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SÆ , SIFFLET
gmmatËaBimsaiBaaagas^^
.■xn
Poyr tout ce. qui concerne VAdministration et la j
Rédaction, s'adresser à M. Michel ANÉZO, 7, rue !
Rochechouart.
GANIER D’ÂBIN
Bon peuple à moi, li noir, gentil...
Allons, voilà que je parle nègre, à présent !
Aussi est-il une situation plus bizarre que la mienne?
Qu’on dise encore que la vie d’aventures n’existe que
dans les romans!
La vie a quelquefois des péripéties plus inattendues,
plus étranges, plus nombreuses que le roman.
Oui, M. Prudhomme, il suffirait dès aujourd’hui
d’écrire ma vie pour faire du roman-feuilleton, avec des
suites à demain interminables.
La suite à demain \\\ Y oilà ce que je voudrais bien ij
connaître ! Et le roman lui-même, comment finira-t-il.
Il a été bien près de finir plus brusquement ; et c’eût
été vraiment dommage, à cause du décor actuel.
Un fauteuil présidentiel, c’est un trône !
Et je suis, moi, Ganier d’Abin, président de la Répu-
blique de Saint-Domingue.
C’est à ne pas le croire. Quelquefois je me demande si
je n’ai pas rêvé tout cela.
Non, je n’ai pas rêvé et je crois maintenant aux aven- §
tures d’Orélie-Antoine lur, devenu roi d’Araucanie par |
la volonté des sauvages.
Bon nègre avoir quié : Yivé Ganier ! vive d’Abin ! jj
Li pésident !...
Ouf, dans quelques mois, il me sera impossible d’arti- j
culer un son de pur français. Me voilà voué au langage ;
nègre à perpétuité.
il est vrai que la perpétuité, c’est quelque chose pour
un condamné à mort.
Quand je pense que j’avais fait une forteresse de la
butte Montmartre et que me voilà chef d’un gouverne-
ment noir !
Quand je pense, que j’étais garde national et que me
voilà souverain !
A cheval! à cheval... Je suis Masaniello!
Si seulement mon peuple n’avait pas cette affreuse cou-
leur de pain d’épices qui me... dérange!
II faudra que j’agrandisse mes Etats...
M'agrandir!... Est-ce que je perds déjà la boule?
Agrandir une île, cela dépasse mes forces.
Pour en conquérir d’autres, j’ai des voisins trop puis-
sants.
Je resterai coi. Je me bornerai à soutenir de bons
rapports avec les puissances étrangères, — car enfin me
voilà forcé d’avoir des ambassadeurs ! Etrange! Etrange
destinée !
J’espère que mes cousins d’Europe me verront d’un
aussi bon œil que tout autre. Que leur importe l’homme,
puisque la chose existe ?
Mais, je veux être bon prince. Je veux m’occuper sé- S
rieusement d’améliorer mon peuple. Si seulement je pou-
vais le blanchir !
Autrefois, du temps de Law, on a vu des gens, pauvres
le matin, posséder des millions le soir.
Des millions ! De l’or !... Eh parbleu, j’en aurai aussi ; j
mais eux, ont-ils eu des peuples à gouverner ?
C’est pour cela que je me dois à mon peuple.
D’abord, il va m’être on ne peut plus facile d’appliquer
mes systèmes de prédilection. C’est le destin qui m’envoie !
dans cette île pour la régénérer.
J’y songe : si un nouvel Homère allait chanter mes
exploits, quelle Odyssée !
Quel malheur que je n’aie pas ici une bibliothèque un |
peu plus choisie. Mais non : Des traités sur les confl- \
tures, des Recettes pour confire la goyave, — l’art j
du parfait cuisinier, — Manière de parfumer le 1
tafia, —Découverte des croquettes de riz par un !
singe, — Grande discussion sur les lèchefrites, -- ?
La racine de Manioc est-elle un poison ?... etc., etc. \
Yoilà les auteurs où je puis chercher des idées pour I
l’amélioration et la régénation de mon peuple...
Et puis, ils sont comiques, mes nègres ! Il leur faut 1
des rubans, des croix, absolument comme en Europe, j
C’est à donner envie de se faire empereur comme Sou- j
louque.
C’est ainsi que monologue Ganier d’Abin, du matin
jusqu’au soir, depuis que les noirs l’ont élevé sur le
pavois.
Oh ! les grandeurs ! les grandeurs !
Louis Gille.
SIFFLEMENTS
Où la crise s’arrêtera-t-elle ?
Si j’avais la lucidité et l’intuition du somnambuliste
Francis Magnard, le gendre de M. Joseph Prudhomme,
je vous donnerais une solution immédiate.
Aujourd’hui, je ne puis que constater les dégringola-
des de toutes sortes qui s’opèrent.
C’est effrayant !
Levez la tête dans n’importe quelle rue de Paris, et
vous lirez au-dessus d’un magasin fermé l’écriteau ainsi
conçu :
MAGASINS .TOUT AGENCES
A LOUER DE SUITE
Ce qui veut dire : ici on a fait faillite.
Ouvrez la Gazette des Tribunaux, et vous trouve-
rez quotidiennement plus de vingt braves gens qui dé-
posent leur bilan, parmi lesquels vous pourrez découvrir,
comme moi, la semaine dernière, des marchands de
poudre insecticide, des pédicures et des fabricants de
biberons.
Promenez-vous sur les boulevards, et examinez bien
les jolies gommeuses que vous rencontrerez, vous les
verrez tristes et désolées, et privées généralement de tous
leurs diamants.
Allez à la Bourse, et remarquez les nez gigantesques
de tous les agioteurs.
Maintenant, pour être juste et impartial, je ne veux
pas attribuer ces désastre.?, pas plus que la fuite du syn-
dic des agents de change de Lyon, aux huîtres du Fi-
garo ou au directeur de l’Ambigu, ce serait une calom-
nie infâme.
Si les affaires ne vont pas, c’est que messieurs les in-
dustriels ne trouvent pas de moyen intelligent pour les
faire marcher.
Yoyez l’homme-chien, la femme à deux têtes, les
lions des Folies Bergère, et dites moi si cela ne fait pas
la fortune des barnums qui les exhibent.
Ayez des phénomènes, messieurs, ayez des phéno-
mènes
Les lions du jour sont ceux des Folies-Bergère.
Quel spectacle que celui-là !
Ils sont sept dans la même cage, et pas un ne songe à
croquer le dompteur qui vient les ennuyer.
O Kildéric IY , quand on voit un courage pareil,
on se dit de suite : Mais ce n’est pas un Mérovingien,
c’est un dompteur de lions qu’il nous faut !
Un homme qui obtient de semblables résultats avec
les bêtes féroces ferait des choses surprenantes s’il tenait
chez nous la queue de la poêle.
Oh, mon roi ! si, comme toi, j’étais sans héritier et
sans ambition, je n’hésiterais pas un instant à abdiquer
tous mes droits .au profit de ce dompteur extraordinaire.
Songes-y pour ton bonheur et pour le nôtre.
Je ne sais pas si, à l’heure où vous lirez ces lignes, la
question de l’Opéra sera tranchée ; mais si elle ne l’était
pas, voici un projet que je soumettrais à la commission,
peu pressée, chargée de prendre une décision.
Naturellement, cdmrne tous les faiseurs de projets et
les marchands de chocolat, je dois dire que le mien est
le meilleur.
Toutes les combinaisons de l’Odéon, du Châtelet, du
Tliéâlre-Lyriqpe, de l’Ambigu, etc. etc., ne pouvant
réussir, je ne vois de possible maintenant que la halle
au blé.
Quelle salle sp1 endide!
Quel acoustique merveilleux !
Et en plein Paris, à deux pas du marché à la viande,
| et tout près du pavillon aux fromages, et tout près de l’ar-
rivée de la marée.
Messieurs les commissionnaires, songez-y, il n’y a pas
mieux.
Je mets même au-dessous cette idée, une autre que
j’ai encore, qui consiste à établir provisoirement l’Opéra
au Théâtre-Déjazet;, qui est sans locataire pour le mo-
ment.
Là, pas de frais, pas de dépenses exagérées, pour
quelques billets de cent francs, prix du loyer d’avance,
1 affaire se fait.
Naturellement on serait obligé de faire quelques modi-
fications dans le répertoire pour rendre possible, sur cette
scène qui n’a pas de vastes proportions, les représenta-
tions de tous nos chefs-d’œuvre.
Orijouerait les opéras à grande mise en scène comme
Rojber Lie-Diable, la Juive et le Prophète, sans chœur,
sans ballet et sans décors.
Je connais, dans le matériel restant de l’ancienne di-
rection, une toile de fond représentant une vue de la
Suisse qui ferait parfaitement l’affaire pour tous les opé-
ras à grand spectacle.
Il serait également de toute impossibilité d’admettre
au Théâtre-Déjazet tous les musiciens qui font partie de
l’orchestre de l’Académie nationale, ces artistes, trop
nombreux, rempliraient seuls la salie.
Pour obvier à cet inconvénient, on se servirait
du piano quatuor, qui donne des résultats si splen-
dides.
Celle idée, j’en conviens, ne vaut pas la première,
mais il y a des bizarreries si étonnantes que, si on ne
s’arrêtait pas à la Halle au Blé, je ne vois de possible que
le Théâtre-Déjazet ou la salle de la Fidélité.
Michel Anezo.
M- LABOULAYE
II y a eu un moment où le nom de M. Laboulaye fut
loin d’être populaire. C’était au commencement de l’an-
née 1870, la fatale année. Emile Ollivier venait de
commencer le bouleversement moral et matériel de l’an-
cienne opposition et fit route à part.
A la chute du ministère Ollivier, on lui offrit un por-
tefeuille qu’il ne put accepter, ne faisant pas partie du
Corps législatif.
Mais il avait porté un coup à sa popularité.
Quand il voulut reprendre ses cours au Collège de
France, il fut hué. En vain voulut-il lutter contre la
houle populaire ; il dut renoncer à faire ses cours que
l’on suspendit sur sa demande.
Mais ce sont là des échecs si communs dans la vie
d’un homme d’Etat, qu’ils n’ont en rien modifié sa
ligne de conduite.
Depuis le 8 février, il fait pariie de l’Assemblée et
sa place est au centre gauche.
Voyons donc un peu plus en détail quel est cet
homme qui a rédigé et lu le rapport sur la proroga-
tion ; — cet homme, dont tous les journaux à l’envi ont
vanté la parole honnête et la conviction sincère.
C’est un acien fondeur en caractères. Son frère
exerce même encore cette industrie.
Edouard-René Lefebvre-Laboulaye est né le 18 jan-
vier 1811 ; c’est un jurisconsulte distingué.
Il a étudié le droit à Paris, où, dès 1839, il publiait
une Histoire du droit de propriété foncière en Eu-
rope depuis Constantin jusqu'à nos jours.
Cette Histoire fut couronnée par l’Académie des In-
scriptions et Belles - Lettres. On remarqua beaucoup
l qu’il i avait signee : E. Laboulaye, fondeur en carac-
tères.
Ce n’était qu’une coquetterie, car, bien qu’il ait un
peu exercé celte profession, il n’a jamais cessé de s’oc-
cuper de ses études.
Il fut encore lauréat, — cette fois, de l’Académie des
sciences morales et politiques, — en 1843, pour ses
Recherches sur la condition civile .et politique des
femmes, depuis les Romains jusqu à nos jours.
Puis, en 1845, il fut de nouveau couronné par l’Aca-
démie des Inscriptions et Belles-Lettres pour son Essai
sur les lois criminelles des Romains concernant la
responsabilité des magistrats.
C’était bien le moins qu on en fît un académicien ; en
effet, la derniere Académie nommée l’appela dans son
sein, — tendre mère ! — et en 1849, il devint professeur
de législation comparée au. collège de France.
Mais, notez bien ce détail qui n’est pas insignifiant :
malgré son mérite, sa compétence, la clarté de ses écrits,
M. Laboulaye n’est pas Docteur en droit !
Un tailleur de Paris a pour lui la plus vive reconnais-
sance, à cause de son ouvrage intitulé : Essai sur la
vie et les doctrines de Frédéric Charles de Sa-
vigny.
Parbleu ! les doctrines de Sa vigny, tout le monde les
connaît: Pas de crédit\ Quinze pour cent dé es-
compte !
Par exemple, je renonce à vous énumérer tous les au-
tres ouvrages de Laboulaye qui remontent jusqu’aux
Romains. J’aime mieux remonter ma pendule.
Ce qui a le plus influé sur sa vie et sur ses idées poli-
tiques, ce sont ses idées sur l’Amérique. En voilà un qui
sait la différence qu’il y a entre les deux frères Tocque-
ville, le mort et le vivant; l’homme habile et... l’autre !
JJ Esclavage. — Essai sur l'esclavage aux Etats-
Unis. — Histoire politique des Etats- Unis. — Les
Etats-Unis et la France. — Essais politiques sur
M. de Tocqueville. —Paris en Amérique, etc , etc.
L’Amérique tient une grande place dans son bagage,
comme vous le voyez.
II a aussi étudié l’Allemagne. Il a aussi collaboré au.
Journal des Débats et à la Revue des Deux Mon-
des... Enfin, il a tout ce qu’il faut pour constituer un
savant et pour effrayer ceux qui n’aiment que les
chsn v„TiS.
Q/.,e dis-je! Et la liberté religieuse, que de flots d’en-
cre elle lui a coûtés!
Eh bien, malgré tout cela, il a payé son tribut à la
(littérature légère ; il aurait pu écrire dans le Sifflet !
On a de lui: lues souvenirs d'un vouàneur. H y a
T O i I O J
du btern!
Abdallah, roman arabe.
Contes bleus, illustrés; — Nouveaux contes bleus !
et enfin, le Prince Caniche, dont le titre s’étalait sur
toutes les murailles en 1868.
Tel est 1 homme, piocheur, surtout piocheur! trou-
vant son bonheur dans les sujets les plus arides, comme
le coq trouve des perles dans du millet.
C était bien 1 homme qu’il fallait pour rédiger froide-
ment le rapport de prorogation.
Le Güïllois.
Beaucoup de gens prononcent prolongation au lieu de
prorogation.
Ainsi, ma portière m’arrête hier et me demande :
— Quelle est la taille du maréchal Mac-Mahon?
—- Dame, je ne sais pas au juste... 11 doit avoir dans
les environs de deux mètres.
— Et quand il sera prolongé?
Pour le coup, je n’y tins plus et je m’enfuis.
On m’a montré un jour un tambour-major qui avait
été cassé.
Eh bien, il avait encore sept pieds ! ! !
Quelle taille avait-il donc avant d’être cassé ?
Il y a des gens qui ne doutent de rien.
Ainsi, il s’est trouvé à Paris un homme de lettres,
M. Edmond Deriveau, qui s’est avisé d’inonder la France
de carrés de papier.
Gomme il ne les fait pas payer et qu’on en a souvent
SÆ , SIFFLET
gmmatËaBimsaiBaaagas^^
.■xn
Poyr tout ce. qui concerne VAdministration et la j
Rédaction, s'adresser à M. Michel ANÉZO, 7, rue !
Rochechouart.
GANIER D’ÂBIN
Bon peuple à moi, li noir, gentil...
Allons, voilà que je parle nègre, à présent !
Aussi est-il une situation plus bizarre que la mienne?
Qu’on dise encore que la vie d’aventures n’existe que
dans les romans!
La vie a quelquefois des péripéties plus inattendues,
plus étranges, plus nombreuses que le roman.
Oui, M. Prudhomme, il suffirait dès aujourd’hui
d’écrire ma vie pour faire du roman-feuilleton, avec des
suites à demain interminables.
La suite à demain \\\ Y oilà ce que je voudrais bien ij
connaître ! Et le roman lui-même, comment finira-t-il.
Il a été bien près de finir plus brusquement ; et c’eût
été vraiment dommage, à cause du décor actuel.
Un fauteuil présidentiel, c’est un trône !
Et je suis, moi, Ganier d’Abin, président de la Répu-
blique de Saint-Domingue.
C’est à ne pas le croire. Quelquefois je me demande si
je n’ai pas rêvé tout cela.
Non, je n’ai pas rêvé et je crois maintenant aux aven- §
tures d’Orélie-Antoine lur, devenu roi d’Araucanie par |
la volonté des sauvages.
Bon nègre avoir quié : Yivé Ganier ! vive d’Abin ! jj
Li pésident !...
Ouf, dans quelques mois, il me sera impossible d’arti- j
culer un son de pur français. Me voilà voué au langage ;
nègre à perpétuité.
il est vrai que la perpétuité, c’est quelque chose pour
un condamné à mort.
Quand je pense que j’avais fait une forteresse de la
butte Montmartre et que me voilà chef d’un gouverne-
ment noir !
Quand je pense, que j’étais garde national et que me
voilà souverain !
A cheval! à cheval... Je suis Masaniello!
Si seulement mon peuple n’avait pas cette affreuse cou-
leur de pain d’épices qui me... dérange!
II faudra que j’agrandisse mes Etats...
M'agrandir!... Est-ce que je perds déjà la boule?
Agrandir une île, cela dépasse mes forces.
Pour en conquérir d’autres, j’ai des voisins trop puis-
sants.
Je resterai coi. Je me bornerai à soutenir de bons
rapports avec les puissances étrangères, — car enfin me
voilà forcé d’avoir des ambassadeurs ! Etrange! Etrange
destinée !
J’espère que mes cousins d’Europe me verront d’un
aussi bon œil que tout autre. Que leur importe l’homme,
puisque la chose existe ?
Mais, je veux être bon prince. Je veux m’occuper sé- S
rieusement d’améliorer mon peuple. Si seulement je pou-
vais le blanchir !
Autrefois, du temps de Law, on a vu des gens, pauvres
le matin, posséder des millions le soir.
Des millions ! De l’or !... Eh parbleu, j’en aurai aussi ; j
mais eux, ont-ils eu des peuples à gouverner ?
C’est pour cela que je me dois à mon peuple.
D’abord, il va m’être on ne peut plus facile d’appliquer
mes systèmes de prédilection. C’est le destin qui m’envoie !
dans cette île pour la régénérer.
J’y songe : si un nouvel Homère allait chanter mes
exploits, quelle Odyssée !
Quel malheur que je n’aie pas ici une bibliothèque un |
peu plus choisie. Mais non : Des traités sur les confl- \
tures, des Recettes pour confire la goyave, — l’art j
du parfait cuisinier, — Manière de parfumer le 1
tafia, —Découverte des croquettes de riz par un !
singe, — Grande discussion sur les lèchefrites, -- ?
La racine de Manioc est-elle un poison ?... etc., etc. \
Yoilà les auteurs où je puis chercher des idées pour I
l’amélioration et la régénation de mon peuple...
Et puis, ils sont comiques, mes nègres ! Il leur faut 1
des rubans, des croix, absolument comme en Europe, j
C’est à donner envie de se faire empereur comme Sou- j
louque.
C’est ainsi que monologue Ganier d’Abin, du matin
jusqu’au soir, depuis que les noirs l’ont élevé sur le
pavois.
Oh ! les grandeurs ! les grandeurs !
Louis Gille.
SIFFLEMENTS
Où la crise s’arrêtera-t-elle ?
Si j’avais la lucidité et l’intuition du somnambuliste
Francis Magnard, le gendre de M. Joseph Prudhomme,
je vous donnerais une solution immédiate.
Aujourd’hui, je ne puis que constater les dégringola-
des de toutes sortes qui s’opèrent.
C’est effrayant !
Levez la tête dans n’importe quelle rue de Paris, et
vous lirez au-dessus d’un magasin fermé l’écriteau ainsi
conçu :
MAGASINS .TOUT AGENCES
A LOUER DE SUITE
Ce qui veut dire : ici on a fait faillite.
Ouvrez la Gazette des Tribunaux, et vous trouve-
rez quotidiennement plus de vingt braves gens qui dé-
posent leur bilan, parmi lesquels vous pourrez découvrir,
comme moi, la semaine dernière, des marchands de
poudre insecticide, des pédicures et des fabricants de
biberons.
Promenez-vous sur les boulevards, et examinez bien
les jolies gommeuses que vous rencontrerez, vous les
verrez tristes et désolées, et privées généralement de tous
leurs diamants.
Allez à la Bourse, et remarquez les nez gigantesques
de tous les agioteurs.
Maintenant, pour être juste et impartial, je ne veux
pas attribuer ces désastre.?, pas plus que la fuite du syn-
dic des agents de change de Lyon, aux huîtres du Fi-
garo ou au directeur de l’Ambigu, ce serait une calom-
nie infâme.
Si les affaires ne vont pas, c’est que messieurs les in-
dustriels ne trouvent pas de moyen intelligent pour les
faire marcher.
Yoyez l’homme-chien, la femme à deux têtes, les
lions des Folies Bergère, et dites moi si cela ne fait pas
la fortune des barnums qui les exhibent.
Ayez des phénomènes, messieurs, ayez des phéno-
mènes
Les lions du jour sont ceux des Folies-Bergère.
Quel spectacle que celui-là !
Ils sont sept dans la même cage, et pas un ne songe à
croquer le dompteur qui vient les ennuyer.
O Kildéric IY , quand on voit un courage pareil,
on se dit de suite : Mais ce n’est pas un Mérovingien,
c’est un dompteur de lions qu’il nous faut !
Un homme qui obtient de semblables résultats avec
les bêtes féroces ferait des choses surprenantes s’il tenait
chez nous la queue de la poêle.
Oh, mon roi ! si, comme toi, j’étais sans héritier et
sans ambition, je n’hésiterais pas un instant à abdiquer
tous mes droits .au profit de ce dompteur extraordinaire.
Songes-y pour ton bonheur et pour le nôtre.
Je ne sais pas si, à l’heure où vous lirez ces lignes, la
question de l’Opéra sera tranchée ; mais si elle ne l’était
pas, voici un projet que je soumettrais à la commission,
peu pressée, chargée de prendre une décision.
Naturellement, cdmrne tous les faiseurs de projets et
les marchands de chocolat, je dois dire que le mien est
le meilleur.
Toutes les combinaisons de l’Odéon, du Châtelet, du
Tliéâlre-Lyriqpe, de l’Ambigu, etc. etc., ne pouvant
réussir, je ne vois de possible maintenant que la halle
au blé.
Quelle salle sp1 endide!
Quel acoustique merveilleux !
Et en plein Paris, à deux pas du marché à la viande,
| et tout près du pavillon aux fromages, et tout près de l’ar-
rivée de la marée.
Messieurs les commissionnaires, songez-y, il n’y a pas
mieux.
Je mets même au-dessous cette idée, une autre que
j’ai encore, qui consiste à établir provisoirement l’Opéra
au Théâtre-Déjazet;, qui est sans locataire pour le mo-
ment.
Là, pas de frais, pas de dépenses exagérées, pour
quelques billets de cent francs, prix du loyer d’avance,
1 affaire se fait.
Naturellement on serait obligé de faire quelques modi-
fications dans le répertoire pour rendre possible, sur cette
scène qui n’a pas de vastes proportions, les représenta-
tions de tous nos chefs-d’œuvre.
Orijouerait les opéras à grande mise en scène comme
Rojber Lie-Diable, la Juive et le Prophète, sans chœur,
sans ballet et sans décors.
Je connais, dans le matériel restant de l’ancienne di-
rection, une toile de fond représentant une vue de la
Suisse qui ferait parfaitement l’affaire pour tous les opé-
ras à grand spectacle.
Il serait également de toute impossibilité d’admettre
au Théâtre-Déjazet tous les musiciens qui font partie de
l’orchestre de l’Académie nationale, ces artistes, trop
nombreux, rempliraient seuls la salie.
Pour obvier à cet inconvénient, on se servirait
du piano quatuor, qui donne des résultats si splen-
dides.
Celle idée, j’en conviens, ne vaut pas la première,
mais il y a des bizarreries si étonnantes que, si on ne
s’arrêtait pas à la Halle au Blé, je ne vois de possible que
le Théâtre-Déjazet ou la salle de la Fidélité.
Michel Anezo.
M- LABOULAYE
II y a eu un moment où le nom de M. Laboulaye fut
loin d’être populaire. C’était au commencement de l’an-
née 1870, la fatale année. Emile Ollivier venait de
commencer le bouleversement moral et matériel de l’an-
cienne opposition et fit route à part.
A la chute du ministère Ollivier, on lui offrit un por-
tefeuille qu’il ne put accepter, ne faisant pas partie du
Corps législatif.
Mais il avait porté un coup à sa popularité.
Quand il voulut reprendre ses cours au Collège de
France, il fut hué. En vain voulut-il lutter contre la
houle populaire ; il dut renoncer à faire ses cours que
l’on suspendit sur sa demande.
Mais ce sont là des échecs si communs dans la vie
d’un homme d’Etat, qu’ils n’ont en rien modifié sa
ligne de conduite.
Depuis le 8 février, il fait pariie de l’Assemblée et
sa place est au centre gauche.
Voyons donc un peu plus en détail quel est cet
homme qui a rédigé et lu le rapport sur la proroga-
tion ; — cet homme, dont tous les journaux à l’envi ont
vanté la parole honnête et la conviction sincère.
C’est un acien fondeur en caractères. Son frère
exerce même encore cette industrie.
Edouard-René Lefebvre-Laboulaye est né le 18 jan-
vier 1811 ; c’est un jurisconsulte distingué.
Il a étudié le droit à Paris, où, dès 1839, il publiait
une Histoire du droit de propriété foncière en Eu-
rope depuis Constantin jusqu'à nos jours.
Cette Histoire fut couronnée par l’Académie des In-
scriptions et Belles - Lettres. On remarqua beaucoup
l qu’il i avait signee : E. Laboulaye, fondeur en carac-
tères.
Ce n’était qu’une coquetterie, car, bien qu’il ait un
peu exercé celte profession, il n’a jamais cessé de s’oc-
cuper de ses études.
Il fut encore lauréat, — cette fois, de l’Académie des
sciences morales et politiques, — en 1843, pour ses
Recherches sur la condition civile .et politique des
femmes, depuis les Romains jusqu à nos jours.
Puis, en 1845, il fut de nouveau couronné par l’Aca-
démie des Inscriptions et Belles-Lettres pour son Essai
sur les lois criminelles des Romains concernant la
responsabilité des magistrats.
C’était bien le moins qu on en fît un académicien ; en
effet, la derniere Académie nommée l’appela dans son
sein, — tendre mère ! — et en 1849, il devint professeur
de législation comparée au. collège de France.
Mais, notez bien ce détail qui n’est pas insignifiant :
malgré son mérite, sa compétence, la clarté de ses écrits,
M. Laboulaye n’est pas Docteur en droit !
Un tailleur de Paris a pour lui la plus vive reconnais-
sance, à cause de son ouvrage intitulé : Essai sur la
vie et les doctrines de Frédéric Charles de Sa-
vigny.
Parbleu ! les doctrines de Sa vigny, tout le monde les
connaît: Pas de crédit\ Quinze pour cent dé es-
compte !
Par exemple, je renonce à vous énumérer tous les au-
tres ouvrages de Laboulaye qui remontent jusqu’aux
Romains. J’aime mieux remonter ma pendule.
Ce qui a le plus influé sur sa vie et sur ses idées poli-
tiques, ce sont ses idées sur l’Amérique. En voilà un qui
sait la différence qu’il y a entre les deux frères Tocque-
ville, le mort et le vivant; l’homme habile et... l’autre !
JJ Esclavage. — Essai sur l'esclavage aux Etats-
Unis. — Histoire politique des Etats- Unis. — Les
Etats-Unis et la France. — Essais politiques sur
M. de Tocqueville. —Paris en Amérique, etc , etc.
L’Amérique tient une grande place dans son bagage,
comme vous le voyez.
II a aussi étudié l’Allemagne. Il a aussi collaboré au.
Journal des Débats et à la Revue des Deux Mon-
des... Enfin, il a tout ce qu’il faut pour constituer un
savant et pour effrayer ceux qui n’aiment que les
chsn v„TiS.
Q/.,e dis-je! Et la liberté religieuse, que de flots d’en-
cre elle lui a coûtés!
Eh bien, malgré tout cela, il a payé son tribut à la
(littérature légère ; il aurait pu écrire dans le Sifflet !
On a de lui: lues souvenirs d'un vouàneur. H y a
T O i I O J
du btern!
Abdallah, roman arabe.
Contes bleus, illustrés; — Nouveaux contes bleus !
et enfin, le Prince Caniche, dont le titre s’étalait sur
toutes les murailles en 1868.
Tel est 1 homme, piocheur, surtout piocheur! trou-
vant son bonheur dans les sujets les plus arides, comme
le coq trouve des perles dans du millet.
C était bien 1 homme qu’il fallait pour rédiger froide-
ment le rapport de prorogation.
Le Güïllois.
Beaucoup de gens prononcent prolongation au lieu de
prorogation.
Ainsi, ma portière m’arrête hier et me demande :
— Quelle est la taille du maréchal Mac-Mahon?
—- Dame, je ne sais pas au juste... 11 doit avoir dans
les environs de deux mètres.
— Et quand il sera prolongé?
Pour le coup, je n’y tins plus et je m’enfuis.
On m’a montré un jour un tambour-major qui avait
été cassé.
Eh bien, il avait encore sept pieds ! ! !
Quelle taille avait-il donc avant d’être cassé ?
Il y a des gens qui ne doutent de rien.
Ainsi, il s’est trouvé à Paris un homme de lettres,
M. Edmond Deriveau, qui s’est avisé d’inonder la France
de carrés de papier.
Gomme il ne les fait pas payer et qu’on en a souvent