42 LE MUSEUM
de fa figure. Ce Prince ajouta à la fplendeur de fa naiffance celle que pro-
cure l'amour pour les Arts, le goût des Lettres & le talent eftimable de
l'éloquence. Il s'appelait L. Ceionius Verus ; adopté par Adrien il joignit
à ces noms ceux d'Ælius Céfar. D'une faute fragile &: du caractère le
plus frivole , il ne paroiffoit pas devoir être defiiné à l'Empire; mais on
croit que les charmes de fa figure avoient aveuglé l'Empereur. Plus efféminé
que les femmes les plus adonnées à la molleflè , il fe couchoit , environné
de concubines, fur un lit à quatre chevets jonché des feuilles choifies &
les plus douces de la rofe, le corps parfumé d'aromates les plus précieux &
couvert d'un vêtement tifl'u de lys. Le licentieux Ovide, le fale Martial fai-
foient fes Levures chéries. Il adaptoit des ailes à fes coureurs &: leur don-
noit les furnoms de Borée & de Zéphir. Les plaifirs de la table étoient au
nombre de fes délices, & il a eu fe méprifable honneur de perfe&ionner ou
d'inventer un mets fenfuel. Adrien fe repentit de l'avoir adopté : fur-tout il
regretta les cinquante millions qu'il avoit à cette occafion difiribués au
peuple & aux foldats. La foibleffe du tempérament ufé de ce fils adoptif lui
faifoit dire qu'il s'étoit appuyé fur un mûr prêt à s'écrouler, & qu'il avoit
ajouté un nouveau Dieu à l'Olympe plutôt qu'il ne s'étoit donné un fils. Vérus ,
au moment où il préparoit un difcours pour rendre grâces à Adrien dans
le Sénat, mourut fubitement d'un vomiffement de fang qu'un breuvage deftiné
à lui procurer la fanté , avoit peut-être excité ; tant étoit débile fa com-
plexion. L'Empereur afin de ne point troubler la fête que l'on célébroit alors
pour fa profpérité & celle de l'Empire, défendit que l'on portât le deuil de
Vérus ; mais il fit rendre a fa mémoire tous les honneurs que l'on avoit cou-
tume de rendre aux Empereurs. II le mit au rang des Dieux , & voulut qu'on
lui érigeât des ftatues coloûalles dans tout l'Empire, & des temples même
en plufieurs Villes. Vérus avoit été revêtu par Adrien de la Préture , du
Confulat, & comblé de faveurs extraordinaires.
L'EMPEREUR A N T ON I N.
No.n&III. La mort de Vérus fut un évènement heureux pour l'Empire : elle procura
l'adoption d'Antonin. Ce Prince , l'un des meilleurs que l'on ait vu fur le
trône, naquit à Lanuvium , fous le Confulat de Domitien & de Cornélius
Dofabella , d'une famille Noble & vénérable. Titus Aurelius Fulvius, fon ayeul
paternel , à le fage Arrius Antoninus, fon ayeul maternel, lui donnèrent une
éducation vertueufe &: fimple la meilleure que puiffe recevoir tout homme,
celui fur-tout qui doit, un jour gouverner les autres; & il goûta, pour
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de fa figure. Ce Prince ajouta à la fplendeur de fa naiffance celle que pro-
cure l'amour pour les Arts, le goût des Lettres & le talent eftimable de
l'éloquence. Il s'appelait L. Ceionius Verus ; adopté par Adrien il joignit
à ces noms ceux d'Ælius Céfar. D'une faute fragile &: du caractère le
plus frivole , il ne paroiffoit pas devoir être defiiné à l'Empire; mais on
croit que les charmes de fa figure avoient aveuglé l'Empereur. Plus efféminé
que les femmes les plus adonnées à la molleflè , il fe couchoit , environné
de concubines, fur un lit à quatre chevets jonché des feuilles choifies &
les plus douces de la rofe, le corps parfumé d'aromates les plus précieux &
couvert d'un vêtement tifl'u de lys. Le licentieux Ovide, le fale Martial fai-
foient fes Levures chéries. Il adaptoit des ailes à fes coureurs &: leur don-
noit les furnoms de Borée & de Zéphir. Les plaifirs de la table étoient au
nombre de fes délices, & il a eu fe méprifable honneur de perfe&ionner ou
d'inventer un mets fenfuel. Adrien fe repentit de l'avoir adopté : fur-tout il
regretta les cinquante millions qu'il avoit à cette occafion difiribués au
peuple & aux foldats. La foibleffe du tempérament ufé de ce fils adoptif lui
faifoit dire qu'il s'étoit appuyé fur un mûr prêt à s'écrouler, & qu'il avoit
ajouté un nouveau Dieu à l'Olympe plutôt qu'il ne s'étoit donné un fils. Vérus ,
au moment où il préparoit un difcours pour rendre grâces à Adrien dans
le Sénat, mourut fubitement d'un vomiffement de fang qu'un breuvage deftiné
à lui procurer la fanté , avoit peut-être excité ; tant étoit débile fa com-
plexion. L'Empereur afin de ne point troubler la fête que l'on célébroit alors
pour fa profpérité & celle de l'Empire, défendit que l'on portât le deuil de
Vérus ; mais il fit rendre a fa mémoire tous les honneurs que l'on avoit cou-
tume de rendre aux Empereurs. II le mit au rang des Dieux , & voulut qu'on
lui érigeât des ftatues coloûalles dans tout l'Empire, & des temples même
en plufieurs Villes. Vérus avoit été revêtu par Adrien de la Préture , du
Confulat, & comblé de faveurs extraordinaires.
L'EMPEREUR A N T ON I N.
No.n&III. La mort de Vérus fut un évènement heureux pour l'Empire : elle procura
l'adoption d'Antonin. Ce Prince , l'un des meilleurs que l'on ait vu fur le
trône, naquit à Lanuvium , fous le Confulat de Domitien & de Cornélius
Dofabella , d'une famille Noble & vénérable. Titus Aurelius Fulvius, fon ayeul
paternel , à le fage Arrius Antoninus, fon ayeul maternel, lui donnèrent une
éducation vertueufe &: fimple la meilleure que puiffe recevoir tout homme,
celui fur-tout qui doit, un jour gouverner les autres; & il goûta, pour
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