Le charivari (16.1847)

LE CHARIVARI.

Nous avons assez causé serrure et filature, parlons
un peu littérature maintenant. Rendons hommage
d'abord à l'accroissement du Constitutionnel, qui est
maintenant plus pntagon et plus ventru que VEpo-
que. •

Hélas ! on a bien ra'son de dire que l'abdomen ne
ait pas le bonheur.

Le Constitutionnel a des romans feuilletons et
des romans-bibliothèques, desannonces au commen-
cement du journal et des annonces à la fin ; des an-
nonces politiques et des annonces littéraires; et
pourtant, au milieu de tout cela, le Constitutionnel
n'est pas hureux!

On avait même fait courir le bruit qu'on allait le
mettre en veiitecomme un vieux coursier fourbu qui
a fourni sa carrière.

Mais nous en avons été quittes pour la peur. Le
Constitutionnel est né Constitutionnel et il mourra
Constitutionnel !

Il ne changera jamais ; — pourtant il a eu le tort
grave de changer de logement et d'aller se mettre
jugement au-dcs>us des pianos à queue de M. Pape.
— Affreux voisinage, triste vue qui rappelle au
Constitutionnel ses anciennes queues d'abonnés.
, De plus, cette musique perpétuelle, qui retentit
chez M. Pape, agace les nerfs de ce pauvre Consti-
tutionnel, sans compter que ça lui donne toujours
l'idée qu'il va danser.

Pour se co' soler, lu Constitutionnel possède, il
est vrai, tes Mémoires de l'ours Martin ! — Quelle
tuile, q"el pavé !

0 Monsieur Fugène Sue, les romans i-e suivent
et ne se ressemblent pas !

Un autre journal a été encore moins hureux que
le Constitutionnel, — on ne s'est pas contenté d'an-
noncer sa mise eu vente, il a été adjugé au plus ofr..
frant et premier enchérisseur.— C'est l'Epoque

Pauvre Époque ! que sont devenus les beaux jours

de tes beaux porteurs. Dans ces derniers temps à
peine s'ils osaient se parer de leur magnifique uni-
forme, tellement ils redoutaient qu'un barbare créan-
cier ne vint leur enlever habit, veste et le reste.

Aussi, dès qu'ils voyaient venir de loin une figure
de créancier, les porteurs prudens s'empressaient-
ils de tirer leurs guêtres.'

Quant au Messager Journal du soir, il n'est plus
de ce monde ; le gouvernement a soufflé sur sa lan-
erne.

Respectons la mémoire de ce journal ; son oraison
funèbre peut se faire en deux mots : Il a peu, mais
mal vécu !

Si vous voulez un gadlard qui vit bien, contem-
plez l'auteur de Monte-Cristo.

Ce n'est pas lui qui, pour passer ses petites fan-
taisies, se refuse la dépense de quelques petits mil-
lions.

Alexandre Dumas a sa maison de campagne, son
navire, son théâtre, et tout cela, parce qu'il a son
public.

Pendant qu'Eugène Sue,pour rédiger les Mémoires
de Martin, se croit obligé de vivre comme un loup
dans le fond de sa Pologne, Alexandre Dumas court
le monde et va chasser le lion au pied de l'Atlas.

Celte chasse fabuleuse sera le s .jet d'un drame
pour le Théâtre du Prince.

Ade iiT. — Un chasseur annonce qu'il a l'inten-
tion de tuer un lion.

Acte 2e. — Le chasseur s'embusque derrière uu
rocher et ouvre le ventre à un pâté de veau froid.

A, te 3e. — Le ehasseï r rentre chez lui avec trois
peaux de renards biais.

"Avec de beaux décors et une mise en scène un peu
-soignée^ il y a la dedans un sttccis de cent repré-
sentalions^.

Je reliées ur

Alexandre Dumas aura été cette année accablé par
la fortune.

Si vous voulez voir au moins une fois dans votre
vie un homme heureux, prenez le chemin de fer un
jour où il y aura revue de la garde nationale de
Saint-Germain, et regardez le chef de bataillon d«
cette milice citoyenne.

Cet oflic er supérieur, c'est l'auteur de Monte-
Cristo en personne, à moins que par extraordinaire
il se soit fait suppléer par son collaborateur habi-
tuel, Auguste Maquet.

Du reste, ils sont assez faciles à distinguer : l'un
est fluet et blondinet, l'autre est fort brun et a une
vaste poitrine, capable de supporter quarante-hait
croix.

Encore, à l'heure qu'il est, Alexandre Dumas doit-
il en avoir quarante-neuf ; il n'a pas dû faire son
voyage en Espagne sans voir luire à son horizon lit-
téraire, l'ordre de Ferdinand III.

. Un personnage qui aura obtenu moins de
cette année qu'AleiuiMJHtouivu's. c'est h» siei
el-Kader qui, d'émk^pFpa'SC a l'état de i
partisans, et qui bftWtôt en sera réduit à pi
d ligenecs Lallitte et Gaillard, qui feront le i
entre Alger et Conslantine.

Abd-el-Kader, complètement Arabe, estime plus
trente-six sacs de mille fraucs que quarante da%e*
amis prisonniers.

L'amour d'une femme perdit Troie et l'amour des
boudjous aura perdu Abd-el-Kader. ^

Ces trente-six mille francs l'ont coulé à fond, et à
tout jamais.

Ne me parlez jamais Abd-el-Kader, car je vous ré-
pondrais Taitempion.

Oui, à la place des Bédouins, j'aimerais autant
avoir pour ch f Tartcmpion ou Cabassol que ce gn-
eou de KaJer.

Mais je ne :uis pas Bédouin, et j'en rends grâce a