Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,1.1898/​1899

DOI Heft:
No. 1 (Octobre 1898)
DOI Artikel:
Henry van de Velde
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.34201#0011

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
-=3=s^> HENRY VAN DE VELDE

là une étape de quelques siècles dans cette
marche de l'art, de l'est à l'ouest, à l’extrême
limite duquel sa destinée doit s'accomplir.»
Dans l’art gothique les sources du salut:
c’est la pensée qui fit la grandeur de MORRIS
et de ses disciples. Aucun d’eux n’unit plus
que Van de Velde la conviction de la pure
beauté du gothique au mépris des styles qui
succédèrent, Me ce jeu criminel de la vie
avec la mort», ainsi qu’il nomme la Renais-
sance.
MORRIS, voyant grisé de son enthousiasme,
était par le fait même voué à l'archaïsme,
vers lequel il entraîna toute sa brillante
école. Van de Velde, penseur réfléchi, indi-
vidualité forte et merveilleusement douée, de-
vait prendre la tête des modernistes. Le dé-
veloppement d’un tel artiste, c’est celui de
l'art même.
Tous deux, MORRIS et Van de Velde sont
guidés par une pensée sociale noble et forte.
Dans leur instinctif socialisme, oh l’étroit esprit
de secte n'est pour rien, ils puisent le renonce-
ment aux intérêts des castes qui vivent du
suranné de l’art. Une puissance persuasive
leur est commune, si brillante, qu’elle s’élève
parfois jusqu’au langage biblique dans les
écrits de Van de Velde. Mais ce qui se traîne
trop souvent chez MORRIS dans le vide de
la rhétorique, Van de Velde l’élève à la réalité.
Il accomplit ce que MORRIS ne savait que
prédire. MORRIS fut un brillant agitateur, si
enflammant, gagnant si bien les autres à son
enthousiasme, qu’on oubliait combien peu il
était productif, combien les œuvres livrées
au monde sous son nom égalaient peu la
puissance de son verbe, le prestige de sa per-
sonne. A chaque précepte de Van de Velde
apôtre, Van de Velde artiste joint la preuve
en nature. Il peut.
Il est harmonique. Les génies sont presque
toujours des incomplets; l’excessive préémi-
nence d’une faculté étouffe en eux les autres.
Van de Velde a le don rare d’une extra-
ordinaire intellectucdité. Un grand don créa-
teur dans une non moins grande intelligence :
phénomène presque unique. D’autres sont des
instincts; rêveurs sublimes, la foule les ima-
gine le front ceint d’une auréole, pendant que
les psychologues en font un cas pathologique.
Celui-ci est conscient. Il a la connaissance
de l’étendue de ses dons, la volonté d’en
tirer le plus entier parti au bien de sa pro-
duction.
Cette dualité, qui peut seule conduire à
l’unité dans les arts appliqués, se retrouvera
toujours chez Van de Velde. L'inattendu de
l’artiste surprendra dans chaque œuvre, en

même temps qu'une logique de fer contraindra
même les plus décidés adversaires du goût et
de l’art modernes. L’un et l’autre sont insé-
parables chez lui; jusque dans les créations
purement décorations, dans les œuvres en
apparence abandonnées à la plus capricieuse
inspiration, on croit sentir un point de départ
pris dans la seule logique. Nous verrons
qu’il existe réellement.
Séparons pourtant l'inséparable, s’il se
peut. Nous retrouvons alors en Van de Velde
artiste, occupant rang égal dans son œuvre,
les deux éléments qui n’allèrent jamais l'un
sans l’autre chez les génies des périodes les plus
glorieuses de l’art: la ligne et la couleur.
Peintre au début, Van de Velde procéda
de MlLLET, le père de tant de transformations
de l’art moderne. Nous reproduisons un dessin
dans lequel il n’est pas difficile de retrouver
la charpente des compositions du peintre de
! » Angélus Mais il y perce une chose qui est
tout le contraire de MlLLET : l’effort à souligner
certaines particularités des lignes du maître,
mais avec la plus entière indépendance de
la nature; une préoccupation de styliser, d’un
effet presque grotesque en un tel ensemble.
Rien des féminités des Anglais ou des Japonais.
L’œuvre est presque grossière, et dans sa
crudité, l'on reconnaît l’influence de VAN GOGH,
qui, procédant aussi de MlLLET, cdliait les
procédés du maître de Barbizon aux plus
hardies innovations de notre quart de siècle.
Mais l’art marchait vite en ces années; SEURAT
et son école, les pointillistes tant raillés, appor-
tèrent le nouveau; peintres qui, renonçant aux
finesses du pinceau, vouèrent avant tout leur
attention au coloris — en quoi les apports
de la science leur furent de grand service, —
et, pour le reste, s’attachèrent surtout au côté
décoratif des compositions. A ce groupe ap-
partiennent, outre Sevrât, Signac, Luce,
Petitjean, van Rysselberghe etc.
Vcin de Velde fut un des plus radicaux d'eux.
Aux expositions des VINGT, à Bruxelles, ses
tableaux provoquèrent un indicible ahurisse-
ment. L’outrance d’expression de la ligne,
mariée aux plus excessives hardiesses de
couleur parut intolérable en des tableaux.
Déjà alors, il ne fallait pas un œil bien per-
spicace pour reconnaître là l’artiste décorateur.
Il traitait la mer comme il faisait de MlLLET;
sous son pinceau, les vagues se jouant sur
la plage de Heyst se changeaient en motifs
qu’on croit retrouver plus tard dans son ordre
du décor.
Sa première œuvre purement décorative fat
un projet de décoration de salle dans lequel
il voulut représenter la vie des champs, oà

3
 
Annotationen