LE CBUftJRIVAJtï.
longues plantes que file la nature, tombant du haut
d'un vieux mur, m'ont souvent fait rêver et jeté dans
un doux état d'esprit que je ne saurais définir. C'est
qu'il y a dans ces herbes et dans ces plantes de la
poésie. Peignez-les telles qu'elles sont, d'un seul
trait, vous serez poètes.
Mais, quelle que soit la poésie, faut-il donc absolu-
ment s'imposer, pour en faire, les mille gênes de la
versification ? Si vous aviez à faire un travail péni-
ble qui demandât de l'agilité, mettriez-vous une ca-
misole de force ? La prose ne vous offre-t-elle point
tout ce dont vous avez besoin? n'a-t-elle point de
phrases pour dire ce que vous voulez dire ? Avez-
vous quelque pensée à laquelle elle ne puisse fournir
des mots, et quelque caprice d'imagination qu'elle ne
puisse contenter? Si vous voulez des images, ne
pouvez-vous faire des images aussi bien en prose
qu'en vers? Ne les rendez-vous pas plus facilement
et plus nettement avec le secours de la prose
qu'avec un vers, où souvent vous voudrez mettre
lion, et où il ne peut tenir que loup ; qui tantôt dé-
borde de mots, tantôt n'en a pas assez ? Vous res-
semblez tantôt à l'homme qui a beaucoup d'effets à
emballer dans une petite malle, et tantôt à celui qui
a une grande malle et qui n'a qu'une paire de chaus-
settes à mettre dedans.
»Quoi ! pauvre poète, on vous donnera pour dessi-
ner un crayon fin, léger, qui se prête à tous les traits,
qui peut rendre toutes les nuances, et vous le jetez
pour un gros crayon qui vous lasse la main à vous
l'engourdir, tantôt marquant trop, tantôt pas assez !
Vous conviendrez que c'est là de la duperie ; et pour-
tant presque tous ceux de nos jeunes gens qui ont la
fantaisie d'écrire commencent par faire des vers. Aux
étalages des libraires, vous ne voyez qu'essais poé-
tiques, premiers chants, nouvelle lyre! C'est qu'il est
plus facile de faire des vers que de la prose.
» Faire des vers est un métier qui s'apprend, qui
même n'est pas bien difficile à apprendre, et où avec
de l'exercice on devient très habile; il n'y a pas be-
soin d'idées pour cela. J'ai connu des gens qui versi-
fiaient très bien, et pourtant tout à fait dépourvus de
bon sens et incapables de soutenir la discussion la
plus simple.
» Les Méditations poétiques de M. de Lamartine
sont le moule où ils jettent toutes leurs pièces, moule
d'or où ils fondent du plomb. Quand l'idée ne vient
point, ils ont recours au pathos ; le pathos est une
des grandes ressources des mauvais poètes. Vous n'a-
vez pas compris leurs strophes, et vous vous en pre-
nez à une distraction. Pourvu que leur vers flatte
l'oreille, il dit toujours assez. Vous l'écoutez, quoique
sans le comprendre, avec une sorte de plaisir, ainsi
qu'une paysanne écoute le langage élégant d'un amant
bien élevé.
» La poésie, c'est la prose devenue folle.
» La périphrase, chez nos poètes, c'est, la plu-
part du temps, un valet qui passe par le grenier pour
aller à la cave. Pour que la périphrase soit de bon
aloi, il faut qu'elle montre l'objet sous une image
nouvelle et pittoresque, qu'elle le fasse saillir d'entre
les mots qui l'encadrent, qu'elle l'illumine comme un
éclair ; autrement ce n'est qu'une vaine excroissance
du discours, une inutile queue de mots qui empêtre
la phrase et l'empêche de marcher. En général, je
trouve que nos poètes sont trop chiches d'idées et
trop prodigues de paroles. Presque tous les vers sont
faits avec des mots sonores et n'ont d'autre mérite
que l'harmonie. Ils sont extrêmement contens d'eux
quand ils ont mis coursier au lieu de cheval, salpê-
tre au lieu de poudre à canon ; ils croient avoir fait
merveille quand ils ont enveloppé une idée triviale
et commune dans une pompeuse période. Mais alors
cette pauvre idée ressemble à ces personnages vul-
gaires de toutes façons, qu'on rencontre partout dans
les sociétés, habillés en hommes comme il faut. Si
vous n'avez qu'un hareng salé à m'offrir, ne me le
présentez pas sur un plat d'argent— »
Après avoir remercié M. Félix Pyat de contribuer
à nous révéler ce génie ignoré, nous dirons en ter-
minant qu'on ne saurait trop honorer ces modestes et
souffrans ouvriers de la plume à qui la gloire n'arrive
qu'après la mort et qui n'ont eu des fleurs que sur
leur tombeau; — mais nous ajouterons qu'il faut ho-
rer par-dessus tout le peuple dont les fécondes en-
trailles produisent de tels hommes. Oui, l'auteur de
la préface le dit avec bonheur, « cette classe est di-
gne de son droit quand elle en est capable : elle peut
avoir son gouvernement quand elle a sa littérature,
elle doit avoir ses hommes d'état après ses philoso-
phes, son action après sa pensée. Le peuple ne s'é-
claire pas pour rien : s'éclairer, c'est s'affranchir. Une
classe qui a produit, entre tant d'autres, le poète Hé-
gésippe Moreau et le prosateur Claude Tillier, est
depuis longtemps majeure, et n'a plus besoin de tu-
telle ; elle mérite, depuis longtemps, d'être émanci-
pée ; elle a, dis-je, depuis longtemps, atteint sa ma-
jorité : car sa majorité, c'est le génie ! »
pvs lisons des détails cyniquement naïfs dans
une lettre écrite par un électeur influent de
la Charente-Inférieure à un de ses amis, é-
lecteur opposant à Paris.
« Vous aurez beau dire, le nom de M. !Desmortiers
sortira triomphant. Si je vous faisais l'inventaire de
ce que nous aurons pour choisir ce choix du gouver-
nement, vous conviendriez vous-même que nous ne
saurions mieux agïïV Nous sommes presque tous pè-
res de famille, nous devons songer au solide, et cha-
rité bien ordonnée commence par soi-même.
» Vous en parlez à votre aise dans Paris ; nous
autres, nous n'avons que nos pauvres élections, et les
électeurs ne se mettront pas à faire de l'opposition à
leurs frais.
» D'abord, nous avons les classemens de chemins,
la canalisation de la Moutonne, les secours et alloca-
tions départementales ; les saints et saintes qui font
grand plaisir aux communes. Quant aux simples par-
ticuliers, nous avons les décorations qui ne peuvent
manquer, car cela ne coûte rien, c'est illimité. Les
bureaux et emplois promis seront donnés, bien sûr,
et personne n'a la moindre crainte à cet égard. Mais
il ne peut y en avoir assez, c'est impossible, et nous
savons cela aussi bien qu'à Paris. Nous sommes trop
justes pour ne pas comprendre que le gouvernement
ne peut avoir assez de places. C'est donc une loterie
et chacun espère avoir un numéro gagnant.
» Au lieu de cela, que pouvez-vous nous offrir ?
Laissez-nous donc à nos petites affaires. »
Par cet échantillon, jugez de îa pièce.
UH 6ÂNARQ DANS SON ŒUF.
Pends-toi,
Constitution-
nel^ a trou-
vé celui-là et
ce n'est pas
toi qui l'as dé-
couvert.
Ah ! si c'était toi, tu l'aurais illustré, et tu aurais
envoyé un bocal à tes abonnés pour le conserver
soigneusement.
Mais ce n'est pas toi.
C'est un journal de département qui a commis la
chose. Jamais le canard n'avait été ainsi pris sur le
fait. Le voici, sinon en chair et en os, au moins en
œuf.
Voici textuellement la nouvelle officielle annoncée
par le journal en question :
« Un œuf énorme, presque aussi gros que celui
» d'un autruche,entraîné à la dérive par les eaux de
» l'Arc, est venu s'échouer dans le sable, non loin de
» la campagne de M. L... Celui-ci l'a recueilli soigneu-
» sèment et l'a mis à couver sous une cane. Plusieurs
» savans appelés n'ont pu constater à quelle espèce
» ornithologique appartient cet œuf aussi merveilleux
» que celui de Léda.Si l'éclosion se fait heureusement,
» nous pourrons apprendre à nos lecteurs quel phénix
» en est sorti. »
Vous ne sauriez croire à ma perplexité. Cet œuf
m'interloque au point que j'en ai déjeuné trois fois,
ce matin, sans y faire attention, et que je suis sorti
sans lunettes. Or, pour un homme habitué aux besi-
cles depuis son enfance la plus reculée, rien ne sau-
rait dénoter un plus grand trouble d'esprit que le
fait d'oublier ses lunettes.
C'est à ce trouble d'esprit que vous devrez cet ar-
ticle. La sybille, lorsqu'elle était inspirée de l'esprit
divin, faisait des bêtises ; quand nous autres gens de
lettres nous recevons l'inspiration céleste, nous fai-
sons des articles. C'est toujours la même chose.
Je suis sur des charbons ardens... car,écoutez donc,
on a appelé des savans, et ces savans n'ont pas pu
constater à quelle espèce ornithologique appartenait
cet œuf. Or, si cet œuf n'était pas un produit orni-
thologique, mais le fruit incestueux du serpent de
mer et d'un brochet?...
Hein?
Le serpent de mer ! le Constitutionnel nous" a nar-
ré,plusieurs années do suite, les dimensions et les di-
vertissemens funèbres et féroces de cet être que j'o-
serai appeler monstre marin.
Le brochet ! pour peu que vous comptiez parmi
vos amis et parens des pêcheurs à la ligne (et cela est
infaillible, car on ne peut pas' n'avoir que des gens
d'esprit pour parens ou amis),vous savez que le bro-
chet est ce qu'il y a de plus méchant parmi les pois-
sons d'eau que je ne qualifie de douce qu'autant
qu'elle ne vient pas du canal.
Jugez donc de la crainte qui me tracasse. Bien
sûr que, cette nuit, j'en aurai le cauchemar !
Une seule chose me rassure : c'est qu'on a etl
soin de remettre cet œuf étranger aux mains, je veux
dire aux pattes d'une cane. Les soins de cette cane,
que je suppose élevée dans des principes conserva-
teurs, ou tout au moiDS centre gauche, pourront
adoucir le caractère du nouveau venu et en faire si-
non par la naissance, au moins par l'éducation, un
vrai canard.
Ainsi soit-il !
,îngt-nèwp mars, telestle titre chatoyant sotti
r ) lequel l'Époque annonça, il y a un mois, ui
-fôroman attribué, disait-elle, à un maréchal lit
térairede France, qui désirait garder un anonymi
provisoire pour ne se déclarer qu'au dernier feuilles
ton.
On présuma un instant que ce roman pourrait bien
être de l'auteur d' Eugénie Grandet, M- de Balz?^
ayant la passion des mystères et des affaires téa
breusesr On fut bien vite détrompé par le style «il
Vingt-neuf Mars.t et l'on songea à M. Alexand*
Dumas.
Mais des érudits; s'avisèrent que ce roman sim
avait été déjà publié par un autre journal quo*
et que Charles Dickens en était certainement
{La suite à la 4e F»i
longues plantes que file la nature, tombant du haut
d'un vieux mur, m'ont souvent fait rêver et jeté dans
un doux état d'esprit que je ne saurais définir. C'est
qu'il y a dans ces herbes et dans ces plantes de la
poésie. Peignez-les telles qu'elles sont, d'un seul
trait, vous serez poètes.
Mais, quelle que soit la poésie, faut-il donc absolu-
ment s'imposer, pour en faire, les mille gênes de la
versification ? Si vous aviez à faire un travail péni-
ble qui demandât de l'agilité, mettriez-vous une ca-
misole de force ? La prose ne vous offre-t-elle point
tout ce dont vous avez besoin? n'a-t-elle point de
phrases pour dire ce que vous voulez dire ? Avez-
vous quelque pensée à laquelle elle ne puisse fournir
des mots, et quelque caprice d'imagination qu'elle ne
puisse contenter? Si vous voulez des images, ne
pouvez-vous faire des images aussi bien en prose
qu'en vers? Ne les rendez-vous pas plus facilement
et plus nettement avec le secours de la prose
qu'avec un vers, où souvent vous voudrez mettre
lion, et où il ne peut tenir que loup ; qui tantôt dé-
borde de mots, tantôt n'en a pas assez ? Vous res-
semblez tantôt à l'homme qui a beaucoup d'effets à
emballer dans une petite malle, et tantôt à celui qui
a une grande malle et qui n'a qu'une paire de chaus-
settes à mettre dedans.
»Quoi ! pauvre poète, on vous donnera pour dessi-
ner un crayon fin, léger, qui se prête à tous les traits,
qui peut rendre toutes les nuances, et vous le jetez
pour un gros crayon qui vous lasse la main à vous
l'engourdir, tantôt marquant trop, tantôt pas assez !
Vous conviendrez que c'est là de la duperie ; et pour-
tant presque tous ceux de nos jeunes gens qui ont la
fantaisie d'écrire commencent par faire des vers. Aux
étalages des libraires, vous ne voyez qu'essais poé-
tiques, premiers chants, nouvelle lyre! C'est qu'il est
plus facile de faire des vers que de la prose.
» Faire des vers est un métier qui s'apprend, qui
même n'est pas bien difficile à apprendre, et où avec
de l'exercice on devient très habile; il n'y a pas be-
soin d'idées pour cela. J'ai connu des gens qui versi-
fiaient très bien, et pourtant tout à fait dépourvus de
bon sens et incapables de soutenir la discussion la
plus simple.
» Les Méditations poétiques de M. de Lamartine
sont le moule où ils jettent toutes leurs pièces, moule
d'or où ils fondent du plomb. Quand l'idée ne vient
point, ils ont recours au pathos ; le pathos est une
des grandes ressources des mauvais poètes. Vous n'a-
vez pas compris leurs strophes, et vous vous en pre-
nez à une distraction. Pourvu que leur vers flatte
l'oreille, il dit toujours assez. Vous l'écoutez, quoique
sans le comprendre, avec une sorte de plaisir, ainsi
qu'une paysanne écoute le langage élégant d'un amant
bien élevé.
» La poésie, c'est la prose devenue folle.
» La périphrase, chez nos poètes, c'est, la plu-
part du temps, un valet qui passe par le grenier pour
aller à la cave. Pour que la périphrase soit de bon
aloi, il faut qu'elle montre l'objet sous une image
nouvelle et pittoresque, qu'elle le fasse saillir d'entre
les mots qui l'encadrent, qu'elle l'illumine comme un
éclair ; autrement ce n'est qu'une vaine excroissance
du discours, une inutile queue de mots qui empêtre
la phrase et l'empêche de marcher. En général, je
trouve que nos poètes sont trop chiches d'idées et
trop prodigues de paroles. Presque tous les vers sont
faits avec des mots sonores et n'ont d'autre mérite
que l'harmonie. Ils sont extrêmement contens d'eux
quand ils ont mis coursier au lieu de cheval, salpê-
tre au lieu de poudre à canon ; ils croient avoir fait
merveille quand ils ont enveloppé une idée triviale
et commune dans une pompeuse période. Mais alors
cette pauvre idée ressemble à ces personnages vul-
gaires de toutes façons, qu'on rencontre partout dans
les sociétés, habillés en hommes comme il faut. Si
vous n'avez qu'un hareng salé à m'offrir, ne me le
présentez pas sur un plat d'argent— »
Après avoir remercié M. Félix Pyat de contribuer
à nous révéler ce génie ignoré, nous dirons en ter-
minant qu'on ne saurait trop honorer ces modestes et
souffrans ouvriers de la plume à qui la gloire n'arrive
qu'après la mort et qui n'ont eu des fleurs que sur
leur tombeau; — mais nous ajouterons qu'il faut ho-
rer par-dessus tout le peuple dont les fécondes en-
trailles produisent de tels hommes. Oui, l'auteur de
la préface le dit avec bonheur, « cette classe est di-
gne de son droit quand elle en est capable : elle peut
avoir son gouvernement quand elle a sa littérature,
elle doit avoir ses hommes d'état après ses philoso-
phes, son action après sa pensée. Le peuple ne s'é-
claire pas pour rien : s'éclairer, c'est s'affranchir. Une
classe qui a produit, entre tant d'autres, le poète Hé-
gésippe Moreau et le prosateur Claude Tillier, est
depuis longtemps majeure, et n'a plus besoin de tu-
telle ; elle mérite, depuis longtemps, d'être émanci-
pée ; elle a, dis-je, depuis longtemps, atteint sa ma-
jorité : car sa majorité, c'est le génie ! »
pvs lisons des détails cyniquement naïfs dans
une lettre écrite par un électeur influent de
la Charente-Inférieure à un de ses amis, é-
lecteur opposant à Paris.
« Vous aurez beau dire, le nom de M. !Desmortiers
sortira triomphant. Si je vous faisais l'inventaire de
ce que nous aurons pour choisir ce choix du gouver-
nement, vous conviendriez vous-même que nous ne
saurions mieux agïïV Nous sommes presque tous pè-
res de famille, nous devons songer au solide, et cha-
rité bien ordonnée commence par soi-même.
» Vous en parlez à votre aise dans Paris ; nous
autres, nous n'avons que nos pauvres élections, et les
électeurs ne se mettront pas à faire de l'opposition à
leurs frais.
» D'abord, nous avons les classemens de chemins,
la canalisation de la Moutonne, les secours et alloca-
tions départementales ; les saints et saintes qui font
grand plaisir aux communes. Quant aux simples par-
ticuliers, nous avons les décorations qui ne peuvent
manquer, car cela ne coûte rien, c'est illimité. Les
bureaux et emplois promis seront donnés, bien sûr,
et personne n'a la moindre crainte à cet égard. Mais
il ne peut y en avoir assez, c'est impossible, et nous
savons cela aussi bien qu'à Paris. Nous sommes trop
justes pour ne pas comprendre que le gouvernement
ne peut avoir assez de places. C'est donc une loterie
et chacun espère avoir un numéro gagnant.
» Au lieu de cela, que pouvez-vous nous offrir ?
Laissez-nous donc à nos petites affaires. »
Par cet échantillon, jugez de îa pièce.
UH 6ÂNARQ DANS SON ŒUF.
Pends-toi,
Constitution-
nel^ a trou-
vé celui-là et
ce n'est pas
toi qui l'as dé-
couvert.
Ah ! si c'était toi, tu l'aurais illustré, et tu aurais
envoyé un bocal à tes abonnés pour le conserver
soigneusement.
Mais ce n'est pas toi.
C'est un journal de département qui a commis la
chose. Jamais le canard n'avait été ainsi pris sur le
fait. Le voici, sinon en chair et en os, au moins en
œuf.
Voici textuellement la nouvelle officielle annoncée
par le journal en question :
« Un œuf énorme, presque aussi gros que celui
» d'un autruche,entraîné à la dérive par les eaux de
» l'Arc, est venu s'échouer dans le sable, non loin de
» la campagne de M. L... Celui-ci l'a recueilli soigneu-
» sèment et l'a mis à couver sous une cane. Plusieurs
» savans appelés n'ont pu constater à quelle espèce
» ornithologique appartient cet œuf aussi merveilleux
» que celui de Léda.Si l'éclosion se fait heureusement,
» nous pourrons apprendre à nos lecteurs quel phénix
» en est sorti. »
Vous ne sauriez croire à ma perplexité. Cet œuf
m'interloque au point que j'en ai déjeuné trois fois,
ce matin, sans y faire attention, et que je suis sorti
sans lunettes. Or, pour un homme habitué aux besi-
cles depuis son enfance la plus reculée, rien ne sau-
rait dénoter un plus grand trouble d'esprit que le
fait d'oublier ses lunettes.
C'est à ce trouble d'esprit que vous devrez cet ar-
ticle. La sybille, lorsqu'elle était inspirée de l'esprit
divin, faisait des bêtises ; quand nous autres gens de
lettres nous recevons l'inspiration céleste, nous fai-
sons des articles. C'est toujours la même chose.
Je suis sur des charbons ardens... car,écoutez donc,
on a appelé des savans, et ces savans n'ont pas pu
constater à quelle espèce ornithologique appartenait
cet œuf. Or, si cet œuf n'était pas un produit orni-
thologique, mais le fruit incestueux du serpent de
mer et d'un brochet?...
Hein?
Le serpent de mer ! le Constitutionnel nous" a nar-
ré,plusieurs années do suite, les dimensions et les di-
vertissemens funèbres et féroces de cet être que j'o-
serai appeler monstre marin.
Le brochet ! pour peu que vous comptiez parmi
vos amis et parens des pêcheurs à la ligne (et cela est
infaillible, car on ne peut pas' n'avoir que des gens
d'esprit pour parens ou amis),vous savez que le bro-
chet est ce qu'il y a de plus méchant parmi les pois-
sons d'eau que je ne qualifie de douce qu'autant
qu'elle ne vient pas du canal.
Jugez donc de la crainte qui me tracasse. Bien
sûr que, cette nuit, j'en aurai le cauchemar !
Une seule chose me rassure : c'est qu'on a etl
soin de remettre cet œuf étranger aux mains, je veux
dire aux pattes d'une cane. Les soins de cette cane,
que je suppose élevée dans des principes conserva-
teurs, ou tout au moiDS centre gauche, pourront
adoucir le caractère du nouveau venu et en faire si-
non par la naissance, au moins par l'éducation, un
vrai canard.
Ainsi soit-il !
,îngt-nèwp mars, telestle titre chatoyant sotti
r ) lequel l'Époque annonça, il y a un mois, ui
-fôroman attribué, disait-elle, à un maréchal lit
térairede France, qui désirait garder un anonymi
provisoire pour ne se déclarer qu'au dernier feuilles
ton.
On présuma un instant que ce roman pourrait bien
être de l'auteur d' Eugénie Grandet, M- de Balz?^
ayant la passion des mystères et des affaires téa
breusesr On fut bien vite détrompé par le style «il
Vingt-neuf Mars.t et l'on songea à M. Alexand*
Dumas.
Mais des érudits; s'avisèrent que ce roman sim
avait été déjà publié par un autre journal quo*
et que Charles Dickens en était certainement
{La suite à la 4e F»i
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Un canard dans son œuf
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le charivari
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
R 1609 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Entstehungsdatum
um 1846
Entstehungsdatum (normiert)
1841 - 1851
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le charivari, 15.1846, Juin (No. 152-181), S. 642
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg