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Saint-Non, Jean Claude Richard de
Voyage Pittoresque Ou Description Des Royaumes De Naples Et De Sicile (Band 4,1): Contenant La Description De La Sicile — Paris, 1785 [Cicognara, 2708-2]

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https://doi.org/10.11588/diglit.3243#0328
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*34 VOYAGE PITTORESQUE
« Mon premier empressement en arrivant sur la plaine de' Macaluba, fut de vérifier s'il
» existoit quelque chaleur dans les bouillonnemens que je voyois autour de moi ; je ne
» marchois qu'avec crainte sur cette surface tremblante 3 il meparoissoit dangereux d'approcher
» des grands cônes auprès desquels la terre étoit plus abreuvée qu'ailleurs, & où je pouvois
» m'engloutir ; cependant rassuré par différens essais, je m'avançai jusqu'au centre de cette
» plaine 3 je mis la main dans la vase délayée des craters & dans les creux pleins d'eau que
» je voyois bouillonner, & au lieu de la sensation de chaleur que j'attendois, j'y trouvai du
■» froid : j'y plongeai mon thermomètre, qui à l'air libre étoit à vingt-trois degrés Se demi;
» il y deseendit de trois degrés. J'enfonçai le bras nud dans la vase d'un des craters , ausïï
» profondément que je le pus, & j'y trouvai plus de fraîcheur encore qu'à la surface 3 nulle
» odeur de soufre, point de fumée 3 en un mot, par tous les moyens possibles je ne découvris
» dans l'état où étoit pour lors la Montagne aucun vestige de feu.
» Ce fait bien constaté, il falloit reconnoître si dans les grandes éruptions il y avoit le
» concours de l'élément ignée, & s'il y jouoit le principal rôle. Je commençois déjà à en
» douter 3 je parcourus la plaine dans toutes ses parties, &c la Montagne sur tout son contour
» extérieur 3 je n'y vis aucune matière sur laquelle le feu eût agi ; j'y en trouvai au contraire
» qui me prouvèrent que cet agent destructeur n'y avoit point existé. Je vis dans les éjections
» des dernières éruptions, des argiles boueuses qui contenoient du spath calcaire sans aucune
» altération, des pierres calcaires absolument intactes avec des crystaux réguliers de spàth,
*> des fragmens de sélénite écailleuse ou gypse spéculaire. Ces matières , c'est-à-dire le spath
» & les gypses crystallisés, sont altérés par le moindre feu , l'argile grise s'y dessèche, s'y
» cuit &c y devient rouge. Puisque cette argile & ces pierres ne portent point l'empreinte
» du feu j elles n'ont donc point été soumises à son action 3 il n'y a donc point existé 3 & on
» ne peut point lui attribuer ce singulier phénomène.
m Lorsque mes observations m'eurent bien convaincu que cette Montagne n'étoit point un
» Volcan ordinaire, je trouvai aisez facilement la cause de tous ces phénomènes. J'avois recueilli
» dans une bouteille une portion de l'air qui se dégage tant de la vase délayée que de l'eau ,
» j'y plongeai une bougie allumée qui s'y éteignit dans l'instant. Cet air, mêlé avec l'air
» atmosphérique , n'eut ni inssammation ni explosion 3 je n'avois pas la faculté de faire
» d'autres expériences, mais celle-ci me suffisoit pour reconnoître l'air fixe, & pour voir
» qu'il est l'unique agent des phénomènes que j'ai décrits ; il m'a paru que l'explication
» suivante me donnoit la vraie solution du problême qui m'avoit embarrassé un instant.
» Le sol de tout le pays est calcaire , ainsi que je l'ai dit plus haut ; il est recouvert de
» Montagnes d'une argile grise Se ductile, qui contient assez souvent un noyau gypseux 3 le
» hazard a placé au milieu de celle dite Macaluba une source d'eau salée ( elles sont en
» très-grand nombre dans un pays où les mines de sel gemme sont très-communes ). Cette
» eau détrempe sans cesse l'argile, & s'écoule ensuite par suintement sur un des côtés de la
» Montagne. L'acide vitriolique de l'argile s'empare par assinité de la base du sel marin,
» & en dégage l'acide marin qui se porte sur la pierre calcaire qui sert de fondement. Sa
» combinaison avec cette nouvelle base produit un grand développement d'air fixe qui traverse
» toute la masse d'argile hume&êe qui le recouvre pour venir éclater à sa surface. L'acide
» vitriolique de l'argile peut encore se combiner directement avec la pierre calcaire & former
» continuellement du gypse.^ L'air en traversant cette argile lui fait éprouver un esfet qui
» resfemble au pétrisfage , & qui augmente sa ductilité &c sa ténacité. Pendant l'hiver, qui
» est la saison des pluies, l'argile est plus délayée , l'air se dégage plus facilement, 8c les
» bouillonnemens sont plus multipliés. Pendant l'été l'argile se desféche à sa surface, & y
» forme une croûte plus ou moins épaisse. L'air fait alors quelque esfort pour sortir, & il
 
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