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L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1867 ILLUSTRÉE.
cend à vide, et suivant le mouvement de la
chaîne sans fin. Il y a dix-huit élévateurs de
cette espèce.
Ainsi, les terres étant transportées sur le
rivage, tantôt au moyen des longs couloirs,
quand le sol est plus bas que la drague, tan-
tôt par les élévateurs, quand le sol est plus
élevé que l'appareil dragueur, il ne restait
plus qu'à pourvoir à ce même transport des
produits du dragage dans les parties du
canal où ils ne doivent pas être déposés sur
la berge. On a construit dans ce but des ba-
teaux-porteurs. Les uns*vont à la mer; ils
sont construits de manière à s'y maintenir.
Les deux ponts sont placés l'un à l'avant,
l'autre à l'arrière du bâtiment; ils servent à
l'équipage et à la manœuvre. Le centre du
navire est réservé tout entier à la réception
des déblais. Il est séparé, par une cloison, en
deux cavités qui descendent jusqu'au fond
du bateau-porteur, et qu'on emplit des pro-
duits du dragage. Quand ces réceptacles
sont pleins, on conduit le bateau-porteur en
mer, et la vapeur qui fait mouvoir l'hélice
sert en même temps à détendre une chaîne
qui tient les portes, trappes ou clapets de
fond, comme le lecteur voudra les appeler.
En s'ouvrant, ces portes laissent tomber les
déblais contenus dans les cavités du bateau,
qui s'emplit d'eau par le même procédé, et
revient par ce lest, dont on se débarrasse
facilement, prendre place sous les dragues
pour y recevoir un nouveau chargement de
terres, de vases, de sable et d'eau.
D'autres bateaux de même espèce et qui
ont la même attribution, sont destinés à fonc-
tionner exclusivement dans les canaux. Au
lieu de portes de fond, ils ont des portes laté-
rales; ils sont larges et plats comme il con-
vient à des bateaux de rivière, au lieu de
s'amincir graduellement jusqu à la quille,
comme les bateaux de mer.
Tels sont les divers modèles que la Com-
pagnie a rassemblés sur le canal Gguré à
l'Exposition. Ils comprennent les diverses
méthodes qu'elle a adoptées pour le creuse-
ment du canal et le transport des déblais. Ces
mécanismes, qui pour la plupart présentent
des innovations importantes, sont ingénieux,
économiques et surtout pratiques, pour nous
servir d'une expression qu'on emploie volon-
tiers dans les fabriques et les usines. La
science du dragage était encore-dans l'enfance
au moment où le canal de Suez a été com-
mencé. Jamais les dragues n'avaient été em-
ployées à des terrassements aussi considéra-
bles. La nécessité, mère de l'industrie, c'est
à l'Exposition surtout que cette métaphore
ancienne est applicable, a bien inspiré la
Compagnie et ses entrepreneurs. Désormais
on ne craindra plus d'extraire, sous l'eau, la
plus grande quantité déterre. Ou a sous les
yeux l'un des plus grands exemples de ce que
peut faire le génie de l'homme et la persévé-
rance des caractères, sous ce rapport. On
avait privé la Compagnie du concours des
ouvriers; elle y substitue le travail méca-
nique. Il n'existait pas de machines propor-
tionnées au travail qu'elle avait à faire, elle
en crée. Elle leur donne une force inconnue,
des organes nouveaux. Elle élève la matière
à la hauteur de l'entreprise commencée. En
même temps elle peuple un désert. Elle con-
struit des villes; elle introduit la circulation,
l'industrie dans l'isthme; elleypropage l'in-
struction et la morale; elle y distribue le
pain de la parole avec le pain de chaque jour
à des milliers d'hommes. Dira-t-on qu'elle
n'a pas bien mérité du pays, et devantses en-
nemis acharnés, le jour où son entreprise sera
terminée, pourrait-elle être taxée justement
de trop d orgueil, si elle repondait comme le
général romain en montant au Capitole?
Mais jetons un coup d'oeil sur la partie de
l'Exposition qui est consacrée au système de
louage adopté pour le transport provisoire
des ninrehandises d'une merà l'autre, en pas-
sant par le canal d'eau douce.
Voici le loueur, qu'on appelle le loueur
Bouquîé, du nom de celui qui inventa ce sys-
tème. Voici quelques fragments de la chaîne
immergée par laquelle ce toueur se haie,
en traînant à sa suite des chalands chargés
ensemble de mille tonneaux de marchan-
dises. Deux mots à ce sujet :
L'état d'avancement des travaux dans la
partie du canal qui va de Port-Saïd à Ismaïlia
et la complète construction du canal d'eau
douce qui, venant de Zagazig, rejoint le ca-
nal maritime à Ismaïlia pour descendre en-
suite directement à Suez, a permis à la Com-
pagnie d installer un service régulier de
transit des marchandises et des passagers
d'une mer à l'autre.
De nombreux chalands destinés à recevoir
les chargements ont été expédiés à Port-Saïd
et mouillés dans les canaux.
Un double système de traction a été adopté.
Dans le canal maritime, et provisoirement,
six bateaux à vapeur remorqueront les cha-
lands chargés de Port-Saïd à Ismaïlia, et vice
versa.
Dans le canal d'eau douce, un système de
louage a été installé. Six loueurs font ce ser-
vice.
Les remorqueurs à deux hélices, construits
suivant les formes ordinaires, mesurent 20
mètres de longueur et 4 mètres de largeur.
Ils sont munis chacun de deux machines in-
dépendantes de plus de 100 chevaux de force.
Le système de touage qui fonctionne sur le
canal Saint-Martin à Paris et dont M. Bouquié
est l'inventeur, a été adopté comme étant à la
fois le plus simple et le mieux approprié aux
conditions du transit dans l'isthme.
Ces loueurs mesurent 20 mètres de lon-
gueur sur 3 mètres 50 de largeur et sont
munis chacun d'une machine de 1S chevaux
de force.
La chaîne sur laquelle s'opère la traction
dans le système adopté est entraînée sur une
poulie à empreintes, chaque mai'lon venant
s'adapter exactement dans l'empreinte de la
roue motrice. Cette roue est placée sur l'un
des côtés du toueur, ce qui permet de prendre
ou de quitter la chaîne avec la plus grande
facilité, soit en la retirant de l'eau et la posant
sur la poulie, ou en la rejetant dans le canal,
soit, lorsqu'un second toueur est bord à bord
avec le premier, en prenant la chaîne sur sa
poulie ou en l'y posant.
Ce système a sur le système de touage or-
dinaire, qui consiste dans l'emploi de treuils
placés au centre des loueurs, l'avantage d'une
plus grande légèreté, d'une plus grande sim
plicité d'organes et enfin d'une extrême faci-
lité de manœuvre pour la mise en marche et
l'arrêt ou pour le croisement de deux loueurs
marchant en sens inverse sur une même
chaîne.
Le transit des marchandises et des passa-
gers d'une mer à l'autre, est dès maintenant
organisé de manière à transporter à travers
l'isthme jusqu'à 1000 tonnes par jour. La
Compagnie du canal de Suez a ainsi inauguré
sa période d'exploitation, sans apporter la
moindre entrave à l'achèvement des travaux
confiés à ses entrepreneurs.
Échantillons du sol et produits naturels.
Nous avons peu de choses à dire à ee sujet.
Ces échantillons, qu'a recueillis en Egypte
M. Laurent Degoussée ; ces spécimens et
produits naturels collectionnés dans l'isthme
par le docteur Con.panyo et le capitaine
Beaudoin, sont intéressants aplusd'un litre;
mais nous sortirions de notre sujet, et nous
pourrions être à bon droit taxés d'incompé-
tence, si nous cherchions à disserter sur les
sciences naturelles dans lesquelles notre
ignorance est malheureusement grande.
La collection du docteur Companyo ap-
partient au musée de Perpignan, et l'opinion
générale lui est très-favorable. On y trouve
des curiosités qui méritent d'être vues et
dont l'explication est donnée par les éti-
quettes.
Quant aux collections géologiques de
M. L. Degoussée, elles ont été faites avec un
grand soin. Cette étude n'a certes pas été
indifférente aux ingénieurs qui avaient ;ï se
rendre compte de la nature du sol avant de
combiner les moyens de l'attaquer. C'est,
d'ailleurs, un nouveau chapitre ajouté à
l'histoire de la constitution du globe et, à ce
titre, il doit avoir un grand attrait pour tous
ceux qui aspirent à ia gloire des Humboldt et
des Élie de Beaumont.
Panorama.
Il n'y a rien à dire d'un Panorama, il faut
le voir. Nous l'avons vu chez ceux qui l'ont
peint d'après lea dessins de l'architecte de la
compagnie, M. Chapon. Dès qu'il sera posé,,
ce qui ne tardera pas, il produira, nous le
croyons, d'autant plus d'effet que les merved-
L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1867 ILLUSTRÉE.
cend à vide, et suivant le mouvement de la
chaîne sans fin. Il y a dix-huit élévateurs de
cette espèce.
Ainsi, les terres étant transportées sur le
rivage, tantôt au moyen des longs couloirs,
quand le sol est plus bas que la drague, tan-
tôt par les élévateurs, quand le sol est plus
élevé que l'appareil dragueur, il ne restait
plus qu'à pourvoir à ce même transport des
produits du dragage dans les parties du
canal où ils ne doivent pas être déposés sur
la berge. On a construit dans ce but des ba-
teaux-porteurs. Les uns*vont à la mer; ils
sont construits de manière à s'y maintenir.
Les deux ponts sont placés l'un à l'avant,
l'autre à l'arrière du bâtiment; ils servent à
l'équipage et à la manœuvre. Le centre du
navire est réservé tout entier à la réception
des déblais. Il est séparé, par une cloison, en
deux cavités qui descendent jusqu'au fond
du bateau-porteur, et qu'on emplit des pro-
duits du dragage. Quand ces réceptacles
sont pleins, on conduit le bateau-porteur en
mer, et la vapeur qui fait mouvoir l'hélice
sert en même temps à détendre une chaîne
qui tient les portes, trappes ou clapets de
fond, comme le lecteur voudra les appeler.
En s'ouvrant, ces portes laissent tomber les
déblais contenus dans les cavités du bateau,
qui s'emplit d'eau par le même procédé, et
revient par ce lest, dont on se débarrasse
facilement, prendre place sous les dragues
pour y recevoir un nouveau chargement de
terres, de vases, de sable et d'eau.
D'autres bateaux de même espèce et qui
ont la même attribution, sont destinés à fonc-
tionner exclusivement dans les canaux. Au
lieu de portes de fond, ils ont des portes laté-
rales; ils sont larges et plats comme il con-
vient à des bateaux de rivière, au lieu de
s'amincir graduellement jusqu à la quille,
comme les bateaux de mer.
Tels sont les divers modèles que la Com-
pagnie a rassemblés sur le canal Gguré à
l'Exposition. Ils comprennent les diverses
méthodes qu'elle a adoptées pour le creuse-
ment du canal et le transport des déblais. Ces
mécanismes, qui pour la plupart présentent
des innovations importantes, sont ingénieux,
économiques et surtout pratiques, pour nous
servir d'une expression qu'on emploie volon-
tiers dans les fabriques et les usines. La
science du dragage était encore-dans l'enfance
au moment où le canal de Suez a été com-
mencé. Jamais les dragues n'avaient été em-
ployées à des terrassements aussi considéra-
bles. La nécessité, mère de l'industrie, c'est
à l'Exposition surtout que cette métaphore
ancienne est applicable, a bien inspiré la
Compagnie et ses entrepreneurs. Désormais
on ne craindra plus d'extraire, sous l'eau, la
plus grande quantité déterre. Ou a sous les
yeux l'un des plus grands exemples de ce que
peut faire le génie de l'homme et la persévé-
rance des caractères, sous ce rapport. On
avait privé la Compagnie du concours des
ouvriers; elle y substitue le travail méca-
nique. Il n'existait pas de machines propor-
tionnées au travail qu'elle avait à faire, elle
en crée. Elle leur donne une force inconnue,
des organes nouveaux. Elle élève la matière
à la hauteur de l'entreprise commencée. En
même temps elle peuple un désert. Elle con-
struit des villes; elle introduit la circulation,
l'industrie dans l'isthme; elleypropage l'in-
struction et la morale; elle y distribue le
pain de la parole avec le pain de chaque jour
à des milliers d'hommes. Dira-t-on qu'elle
n'a pas bien mérité du pays, et devantses en-
nemis acharnés, le jour où son entreprise sera
terminée, pourrait-elle être taxée justement
de trop d orgueil, si elle repondait comme le
général romain en montant au Capitole?
Mais jetons un coup d'oeil sur la partie de
l'Exposition qui est consacrée au système de
louage adopté pour le transport provisoire
des ninrehandises d'une merà l'autre, en pas-
sant par le canal d'eau douce.
Voici le loueur, qu'on appelle le loueur
Bouquîé, du nom de celui qui inventa ce sys-
tème. Voici quelques fragments de la chaîne
immergée par laquelle ce toueur se haie,
en traînant à sa suite des chalands chargés
ensemble de mille tonneaux de marchan-
dises. Deux mots à ce sujet :
L'état d'avancement des travaux dans la
partie du canal qui va de Port-Saïd à Ismaïlia
et la complète construction du canal d'eau
douce qui, venant de Zagazig, rejoint le ca-
nal maritime à Ismaïlia pour descendre en-
suite directement à Suez, a permis à la Com-
pagnie d installer un service régulier de
transit des marchandises et des passagers
d'une mer à l'autre.
De nombreux chalands destinés à recevoir
les chargements ont été expédiés à Port-Saïd
et mouillés dans les canaux.
Un double système de traction a été adopté.
Dans le canal maritime, et provisoirement,
six bateaux à vapeur remorqueront les cha-
lands chargés de Port-Saïd à Ismaïlia, et vice
versa.
Dans le canal d'eau douce, un système de
louage a été installé. Six loueurs font ce ser-
vice.
Les remorqueurs à deux hélices, construits
suivant les formes ordinaires, mesurent 20
mètres de longueur et 4 mètres de largeur.
Ils sont munis chacun de deux machines in-
dépendantes de plus de 100 chevaux de force.
Le système de touage qui fonctionne sur le
canal Saint-Martin à Paris et dont M. Bouquié
est l'inventeur, a été adopté comme étant à la
fois le plus simple et le mieux approprié aux
conditions du transit dans l'isthme.
Ces loueurs mesurent 20 mètres de lon-
gueur sur 3 mètres 50 de largeur et sont
munis chacun d'une machine de 1S chevaux
de force.
La chaîne sur laquelle s'opère la traction
dans le système adopté est entraînée sur une
poulie à empreintes, chaque mai'lon venant
s'adapter exactement dans l'empreinte de la
roue motrice. Cette roue est placée sur l'un
des côtés du toueur, ce qui permet de prendre
ou de quitter la chaîne avec la plus grande
facilité, soit en la retirant de l'eau et la posant
sur la poulie, ou en la rejetant dans le canal,
soit, lorsqu'un second toueur est bord à bord
avec le premier, en prenant la chaîne sur sa
poulie ou en l'y posant.
Ce système a sur le système de touage or-
dinaire, qui consiste dans l'emploi de treuils
placés au centre des loueurs, l'avantage d'une
plus grande légèreté, d'une plus grande sim
plicité d'organes et enfin d'une extrême faci-
lité de manœuvre pour la mise en marche et
l'arrêt ou pour le croisement de deux loueurs
marchant en sens inverse sur une même
chaîne.
Le transit des marchandises et des passa-
gers d'une mer à l'autre, est dès maintenant
organisé de manière à transporter à travers
l'isthme jusqu'à 1000 tonnes par jour. La
Compagnie du canal de Suez a ainsi inauguré
sa période d'exploitation, sans apporter la
moindre entrave à l'achèvement des travaux
confiés à ses entrepreneurs.
Échantillons du sol et produits naturels.
Nous avons peu de choses à dire à ee sujet.
Ces échantillons, qu'a recueillis en Egypte
M. Laurent Degoussée ; ces spécimens et
produits naturels collectionnés dans l'isthme
par le docteur Con.panyo et le capitaine
Beaudoin, sont intéressants aplusd'un litre;
mais nous sortirions de notre sujet, et nous
pourrions être à bon droit taxés d'incompé-
tence, si nous cherchions à disserter sur les
sciences naturelles dans lesquelles notre
ignorance est malheureusement grande.
La collection du docteur Companyo ap-
partient au musée de Perpignan, et l'opinion
générale lui est très-favorable. On y trouve
des curiosités qui méritent d'être vues et
dont l'explication est donnée par les éti-
quettes.
Quant aux collections géologiques de
M. L. Degoussée, elles ont été faites avec un
grand soin. Cette étude n'a certes pas été
indifférente aux ingénieurs qui avaient ;ï se
rendre compte de la nature du sol avant de
combiner les moyens de l'attaquer. C'est,
d'ailleurs, un nouveau chapitre ajouté à
l'histoire de la constitution du globe et, à ce
titre, il doit avoir un grand attrait pour tous
ceux qui aspirent à ia gloire des Humboldt et
des Élie de Beaumont.
Panorama.
Il n'y a rien à dire d'un Panorama, il faut
le voir. Nous l'avons vu chez ceux qui l'ont
peint d'après lea dessins de l'architecte de la
compagnie, M. Chapon. Dès qu'il sera posé,,
ce qui ne tardera pas, il produira, nous le
croyons, d'autant plus d'effet que les merved-