6 VOYAGE DANS LA GRÈCE,
vivre dans un pareil pays. Les bonnes femmes, que
j'avais questionnées pour connaître ces particularités,
me demandèrent à leur tour, si je n'étais pas un mon-
sieur de Saint-Mare (un signore di San-Marco), nom
chéri des Dalmates; et sur ma réponse affirmative, la
conversation devint très-expansive. Après m'avoir dit
tout le mal possible de leurs nouveaux maîtres, elles
m'apprirent qu'on avait récemment arrêté dans leur
port un bateau français, dont les papiers avaient
été envoyés à Zara, et qu'on attendait dans leur ville
un officier autrichien, chargé de lever des soldats et
de faire l'inspection de U côte.
Ces renseignements naïfs (di bocca innocente, pour
me servir de leur expression), n'étaient pour nous
rien moins que tranquillisants. Le soir même, nos
perplexités redoublèrent, à la vue d'un convoi es-
corté par une corvette de guerre russe, qui assura
son pavillon par un coup de canon, en sommant les
vaisseaux mouillés dans la rade de se rendre à l'obé-
dience. Tout peureux qu'il était, notre capitaine ju-
gea à propos de faire la sourde oreille. Le vaisseau russe
était mquillé au large; il y avait moyen de s'excu-
ser, et comme le convoi partit dans la nuit, nous
en fûmes quittes pour avoir vu brûler de la poudre.
Mais ce qui nous tira enfin d'embarras, ce fut le
retour du vent du nord. Il s'éleva au moment où
nous étions seuls au port avec nos conserves, et le
23 novembre, à neuf heures du matin, nous cin-
glions au large, avec l'espérance d'être le lendemain
à Raguse.
Le vent était propice, la mer belle, et nous effleu-
vivre dans un pareil pays. Les bonnes femmes, que
j'avais questionnées pour connaître ces particularités,
me demandèrent à leur tour, si je n'étais pas un mon-
sieur de Saint-Mare (un signore di San-Marco), nom
chéri des Dalmates; et sur ma réponse affirmative, la
conversation devint très-expansive. Après m'avoir dit
tout le mal possible de leurs nouveaux maîtres, elles
m'apprirent qu'on avait récemment arrêté dans leur
port un bateau français, dont les papiers avaient
été envoyés à Zara, et qu'on attendait dans leur ville
un officier autrichien, chargé de lever des soldats et
de faire l'inspection de U côte.
Ces renseignements naïfs (di bocca innocente, pour
me servir de leur expression), n'étaient pour nous
rien moins que tranquillisants. Le soir même, nos
perplexités redoublèrent, à la vue d'un convoi es-
corté par une corvette de guerre russe, qui assura
son pavillon par un coup de canon, en sommant les
vaisseaux mouillés dans la rade de se rendre à l'obé-
dience. Tout peureux qu'il était, notre capitaine ju-
gea à propos de faire la sourde oreille. Le vaisseau russe
était mquillé au large; il y avait moyen de s'excu-
ser, et comme le convoi partit dans la nuit, nous
en fûmes quittes pour avoir vu brûler de la poudre.
Mais ce qui nous tira enfin d'embarras, ce fut le
retour du vent du nord. Il s'éleva au moment où
nous étions seuls au port avec nos conserves, et le
23 novembre, à neuf heures du matin, nous cin-
glions au large, avec l'espérance d'être le lendemain
à Raguse.
Le vent était propice, la mer belle, et nous effleu-