FIGURINES ÉGYPTIENNES DE L'ÉPOQUE ARCHAÏQUE
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d'ivoire ou de bronze de l'époque du Dipylon, qui sont aussi complètement nues1.
On a beaucoup discuté sur ces figures, sur leur nature et sur le but pour lequel elles
ont été déposées à côté du défunt. L'opinion qui semble prévaloir a été développée par
M. Perrot, à propos des idoles mycéniennes2. D'après le savant académicien, le premier
usage qu'aurait fait l'homme de l'instinct plastique serait de calmer la terreur dont
son âme est obsédée, en se créant des divinités protectrices qui veilleraient sur lui dans
la tombe; en particulier, les idoles féminines seraient « la déesse de la vie et de la fécon-
dité qui, après avoir protégé l'homme pendant les courtes années qu'il avait passées
sous le soleil, l'accompagnerait dans le sépulcre, et le défendrait contre les menaces de
cette ombre inexplorée ». M. Perrot, à l'appui de sa théorie, nous parle des oushebti,
des répondantes déposées à côté du mort dans les tombes égyptiennes. Mais l'analogie
me paraît aller à l'encontre de l'idée que ces figurines soient des divinités protectrices.
Les oushebti ne sont pas des déesses, ce sont des hommes ou des femmes tenant des
instruments de labour, et prêts à venir participer aux travaux dès qu'on les appellera.
Ce sont avant tout les compagnons ou les compagnes du mort. Voyez aussi les tombes
de l'Ancien-Empire; les peintures si riches et si variées qui décorent les murs nous
montrent le défunt non seulement au milieu de sa famille, mais parmi tous ses servi-
teurs,, ses tenanciers, ses ouvriers, dans la foule desquels il se promène en souverain.
Dans la tombe de la XIe dynastie où il n'y a pas de peintures, nous trouvons des figures
en bois occupées aux mêmes travaux que celles qui étaient peintes sur les murailles.
La crainte qui semble surtout hanter la mort, ce n'est pas tant celle des dangers
contre lesquels il désire être protégé que celle de la solitude; il lui répugne d'être seul,
enfermé dans l'étroit réduit de sa tombe. Il lui faut de la société, de la compagnie.
Aussi, presque toujours, ces figures ont la forme humaine, sans aucune marque distinc-
tive d'une divinité; ce sont simplement les compagnons ou les compagnes du défunt.
Les femmes sont en majorité dans les tombes grecques ; il en est qui sont représentées
tenant un nouveau-né; c'est que le défunt est censé les avoir rendues mères. A Negacleh,
il y a des figures masculines. Il y a des nains, et même des naines (pl. V). A ces figures-
là faut-il leur assigner un caractère divin? Je ne le crois pas plus que pour les autres. On
sait que les nains apparaissent clans des inscriptions très anciennes. Ce sont "^^^
qu'on fait venir d'Afrique ou du pays de Pount pour danser, et qui dansent même devant
le dieu que vient rejoindre le roi Pepi après sa mort. « C'est le deng, des danses du
dieu, le plaisir du dieu devant son grand trône, » nous est-il dit dans une inscription
des pyramides. Ces nains divertissent le défunt dans sa tombe4; ils dansent devant lui
dans l'autre monde.
Je ne m'explique pas bien ce que signifie la figure barbue qui est au milieu de la
planche V; elle appartenait peut-être au manche d'une arme ou d'un instrument. La
1. Perrot et Chipiez, VII, fig. 21, 23, 25.
2. Id., VI, p. 756-760; VII, p. 148.
3. Schiaparelli, Una Tomba Egiziana incdita,.\>. 29; Erman, Deutsche More/., p. 594.
4. Je suis tenté d'attribuer la même destination aux musiciens d'Amorgos (Perrot, VI, fig. 35S et 359).
Ils sont là pour amuser le mort.
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d'ivoire ou de bronze de l'époque du Dipylon, qui sont aussi complètement nues1.
On a beaucoup discuté sur ces figures, sur leur nature et sur le but pour lequel elles
ont été déposées à côté du défunt. L'opinion qui semble prévaloir a été développée par
M. Perrot, à propos des idoles mycéniennes2. D'après le savant académicien, le premier
usage qu'aurait fait l'homme de l'instinct plastique serait de calmer la terreur dont
son âme est obsédée, en se créant des divinités protectrices qui veilleraient sur lui dans
la tombe; en particulier, les idoles féminines seraient « la déesse de la vie et de la fécon-
dité qui, après avoir protégé l'homme pendant les courtes années qu'il avait passées
sous le soleil, l'accompagnerait dans le sépulcre, et le défendrait contre les menaces de
cette ombre inexplorée ». M. Perrot, à l'appui de sa théorie, nous parle des oushebti,
des répondantes déposées à côté du mort dans les tombes égyptiennes. Mais l'analogie
me paraît aller à l'encontre de l'idée que ces figurines soient des divinités protectrices.
Les oushebti ne sont pas des déesses, ce sont des hommes ou des femmes tenant des
instruments de labour, et prêts à venir participer aux travaux dès qu'on les appellera.
Ce sont avant tout les compagnons ou les compagnes du mort. Voyez aussi les tombes
de l'Ancien-Empire; les peintures si riches et si variées qui décorent les murs nous
montrent le défunt non seulement au milieu de sa famille, mais parmi tous ses servi-
teurs,, ses tenanciers, ses ouvriers, dans la foule desquels il se promène en souverain.
Dans la tombe de la XIe dynastie où il n'y a pas de peintures, nous trouvons des figures
en bois occupées aux mêmes travaux que celles qui étaient peintes sur les murailles.
La crainte qui semble surtout hanter la mort, ce n'est pas tant celle des dangers
contre lesquels il désire être protégé que celle de la solitude; il lui répugne d'être seul,
enfermé dans l'étroit réduit de sa tombe. Il lui faut de la société, de la compagnie.
Aussi, presque toujours, ces figures ont la forme humaine, sans aucune marque distinc-
tive d'une divinité; ce sont simplement les compagnons ou les compagnes du défunt.
Les femmes sont en majorité dans les tombes grecques ; il en est qui sont représentées
tenant un nouveau-né; c'est que le défunt est censé les avoir rendues mères. A Negacleh,
il y a des figures masculines. Il y a des nains, et même des naines (pl. V). A ces figures-
là faut-il leur assigner un caractère divin? Je ne le crois pas plus que pour les autres. On
sait que les nains apparaissent clans des inscriptions très anciennes. Ce sont "^^^
qu'on fait venir d'Afrique ou du pays de Pount pour danser, et qui dansent même devant
le dieu que vient rejoindre le roi Pepi après sa mort. « C'est le deng, des danses du
dieu, le plaisir du dieu devant son grand trône, » nous est-il dit dans une inscription
des pyramides. Ces nains divertissent le défunt dans sa tombe4; ils dansent devant lui
dans l'autre monde.
Je ne m'explique pas bien ce que signifie la figure barbue qui est au milieu de la
planche V; elle appartenait peut-être au manche d'une arme ou d'un instrument. La
1. Perrot et Chipiez, VII, fig. 21, 23, 25.
2. Id., VI, p. 756-760; VII, p. 148.
3. Schiaparelli, Una Tomba Egiziana incdita,.\>. 29; Erman, Deutsche More/., p. 594.
4. Je suis tenté d'attribuer la même destination aux musiciens d'Amorgos (Perrot, VI, fig. 35S et 359).
Ils sont là pour amuser le mort.