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DU CHANT PREMIER, 207
( 13) Ceux qui n’approuvent point que l’auteur ait supposé ce voyage
de Henri 1 Ven Angleterre,peuvent dire qu’il ne paraît pas permis de mêler
ainsi le mensonge à la vérité dans une histoire si récente; que les savans dans
l’histoire de France en doivent être choqués, et les ignorans peuvent être
induits en erreur;que si les fictions ont droit d’entrer dans un poëme épique,
il faut que le lecteur les reconnaisse aisément pour telles ; que quand on
personnifie les pallions , que l’on peint la Politique et la Discorde allant de
Rome à Paris , l’Amour enchaînant Henri IV etc , personne ne peut être
trompé à ses peintures ; mais que lorsque l’on voit Henri IV pass'er la mer
pour demander du secours à une princesse de sa religion , on peut croire
facilement que ce prince a fait effectivement cë voÿage ; qu’en un mot un
tel épisode doit être moins regardé comme une imagination de poëte , que
comme un mensonge d’historien.
Ceux qui sont du sentiment contraire peuvent opposer, que non - seule-
ment il est permis à un poëte d’altérer l’histoire dans les faits qui ne sont
pas des faits principaux , mais qu’il est imposslble de ne le pas faire ; qu’il
n’y a jamais eu d’événement dans le monde,tellement disposé parle hasard,
qu’on pût en faire un poëme épique sans y rien changer ; qu’il ne faut pas
avoir plus de scrupule dans le poëme que dans la tragédie, où l’on pousse
beaucoup plus loin la liberté de ces changemens ; car si l’on était trop ser-
vilement attaché à l’histoire, on tomberait dans le désaut de Lucain , qui a
fait une gazette en vers au lieu d’un poëme épique. A la vérité , il serait
ridicule de transporter des événemens principaux et dépendans les uns des
autres , de placer la bataille d’Ivry avant la bataille de Contras , et la saint
Barthelemi avec les barricades. Mais l’on peut bien faire paiser secrétement
Henri IV en Angleterre , sans que ce voyage , qu’on suppose ignoré des
Parisiens mêmes , change en rien la suite des événemens historiques. Les
mêmes lecteurs , qui sont choqués qu’on lui fasse faire un trajet de mer de
quelques lieues, ne seraient point étonnés qu’on le fît aller en Guyenne,
qui est quatre fois plus éloignée. Que si Virgile a fait venir en Italie Enée ,
qui n’y alla jamais; s’il l’a rendu amoureux de Dilon^ qui vivait trois cents
ans après lui, on peut sans scrupule faire rencontrer ensemble Henri IV
et la reine Elifabeth , qui s’estimaient l’un l’autre et eurent toujours un
grand désir de fe voir. Virgile, dira-t-on , parlait d’un temps très-éloigné :
il est vrai ; mais ces événemens, tout reculés qu’ils étaient dans l’antiquité,
étaient fort connus. L’Iliade et l’histoire deCarthage étaient ausii samilières
aux Romains que nous le sont les histoires les plus récentes; il est ausii
permis à un poëte français de tromperie lecteur de quelques lieues, qu’à
Virgile de le tromper de trois cents ans. Enfin ce mélange de l’histoife et
de la fable est une règle établie et suivie, non - seulement dans tous les
poëmes, mais dans tous les romans. Us sont remplis d’aventures, qui
à la vérité ne sont pas rapportées dans l’histoire, mais qui ne sont pas
démenties par elle. Il sufiit, pour établir le voyage de Henri en Angleterre,
de trouver un temps où l’histoire ne donne point à ce prince d’autres
occupations. Or il est certain qu’après la mort des Guifes , Henri a. pu
faire ce voyage, qui n’est que de quinze jours au plus, et qui peut
 
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