MASPERO ET LES FOUILLES DANS LA VALLÉE DES ROIS1
L’enseignement de l’égyptologie au Collège de France, que j’ai le grand honneur
de rouvrir aujourd’hui, a élé interrompu depuis la mort de Gaston Maspero, le
30 juin 1916. Avec lui l’égyptologie française perdait son chef, et la science univer-
selle un de ses maîtres les plus autorisés. L’activité scientifique de Maspero s’est
développée sur un domaine immense, en Égypte comme en France ; mais le Collège
a été son poste de commandement. Champollion, pour qui la chaire fut créée en 1831,
après le génial déchiffrement des hiéroglyphes, ne put donner ici que quelques leçons,
avant de mourir prématurément à. l’âge de 42 ans. Emmanuel de Rongé, le véritable,
sinon l’immédiat, successeur de Champollion, a fourni, pendant douze ans (de 1860 à
1872), un enseignement où il fit preuve d’une érudition profonde et des plus fortes
qualités de méthode. Maspero eut, lui, la fortune d’être professeur au Collège dès
l’âge de 26 ans, et, pendant 42 ans de direction intellectuelle et 23 ans d’enseignement
effectif, il y trouva le champ propice à une intelligence douée des qualités les plus
fortes et les plus brillantes.
Au début, de 1873 à 1881, Maspero se consacre exclusivement aux cours de phi-
lologie, d’histoire et d’archéologie (tant au Collège de France qu’à l’École pratique
des Hautes Études), qui formèrent une nouvel te génération d’égyptologues. De 1881
à 1886, il alla fonder au Caire et diriger la Mission française destinée à former ces
archéologues sur le terrain : à peine était-il en Égypte, que la mort de Mariette lui
laissait la direction du Service des Antiquités. Il y marqua, dès la première année
(1881), son empreinte, par deux splendides découvertes : à Deir el-Bahari, les momies
des Pharaons thébains des XVIIIe à XXe dynasties ; à Saqqarah, les textes religieux
des Pyramides des Ve et VIe dynasties. Revenu à Paris, de 1886 à 1899, pendant
13 ans, il voua un labeur persévérant à l’exploitation de ses trouvailles. C’est l’époque
où s’élaborent l’étude sur les momies royales de Deir el-Bahari ; la traduction des
textes des Pyramides; la grande Histoire ancienne des Peuples de l’Orient classique,
et cent mémoires sur les problèmes les plus variés de philologie, d’archéologie, d’art
et de religion. En 1899, Maspero retourne en Égypte pour reprendre la direction du
Musée et du Service des Antiquités; il y reste jusqu’en juillet 19142. Au cours de ces
1. Leçon d’ouverture du cours d'égyptologie au Collège de France, le 4 février 1924.
2. Pendant son premier séjour au Caire, Maspero fut suppléé au Collège de France par Grébaut, Lefé-
bure, Guieysse; pendant son second séjour, par M. Georges Bénédite.
L’enseignement de l’égyptologie au Collège de France, que j’ai le grand honneur
de rouvrir aujourd’hui, a élé interrompu depuis la mort de Gaston Maspero, le
30 juin 1916. Avec lui l’égyptologie française perdait son chef, et la science univer-
selle un de ses maîtres les plus autorisés. L’activité scientifique de Maspero s’est
développée sur un domaine immense, en Égypte comme en France ; mais le Collège
a été son poste de commandement. Champollion, pour qui la chaire fut créée en 1831,
après le génial déchiffrement des hiéroglyphes, ne put donner ici que quelques leçons,
avant de mourir prématurément à. l’âge de 42 ans. Emmanuel de Rongé, le véritable,
sinon l’immédiat, successeur de Champollion, a fourni, pendant douze ans (de 1860 à
1872), un enseignement où il fit preuve d’une érudition profonde et des plus fortes
qualités de méthode. Maspero eut, lui, la fortune d’être professeur au Collège dès
l’âge de 26 ans, et, pendant 42 ans de direction intellectuelle et 23 ans d’enseignement
effectif, il y trouva le champ propice à une intelligence douée des qualités les plus
fortes et les plus brillantes.
Au début, de 1873 à 1881, Maspero se consacre exclusivement aux cours de phi-
lologie, d’histoire et d’archéologie (tant au Collège de France qu’à l’École pratique
des Hautes Études), qui formèrent une nouvel te génération d’égyptologues. De 1881
à 1886, il alla fonder au Caire et diriger la Mission française destinée à former ces
archéologues sur le terrain : à peine était-il en Égypte, que la mort de Mariette lui
laissait la direction du Service des Antiquités. Il y marqua, dès la première année
(1881), son empreinte, par deux splendides découvertes : à Deir el-Bahari, les momies
des Pharaons thébains des XVIIIe à XXe dynasties ; à Saqqarah, les textes religieux
des Pyramides des Ve et VIe dynasties. Revenu à Paris, de 1886 à 1899, pendant
13 ans, il voua un labeur persévérant à l’exploitation de ses trouvailles. C’est l’époque
où s’élaborent l’étude sur les momies royales de Deir el-Bahari ; la traduction des
textes des Pyramides; la grande Histoire ancienne des Peuples de l’Orient classique,
et cent mémoires sur les problèmes les plus variés de philologie, d’archéologie, d’art
et de religion. En 1899, Maspero retourne en Égypte pour reprendre la direction du
Musée et du Service des Antiquités; il y reste jusqu’en juillet 19142. Au cours de ces
1. Leçon d’ouverture du cours d'égyptologie au Collège de France, le 4 février 1924.
2. Pendant son premier séjour au Caire, Maspero fut suppléé au Collège de France par Grébaut, Lefé-
bure, Guieysse; pendant son second séjour, par M. Georges Bénédite.