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Toutain, Jules
Les cités romaines de la Tunisie: essai sur l'histoire de la colonisation romaine dans l'Afrique du Nord — Paris, 1895

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https://doi.org/10.11588/diglit.16856#0215

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LA LANGUE.

201

donc le grec n'a pas été un idiome inconnu des Africains de l'é-
poque impériale, s'il a été étudié dans les écoles comme langue
littéraire, si même il a été parlé couramment dans quelques ci-
tés maritimes, il serait pourtant imprudent et inexact d'affir-
mer qu'il a été populaire dans tout le pays (1).

Ce rôle de dialecte vraiment populaire, de patois local et vi-
vace, ce sont les anciens idiomes punique et libyque qui l'ont
joué. De ce que les inscriptions néo-puniques et libyques sont
peu nombreuses, et de ce qu'aucune œuvre littéraire n'a été
écrite en l'une ou l'autre de ces deux langues, il ne faut pas
conclure qu'elles eussent complètement disparu sous l'empire.
De très sérieux indices nous en révèlent au contraire la persis-
tance. A Mactaris, les stèles votives consacrées au dieu Baal-
Hammon étaient couvertes de formules néo-puniques ; les épi-
taphes recueillies dans les ruines de Masculula sont les unes
latines, les autres néo-puniques ; des textes analogues ont été
trouvés en d'autres points encore, à Thugga, par exemple, à
Simitthu, à Mididis. Parmi les inscriptions libyques, il en est
qui datent certainement des premiers siècles de l'empire : ce
sont les bilingues latines et berbères (2). D'autre part celles qui
ont été découvertes au milieu des ruines romaines d'Ellès, d'U-
rusita, de Mactaris, ne remontent probablement pas à une épo-
que plus reculée.

Ces renseignements épigraphiques sont d'ailleurs explicite-
ment corroborés, au moins pour la langue punique, par les au-
teurs , par Aurelius Victor, par Apulée, par saint Augustin. Le
biographe de Septime Sévère nous apprend que cet empereur

(1) M. Mommsen pense que la langue grecque aurait pu et dû se répandre
dans l'Afrique du nord, aux lieu et place du latin, si l'usage du latin n'avait
pas été officiellement imposé par Rome (Mommsen, Rômische Geschichte,
t. V, p. 643-644 ; trad. française, t. XI, p. 284). Il me paraît difficile de sous-
crire à cette opinion du savant historien allemand. Sans doute, les ports
africains groupés autour de Carthage étaient depuis longtemps en rapports
suivis avec les cités grecques de la Sicile, de la Cyrénaïque et de l'Orient;
toutefois il n'y eut jamais dans ces ports de colonies helléniques analo-
gues aux comptoirs phéniciens de Massalia et du Pirée. On ne voit donc
pas bien comment la langue grecque aurait pu s'introduire et devenir po-
pulaire en Afrique. Cette théorie serait peut-être exacte pour la Provence;
mais aucune assimilation ne me paraît, à ce point de vue, possible entre
les deux régions, dont l'une a été de bonne heure profondément colonisée
par les Grecs, tandis que l'autre n'a subi que très tard l'influence de leur
génie artistique.

(2) C. I. L., VIII, 5209, 5216, 5217, 5218, 5220, 5225; Suppl, 17317, 17319,
17320.
 
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