendri par mille souvenirs d’enfance
réveillés subitement à l’aspect du pays, des envi-
rons, au son familier de l’accent, aux odeurs du
Midi, à la vue des buissons et des arbres hâtifs qu1
déjà se poudraient d’un vert blanchâtre. Il se re-
voyait tout enfant, trottant entre son père et sa
mère, sa pauvre maman, dont les traits s’effaçaient
de sa mémoire comme l’image d’une vieille photo-
graphie... Des mots de tendresse chantaient en lui,
et il s’étonnait d’avoir pu si longtemps se désinté-
resser des siens. Il était tout disposé à aimer jus-
qu’à sa belle-mère; après tout, ses enfants étaient
les enfants de son père; ils étaient de son sang à
lui, ses frères et sœurs.
Au sortir du wagon, il fouilla du regard les
groupes des gens qui attendaient, des familles sur-
tout, là où il y avait de jeunes enfants s’accrochant
à leurs parents. Mais les groupes se dispersaient,
chacun ayant trouvé son voyageur. Il restait quel-
ques hommes, et subitement André reconnut son
père, mais si vieilli, fatigué, amoindri pour ainsi
dire, qu’il en eut le cœur péniblement serré. Il alla
droit à lui, et le regard un peu vague du notaire
interrogeait ce voyageur qui s’avançait, un regard
sans une lueur; d’instinct il toucha son chapeau,
comme il l’eût fait à un étranger. André lui posa
une main sur chaque épaule : c’était un geste qui
lui était familier et qui venait de sa grande taille,
ANDRÉ MAYNARD.
taie. Il était encore tout faible, brisé de fatigue après
le voyage, attendri par mille souvenirs d’enfance
réveillés subitement à l’aspect du pays, des envi-
rons, au son familier de l’accent, aux odeurs du
Midi, à la vue des buissons et des arbres hâtifs qu1
déjà se poudraient d’un vert blanchâtre. Il se re-
voyait tout enfant, trottant entre son père et sa
mère, sa pauvre maman, dont les traits s’effaçaient
de sa mémoire comme l’image d’une vieille photo-
graphie... Des mots de tendresse chantaient en lui,
et il s’étonnait d’avoir pu si longtemps se désinté-
resser des siens. Il était tout disposé à aimer jus-
qu’à sa belle-mère; après tout, ses enfants étaient
les enfants de son père; ils étaient de son sang à
lui, ses frères et sœurs.
Au sortir du wagon, il fouilla du regard les
groupes des gens qui attendaient, des familles sur-
tout, là où il y avait de jeunes enfants s’accrochant
à leurs parents. Mais les groupes se dispersaient,
chacun ayant trouvé son voyageur. Il restait quel-
ques hommes, et subitement André reconnut son
père, mais si vieilli, fatigué, amoindri pour ainsi
dire, qu’il en eut le cœur péniblement serré. Il alla
droit à lui, et le regard un peu vague du notaire
interrogeait ce voyageur qui s’avançait, un regard
sans une lueur; d’instinct il toucha son chapeau,
comme il l’eût fait à un étranger. André lui posa
une main sur chaque épaule : c’était un geste qui
lui était familier et qui venait de sa grande taille,