Le charivari (16.1847)

LE CHARIVARI.

Nous ne vous avons pas encore parlé Delacroix;
mais voici qu'un crucifiement nous rappelle à notre
devoir.

Le croquis ci-dessous,dans lequel on retrouve tou-

tes les qualités de Delacroix combinées avec celles de
Cham, nous représente fidèlement le tableau reli-
gieux inspiré par la mort du Christ.

Car on ne saurait s'y tromper, c'est bien là le lu-
gubre épisode du mont Golgotha. Du moins le Livret
nous l'assure, et un Livret ne peut jamais se trom-
per.

Nous retrouvons sur le mont Golgotha le fameux
cheval que montait l'an dernier l'empereur du Ma-
roc dans le salon carré. Un cheval violet ne connaît
point d'obstacles, il grimperait sur le sommet du
mont Blanc.

La première fois que j'achèterai un coursier, j'exi-
gerai qu'il soit de cette nuance, et pour plus de sû-
reté je m'adresserai au maquignon qui fournit tous
ces chevaux à M. Delacroix.

Tout autre marchand serait capable de me fournir
un cheval violet mauvais teint; à notre époque je me
méfie de tout le monde, même des maquignons.

Dan? la galerie de bois, nous avons été vivement
attendri par une scène de sauvetage. Nous ne savions
pas au juste de quoi il était question, mais enfin nous
étions attendri.Voici ce tableau palpitant d'intérêt, où

père, mère et caniche, tout le monde fait son devoir
pour sauver un jeune enfant.

Nonobstant, de tous les acteurs de cette scène hé-
roïque, le caniche est celui qui mérite de préférence
d'obtenir le grand prix Monthyou, car c'est lui qui
joue le rôle le plus fatigant.

Comme un grand nombre d'artistes célèbres ont
jugé à propos de ne rien exposer au Salon de cette
année, nous allons en rester là de nos flâneries dans
les longues galeries du Louvre.

Nous aurions beau chercher, nous ne trouverions

ni un Brascassat, ni un Paul Delaroche, ni un Schef-
fer.

Il va sans dire que nous y trouverions encore moins
un tableau de M. Ingres.

Ce célèbre artiste ne fait qu'un tableau tous les
cinq ans, et il a juré de ne l'exposer que tous les
vingt ans.

Heureusement il nous reste toujours l'infatigable
Horace Vemet qui, pendant que M. Ingres ne mar-
che qu'a pas de tortue, s'élance lui avec une impé-
tuosité de lapereau.

Ira-t-il pour cela plus loin que son rival? Lafon-
taine vous dirait que non.

Laissons donc les badauds petits et grands station-
ner devant les deux mille toiles du Musée, ils ont

encore pour plus d'un mois de jouissances. Ne les
troublons pas dans leur bonheur.

Quant à nous, qui avons fini la tâche aussi hono-
rable qu'ennuyeuse qui nous était confiée, nous
prenons l'engagement de ne plus jeter les yeux sur
un seul tableau avant le 15 mars prochain. A moins
toutefois que notre ami Cham ne vienne nous sup-
plier de lui donner quelques conseils pour son im-
mense composition qu'il destine à la cathédrale d'A-
miens.

Pourquoi faut-il qu'il y ait une cathédrale à A-
miens !

Avant de quitter le Louvre, nous ne pouvons
nous empêcher de jeter un coup d'œil sur la salle
basse où se trouvent encore entassés, à l'heure qu'il
est, cinq ou six cents tableaux ou statues des artistes
incompris par le jury.

Les sculpteurs surtout ne peuvent se décider à faire
enlever le chef-d'œuvre sur lequel est écrit le fatal
mot ; Refusé.

Cela tient un peu à l'amour-propre et beaucoup
au manque de commissionnaires.

Ce n'est pas Une petite dépense que de faire ren-

trer dans son domicile un saint Jérôme en marl)r
de sept pieds de haut et de sept cents kilogramn^
de poids.

mois..............

51 m*is.................

»•"••;............

-@888©-

..,bonne:à^on'chez,V
*1 « Dominique; àBordea,

J;iUin>r.;àRQuen,ch
KSw.li;àI*ndM.,oh
ÏÏ^eoUdans les bureaux

En désespoir de cause, l'artiste s'attèle quelque-
fois lui-même à son œuvre.

C'est une grande économie et, en outre, cela pro
cure à saint Jérôme ou à saint Athanase une exposi-
tion publique dont le jury avait prétendu le priver;
attendu qu'une statue qui voyage de la sorte, met au
moins huit jours pour se rendre du Louvre à l'ate-
lier.

Après un supplice pareil, l'artiste essoufflé et é-
reinté, a droit lui-même à la palme du martyre.

Quant aux peintres et sculpteurs qui ont euh
chance d'être admis à l'honneur de l'exposition el
qui ont même eu l'agrément d'obtenir des louanges
des journaux et du public, il ne faut pas croire qui
se regardent parfaitement heureux.

Reste encore, après l'exposition, la question de!
récompenses décernées par le gouvernement, le
moindre rapin rêve toujours la croix d'honneur
n'obtient qu'une médaille, il fait la grimace.

3^

Pourtant une médaille a bien son prix, je w
même que c'est plus distingué à porter que la crol!
puisqu'on ne compte pas cinquante mille indîwfl
qui en sont ornés.

Il n'y a guère à Paris que deux mille trois ce« !
personnes qui aient une médaille,—dont, il est •.,
deux mille commissionnaires !

L. H.

M6

SAMEDI 10 AVI

—

s la rédaction et de l'ad

Les deux numéros illus
wmpte-rendu compte
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numéro : cinquante ceî

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