FABLE. 181
avait plusicurs femmes, et qu’il eut d’une servante un
autre fils nommé Abimélec.
Or cet Abimélec écrasa sur une même pierre soixante
et neuf de ses frères , sélon la coutume ; et les Juifs
pleins de respect et d’admiration pour Abimélec allè-
rent le couronner roi sous un chêne auprès de la ville
de Mélo , qui d’ailleurs est peu connue dans l’histoire.
Joatham le plus jeune des frères, échappé seul au
carnage, (comme il arrive toujours dans les anciennes
histoires) harangua les Juiss ; il leur dit que les arbres
allèrent un jour se choisir un roi. On ne voit pas
trop comment des arbres marchent; mais s’ils par-
laient, ils pouvaient bien marcher. Ils s’adrelsèrent
d’abord à l’olivier, et lui dirent : Règne. L’olivier
répondit : Je ne quitterai pas le soin de mon huile
pour régner sur vous. Le figuier dit qu’il aimait
mieux ses figues que l’embarras du pouvoir suprême.
La vigne donna la préférence à ses raisins. Enfin les
arbres s’adrelsèrent au buisson ; le buisson répondit :
Je régnerai far vous, Je vous ojfre mon ombre ; et Ji vous
ri en voulez pas, le feu fortira du buijfon et vous dévorera.
Il est vrai que la fable pèche par le fond ; parce
que le feu ne sort point d’un buisson ; mais elle montre
l’antiquité de l’usage des fables.
Celle de l’estomac et des membres, qui servit à
calmer une sédition dans Rome , il y a environ deux
mille trois cents ans , est ingénieuse et sans défaut.
Plus les fables sont anciennes, plus elles sont
allégoriques.
L’ancienne fable de Vénus, telle qu’elle est rapportée
dans Héfiode , n’est-elle pas une allégorie de la nature
entière? Les parties de la génération sont tombées
M 3-
avait plusicurs femmes, et qu’il eut d’une servante un
autre fils nommé Abimélec.
Or cet Abimélec écrasa sur une même pierre soixante
et neuf de ses frères , sélon la coutume ; et les Juifs
pleins de respect et d’admiration pour Abimélec allè-
rent le couronner roi sous un chêne auprès de la ville
de Mélo , qui d’ailleurs est peu connue dans l’histoire.
Joatham le plus jeune des frères, échappé seul au
carnage, (comme il arrive toujours dans les anciennes
histoires) harangua les Juiss ; il leur dit que les arbres
allèrent un jour se choisir un roi. On ne voit pas
trop comment des arbres marchent; mais s’ils par-
laient, ils pouvaient bien marcher. Ils s’adrelsèrent
d’abord à l’olivier, et lui dirent : Règne. L’olivier
répondit : Je ne quitterai pas le soin de mon huile
pour régner sur vous. Le figuier dit qu’il aimait
mieux ses figues que l’embarras du pouvoir suprême.
La vigne donna la préférence à ses raisins. Enfin les
arbres s’adrelsèrent au buisson ; le buisson répondit :
Je régnerai far vous, Je vous ojfre mon ombre ; et Ji vous
ri en voulez pas, le feu fortira du buijfon et vous dévorera.
Il est vrai que la fable pèche par le fond ; parce
que le feu ne sort point d’un buisson ; mais elle montre
l’antiquité de l’usage des fables.
Celle de l’estomac et des membres, qui servit à
calmer une sédition dans Rome , il y a environ deux
mille trois cents ans , est ingénieuse et sans défaut.
Plus les fables sont anciennes, plus elles sont
allégoriques.
L’ancienne fable de Vénus, telle qu’elle est rapportée
dans Héfiode , n’est-elle pas une allégorie de la nature
entière? Les parties de la génération sont tombées
M 3-