LA PEINTURE D’AUTELS ET DE RETABLES EN POLOGNE
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vure tient ici également sa place : cette scène de la Prière au Jardin s’inspire d’une gravure
du maître du Jeu de cartes1. De même, la construction des intérieurs témoigne de la con-
naissance des solutions récemment apportées par le maître des Jardins d’amour et le maître
du Cabinet d’Amsterdam.
Malgré toutes ces analogies, le retable des Augustins appartient aux œuvres les plus spé-
cifiquement polonaises — remarquons, par exemple, le type de l’adolescent agenouillé dans
le Couronnement d’épines — qui soient sorties des ateliers corporatifs du xve siècle. Ses attaches
régionales se laissent définir par des rapports étroits avec le retable d’Opawa en Silésie2
(vers 1440) et, surtout, par une parenté étroite avec le retable de la Trinité (1467). C’est dans
l’atmosphère cracovienne — influencée par le style autrichien — peut-être dans l’atelier même
du maître de la Sainte-Croix, que s’est formé ce créateur du polyptyque des Augustins que
nous proposons d’appeler le maître de V Adoration des Mages.
III
LA PEINTURE PROVINCIALE DANS LE TROISIÈME QUART DU XVe SIÈCLE :
PETITE-POLOGNE, GRANDE-POLOGNE ET SILÉSIE
1. — Le modernisme des grands ateliers cracoviens n’a pas été accepté du premier coup
par tous les peintres des corporations de la capitale. Il va de soi que, dans les provinces, on
a gardé également une certaine réserve à l’égard du nouveau courant réaliste représenté par
le maître des chœurs, le paysagiste de la Sainte-Croix et le maître de Y Adoration des Mages.
Dans la Petite-Pologne, où l’ancien style lyrique et décoratif de la première moitié du
siècle persiste, l’œuvre la plus représentative et la plus caractéristique est le retable de Tuchow
(XXV. 1), qui représente la Vierge trônant en compagnie de saint Jacques et de saint Mathieu.
Immobiles et majestueuses, les trois figures se détachent sur un fond de rideau oriental. Leur
vibration affaiblie dans l’espace, la souplesse forcée des mouvements, le conventionnalisme
des attitudes s’accompagnent d’un grand luxe de broderies d’or et d’argent et d’un soin pré-
cieux dans l’exécution des détails. Les cheveux et les barbes bouclées semblent dus au pin-
ceau d’un miniaturiste habile. Les draperies tombent en plis raides et secs, presque métal-
liques. La virtuosité technique se perd dans les détails et, si la sûreté de la ligne marque un
indiscutable progrès, la composition et l’interprétation du monde réel s’en tiennent aux for-
mules traditionnelles.
Un rapprochement avec le retable d’Opatôwck (XXV. 2) (région de Kalisz)3 permet
d’ajouter quelques traits. Mêmes éléments de composition ; même type physique des per-
1. M. Walicki, Stilstufen der gotischen Tafelmalerei...
Varsovie, 1933, 34.
2. W. Suida, Der Meister der Passionsfolgen. Festsch-
rift E. W. Braun. Augsburg, 1931. — Le rapprochement
des panneaux de VEntrée à Jérusalem et du Christ devant
Caiffe avec les deux cycles de Cracovie et d’Opawa (Trop-
pau) fournit une documentation importante.
3. Exposé pour la première fois à l’Exposition d’art
gothique polonais à Varsovie. Cf. M. Walicki, Polska
sztuka gotycka (Catalogue). Varsovie, 1935, n° 155.
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vure tient ici également sa place : cette scène de la Prière au Jardin s’inspire d’une gravure
du maître du Jeu de cartes1. De même, la construction des intérieurs témoigne de la con-
naissance des solutions récemment apportées par le maître des Jardins d’amour et le maître
du Cabinet d’Amsterdam.
Malgré toutes ces analogies, le retable des Augustins appartient aux œuvres les plus spé-
cifiquement polonaises — remarquons, par exemple, le type de l’adolescent agenouillé dans
le Couronnement d’épines — qui soient sorties des ateliers corporatifs du xve siècle. Ses attaches
régionales se laissent définir par des rapports étroits avec le retable d’Opawa en Silésie2
(vers 1440) et, surtout, par une parenté étroite avec le retable de la Trinité (1467). C’est dans
l’atmosphère cracovienne — influencée par le style autrichien — peut-être dans l’atelier même
du maître de la Sainte-Croix, que s’est formé ce créateur du polyptyque des Augustins que
nous proposons d’appeler le maître de V Adoration des Mages.
III
LA PEINTURE PROVINCIALE DANS LE TROISIÈME QUART DU XVe SIÈCLE :
PETITE-POLOGNE, GRANDE-POLOGNE ET SILÉSIE
1. — Le modernisme des grands ateliers cracoviens n’a pas été accepté du premier coup
par tous les peintres des corporations de la capitale. Il va de soi que, dans les provinces, on
a gardé également une certaine réserve à l’égard du nouveau courant réaliste représenté par
le maître des chœurs, le paysagiste de la Sainte-Croix et le maître de Y Adoration des Mages.
Dans la Petite-Pologne, où l’ancien style lyrique et décoratif de la première moitié du
siècle persiste, l’œuvre la plus représentative et la plus caractéristique est le retable de Tuchow
(XXV. 1), qui représente la Vierge trônant en compagnie de saint Jacques et de saint Mathieu.
Immobiles et majestueuses, les trois figures se détachent sur un fond de rideau oriental. Leur
vibration affaiblie dans l’espace, la souplesse forcée des mouvements, le conventionnalisme
des attitudes s’accompagnent d’un grand luxe de broderies d’or et d’argent et d’un soin pré-
cieux dans l’exécution des détails. Les cheveux et les barbes bouclées semblent dus au pin-
ceau d’un miniaturiste habile. Les draperies tombent en plis raides et secs, presque métal-
liques. La virtuosité technique se perd dans les détails et, si la sûreté de la ligne marque un
indiscutable progrès, la composition et l’interprétation du monde réel s’en tiennent aux for-
mules traditionnelles.
Un rapprochement avec le retable d’Opatôwck (XXV. 2) (région de Kalisz)3 permet
d’ajouter quelques traits. Mêmes éléments de composition ; même type physique des per-
1. M. Walicki, Stilstufen der gotischen Tafelmalerei...
Varsovie, 1933, 34.
2. W. Suida, Der Meister der Passionsfolgen. Festsch-
rift E. W. Braun. Augsburg, 1931. — Le rapprochement
des panneaux de VEntrée à Jérusalem et du Christ devant
Caiffe avec les deux cycles de Cracovie et d’Opawa (Trop-
pau) fournit une documentation importante.
3. Exposé pour la première fois à l’Exposition d’art
gothique polonais à Varsovie. Cf. M. Walicki, Polska
sztuka gotycka (Catalogue). Varsovie, 1935, n° 155.
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