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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 2)

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Leroi, Paul: Salon de 1875, [13]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16675#0332

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SALON DE 1875. 295

pourrait mieux faire s'il avait à nous montrer dans quelque opéra de Verdi, par exemple, l'Excommu-
nication de Robert le Pieux : à gauche,-le roi et la reine terrifiés sur leur trône; autour d'eux le vide;
à droite, les évêques disparaissant après avoir prononcé l'anathème. Le théâtre a de plus que le
peintre la ressource des paroles et de la musique pour séduire le spectateur, le tenir sous le charme,
le dominer; l'artiste qui arrive à un résultat analogue, à un résultat au moins aussi complet avec le
seul secours de son pinceau, ne saurait être justement critiqué parce qu'il fait songer à la manière
dont son sujet serait traduit par une autre branche de l'art qui voudrait le rendre dans la perfection.

Dès son début, M. Laurens s'est montré peintre et s'est montré penseur. Chacune de ses œuvres
nous a de plus en plus révélé une belle organisation intellectuelle dirigeant une pratique savante,
sûre, entièrement maîtresse d'elle-même. Tout en lui permet d'assurer qu'il continuera à marcher de
progrès en progrès, et que chaque étape dans cette voie lumineuse sera marquée par une œuvre
sérieuse réservée à un succès durable. C'est que M. Laurens possède la précieuse faculté de traiter
avec un sentiment moderne les épisodes qu'il emprunte aux temps anciens, que chez lui le poncif est
banni et que l'on interrogerait vainement son œuvre pour y trouver tout ce fatras de formules banales
sous lesquelles étouffent tant de jeunes gens qui s'annonçaient heureusement doués, et qui ne tardent
cependant pas à succomber, enserrés dans les liens ineptes d'une éducation dépourvue de toute
initiative, de toute élévation et où de vaines apparences donnent la triste illusion de la science
absente.

N'est-il pas désolant de voir M. François Ehrmann exposer cette mauvaise plaisanterie qui
s'appelle le Passage de Vénus devant le soleil (n° 764), M. Benjamin Ulmann, ce Caïn promenant le
cadavre de son frère, pour fuir le Remords (n° 1905), M. Eugène Thirion, son Saint Sébastien, martyr
(n° 1878) et sa Sainte Thérèse ( n° 1879), M. Diogène Ulysse Napoléon Maillard, sa Thétis armant
Achille pour venger Patrocle (n° 1405) et ce logogriphe : le Héros demi-dieu et le poète dispensateur de
l'immortalité (n° 1406) !!!

Vive Dieu! nous sommes au xixe siècle! Soyez de votre temps, ou, si vous ne savez vous désem-
pêtrer des sujets rabâchés, ayez au moins le bon sens d'en faire des chefs-d'œuvre, sinon vous êtes
sans excuse, car vous ne venez pas même à la cheville des académiciens décorateurs du xvne et du
xviiie siècle que vous méprisez fort et qui brossaient cependant de grandes machines où il y a mille fois
plus de science que vous n'en posséderez jamais. Si je vous rudoie de la sorte, sachez-le bien, c'est
que je ne vous tiens pas pour perdus et que, si vous êtes passablement malades, vous êtes encore
très-guérissables et que je vous souhaite promptement remis sur pied. Je ne ferais pas la folie d'en
dire autant à M. Pierre Cabanel et à sa Nymphe surprise par un Satyre (n° 339). Celui-là est bien le
neveu de son oncle dont il est l'élève; il devrait en être le fils. M. Pierre aurait pu engendrer Thamar
et M. Alexandre procréer la Nymphe; tout le monde s'y serait trompé. J'allais oublier le Satyre ; ce
serait dommage; donnons-le-leur en collaboration, si le cœur leur en dit, et n'en parlons plus.

Il y a encore M. Émile Bin et Ave Cœsar, scoparii te salutant (209), — cela a sans doute le
latin pour circonstance atténuante, et M. Victor Tortez qui s'avise de s'attaquer à la Création de la
femme (n° 1895) avec l'absence la plus absolue de couleur et en nous exhibant un Adam et une Eve
courtauds et vulgaires, et le Père éternel faisant la plus piteuse figure à son œuvre mal venue ; —
il y a de quoi!

M. Tortez m'étonne; il était en dernier lieu élève de M. Henner; il ne pouvait être à meilleure
école, et ce n'est certes pas un tel maître qui l'a encouragé à courir avec un si mince bagage une
aussi périlleuse aventure ; je ne crois pas cependant que ce précieux enseignement ait consenti à se
prodiguer à une nature rebelle et il ne me paraît que juste d'ajourner M. Tortez à l'an prochain. Il se
montrera peut-être de la race de MM. Léon Comerre et Stanislas Torrents d^nt les portraits m'ont
consolé de leurs tableaux médaillés, — Cassandre et le Mortl, — et m'inspirent une confiance que
l'avenir justifiera, si ces messieurs veulent reconnaître que là est leur vraie voie et non dans la pour-
suite d'une millionième réédition de vieilleries qui font bâiller ceux qui sont condamnés à les voir et
plus encore ceux qui se condamnent à les exécuter. Qui n'a point fabriqué sa Cassandre! Il en court

:. Voir tome II, page ija.
 
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