DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
Quel plus'beau spectacle, disoit Polybe, que la réunion des images de ces hommes dont les
noms et les vertus retentissent dans la postérité' î VIconographie ancienne va réaliser le vœu de
Polybe : elle présentera la collection de tous les portraits qui nous restent des hommes illustres
de l'antiquité. On sera peut-être étonné du grand nombre de ces portraits, et on demandera
comment à travers tant de siècles ils ont pu parvenir jusqu'à nous-, quels sont les monuments
qui les ont conservés-, quels sont les hommes éclairés et laborieux qui les ont recueillis pour
nous les transmettre 5 enfin quels moyens j'ai employés , quelle méthode j'ai suivie pour les
rassembler tous, et pour surmonter les difficultés qu'offroit à chaque pas l'exécution de cette
vaste entreprise. Je vais essayer de répondre à chacune de ces différentes questions, en com-
mençant par l'examen des usages qui ont prodigieusement multiplié les portraits dans l'anti-
quité, particulièrement chez les Grecs et chez les Romains.
Le désir de conserver les traits des personnes qui ont été l'objet de son affection et de son
estime est naturel à l'homme : c'est à ce désir que les arts du dessin ont dû leur naissance. Les
contours extérieurs d'un portrait, tracés par l'ombre, ont donné lieu aux premiers essais de
la délinéation et de la plastique, c'est-à-dire aux premières ébauches de la peinture et de la
sculpture2. Ce goût a dû augmenter à mesure que ces essais répétés devenoient moins infor-
mes, et que l'art avançoit vers sa perfection. Alors l'imitation en ronde-bosse parut, aux hommes
étonnés, fixer en quelque manière et soustraire aux changements et à la mort les formes fragiles
et variables des êtres vivants. Ces êtres ainsi représentés devinrent, pour ainsi dire, immortels;
et l'enthoLisiasme pour ces ouvrages de Fart fut une des sources de l'idolâtrie3. Chez quelques
peuples de l'antiquité la religion réprima cet enthousiasme; chez quelques autres, elle ne l'en-
couragea point4; mais chez les Grecs au contraire elle l'excita et le porta jusqu'au plus haut
degré d'exaltation.
Antiquité
des
portraits.
(1) Polybe, liv. VI, c. 52; To yocç rctç tôv ht1 açerfj
<5e$o?;<x<jjxévG)v àvdçàv eutôvaç i<5eiv ôLuoi/ rtcccraç ôioveï Çôtfccç
jtai 7t£.7tyv[izv(x,ç , rvv.1 ouk av rtaçaciTrjcfcu.
(2) Pline, liv. XXXV, §§. 5 et 43; Athénagoras, Légat.
pro Christian., n° 17, p. 272. Il ne faut pas croire, d'après
le second passage de Pline cité ici, qu'avant l'âge de Ly-
sistrate, c'est-à-dire avant le siècle d'Alexandre, il n'y eût
pas de véritables portraits. La juste valeur des expressions
de Pline doit être appréciée d'après d'autres passages moins
équivoques, tel que le premier de ceux que j'ai cités ici,
et le §. 34 du même livre. Lysistrate, à la vérité, saisit
les ressemblances mieux que ses devanciers : il fut l'inven-
teur de la pratique de couler le plâtre sur la figure des
personnes vivantes.
(3) Liber sapientiœ, c. xiv, vers. i5.
(4) Numa ne vouloit point d'idoles dans les temples de
Rome (Plutarque, Numa, c. 8). Les plus anciens temples
de l'Egypte ne paroissent pas avoir renfermé la statue de
la divinité qu'on y adoroit.
Quel plus'beau spectacle, disoit Polybe, que la réunion des images de ces hommes dont les
noms et les vertus retentissent dans la postérité' î VIconographie ancienne va réaliser le vœu de
Polybe : elle présentera la collection de tous les portraits qui nous restent des hommes illustres
de l'antiquité. On sera peut-être étonné du grand nombre de ces portraits, et on demandera
comment à travers tant de siècles ils ont pu parvenir jusqu'à nous-, quels sont les monuments
qui les ont conservés-, quels sont les hommes éclairés et laborieux qui les ont recueillis pour
nous les transmettre 5 enfin quels moyens j'ai employés , quelle méthode j'ai suivie pour les
rassembler tous, et pour surmonter les difficultés qu'offroit à chaque pas l'exécution de cette
vaste entreprise. Je vais essayer de répondre à chacune de ces différentes questions, en com-
mençant par l'examen des usages qui ont prodigieusement multiplié les portraits dans l'anti-
quité, particulièrement chez les Grecs et chez les Romains.
Le désir de conserver les traits des personnes qui ont été l'objet de son affection et de son
estime est naturel à l'homme : c'est à ce désir que les arts du dessin ont dû leur naissance. Les
contours extérieurs d'un portrait, tracés par l'ombre, ont donné lieu aux premiers essais de
la délinéation et de la plastique, c'est-à-dire aux premières ébauches de la peinture et de la
sculpture2. Ce goût a dû augmenter à mesure que ces essais répétés devenoient moins infor-
mes, et que l'art avançoit vers sa perfection. Alors l'imitation en ronde-bosse parut, aux hommes
étonnés, fixer en quelque manière et soustraire aux changements et à la mort les formes fragiles
et variables des êtres vivants. Ces êtres ainsi représentés devinrent, pour ainsi dire, immortels;
et l'enthoLisiasme pour ces ouvrages de Fart fut une des sources de l'idolâtrie3. Chez quelques
peuples de l'antiquité la religion réprima cet enthousiasme; chez quelques autres, elle ne l'en-
couragea point4; mais chez les Grecs au contraire elle l'excita et le porta jusqu'au plus haut
degré d'exaltation.
Antiquité
des
portraits.
(1) Polybe, liv. VI, c. 52; To yocç rctç tôv ht1 açerfj
<5e$o?;<x<jjxévG)v àvdçàv eutôvaç i<5eiv ôLuoi/ rtcccraç ôioveï Çôtfccç
jtai 7t£.7tyv[izv(x,ç , rvv.1 ouk av rtaçaciTrjcfcu.
(2) Pline, liv. XXXV, §§. 5 et 43; Athénagoras, Légat.
pro Christian., n° 17, p. 272. Il ne faut pas croire, d'après
le second passage de Pline cité ici, qu'avant l'âge de Ly-
sistrate, c'est-à-dire avant le siècle d'Alexandre, il n'y eût
pas de véritables portraits. La juste valeur des expressions
de Pline doit être appréciée d'après d'autres passages moins
équivoques, tel que le premier de ceux que j'ai cités ici,
et le §. 34 du même livre. Lysistrate, à la vérité, saisit
les ressemblances mieux que ses devanciers : il fut l'inven-
teur de la pratique de couler le plâtre sur la figure des
personnes vivantes.
(3) Liber sapientiœ, c. xiv, vers. i5.
(4) Numa ne vouloit point d'idoles dans les temples de
Rome (Plutarque, Numa, c. 8). Les plus anciens temples
de l'Egypte ne paroissent pas avoir renfermé la statue de
la divinité qu'on y adoroit.