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Nicolle, Marcel [Editor]
Rembrandt: aux expositions d'Amsterdam et de Londres — Paris: Librairie Paul Ollendorff, 1899

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https://doi.org/10.11588/diglit.71577#0017
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REMBRANDT

V

Peut-être exagérions-nous; peut-être, — et je le crois, — la Femme
au bain n'est-elle pas la plus belle toile du Louvre ; peut-être môme trou-
verait-on parmi les œuvres de Rembrandt qui l'entourent un tableau plus
complet, en tout cas plus intéressant, les Disciples d'Emmaüs, pal-
exemple ; mais il est incontestable que nul morceau de nu, pour la puis-
sance d'exécution, ne vaut ce torse de femme. C'est peint en pleine pâte,
— une pâte grasse, onctueuse, devant laquelle les gens du métier se
demandent avec étonnement à quels procédés Rembrandt a bien pu
recourir pour peindre, sans qu'il ait séché nulle part, — et, la chose est
évidente, en plusieurs jours, — un morceau de cette importance, qui a
l'air enlevé en quelques heures. Avait-il des couleurs qui ne séchaient
pas aussi rapidement que les nôtres ? Avait-il des huiles, des vernis que
nous ignorons?
Mais les procédés chez Rembrandt varient à l'infini et ne peuvent
s'analyser. Tantôt il frotte superficiellement certaines parties de ses
toiles, tantôt il écrase ses vessies de couleurs sans daigner seulement les
étaler, tantôt il pose des touches violentes avec son couteau à palette ou
bien encore il fait des éraflures avec le manche de son pinceau... 11 doit
peindre avec tout ce qui lui tombe sous la main, — et même avec la
main, avec les doigts! Il ne voit que le résultat, et se tient pour satisfait
quand il a obtenu l'effet réclamé par le démon intérieur qui l'échauffe.
Et les oppositions, avec quelle force il les manie, et quel parti magni-
fique il en sait tirer ! Voyez la Fonde de nuit : — le noir le plus vigoureux
au centre, entouré des deux clairs les plus vifs qu'il peut trouver sur sa
palette. Le reste sera subordonné à ce contraste. Et quel noir! C'est un
noir souple, profond, intense, — et cependant transparent, sans nulle
dureté. Ah ! le prodigieux peintre ! A côté de lui, tous les autres pâlissent
et semblent n'avoir peint que des images.
Et il se sert, des colorations pour aider encore à ses éblouissants effets
de lumière, pour exalter ses oppositions savantes. Ses blancs — voyez la
petite bohémienne de la Ronde — ses blancs sont dorés : — le blanc pur
eût été froid et n'aurait pas eu l'éclat nécessaire ; — l'unique note bleue
 
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