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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,1.1898/​1899

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No. 1 (Octobre 1898)
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Henry van de Velde
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https://doi.org/10.11588/diglit.34201#0012

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L’ART DÉCORATIF

s'était passée son enfance. Ici, l'appro-
priation déjà complète du dessin an décor
en tons pieds le conduisit à abandonner toile
et pinceau pour le point ; c'est la genèse du
panneau mural — ! adoration de l’Enfant —
composé d'applications d'étoffes multicolores,
avec les contours au point brodé. En même
temps, pour la décoration des livres de
M. ELSKAMP, Van de Velde dessine les reli-
ures de «Dominical» et de «Salutations», dans
lesquelles son habilité grandit comme à vue
d’œil, serrant sa forme jusqu'à ce quelle
soit bien à lui. Il fonde avec VERMEYLEN
et d'autres la magnifique revue « Van Na en
Straks» qu'il décore avec l'art le plus rare,
et travaille avec la même ardeur à d'autres
ouvrages, qu'il exécute en partie dans une
petite imprimerie établie par lui-même. En
composant le titre du troisième livre d'ELS-
KAMP «En Symbole vers IApostolat», il s'aper-
çoit tout-à-coup que le motif de son dessin
se répète selon les règles de fabrication du
papier peint. Celà s’était trouvé sortir natu-
rellement du titre. Il avait fait an papier de
tenture en petit.
Les œuvres des Anglais —- de MORRIS, de
CRANE, et autres — avaient déjà pénétré en
Belgique depuis plusieurs années. COBDEN
SANDERSON, l'excellent relieur, qui fut un
des premiers en Angleterre à ceindre le tablier
de l'artisan, vint à celle époque à Bruxelles
faire des conférences sur l'art social. La
communauté d'idées d'un groupe déjà nom-
breux lui réservait un accueil chaleureux.
Van de Velde fut le plus ardent propagan-
diste aux cotés de cet apôtre. Mais c’est au
principe même, aux sources du mouvement
anglais qu'il allait; jamais il ne travailla
«dans le style anglais». Trop pénétrée était
sa saine intelligence des lois de l'art appliqué,
Urées il est vrai de l'oubli par MORRIS, mais
qui ne viennent d'un pays ni d'un temps,
qui sont de partout et de toujours: des lois
clu but et de la matière.
Van de Velde les comprit mieux que qui
que ce fût ; et ces lois, pour cet esprit lucide,
devaient être désormais et pour toujours le
guide. Maître de la notion du rôle du décor,
il devenait impossible qu'il s’égarât dans le
sentier du naturalisme ou d’autres fausses voies.
Dans cette intelligence, la notion devait
s élargir jusqu à ses plus extrêmes conséquences.
Peintre, il avait adoré les dieux de la peinture.
Ces brillantes œuvres d'exception pouvaient-
elles compenser la décadence toujours de
plus en plus profonde dans laquelle tout était
entraîné, hormis elles? D'un seul coup d'œil,
il mesura l'abîme qui séparait notre art du

but que l’art servait en ses temps d'épa-
nouissement.
Flamand, il pouvait apprécier ce que la
dernière de ces périodes, celle du gothique
avait produit. Il voyait autour de lui, dans
les villes, les restes d'une architecture sublime;
il rencontrait à chaque pas dans les cam-
pagnes les traces d'un art enveloppant toute
la vie et chacun de ses besoins; d'un art
qui sut verser dans l’objet le plus humble le
même esprit qui lançait vers le deux les
flèches des cathédrales. En échange de celà,
que nous offre le présent? Deux douzaines
de carrés de toile peinte devant lesquelles on
peut aller rêver, pour n'en voir que mieux
cm réveil le néant de ce qui nous entoure!
Quelques talents dont la grandeur s'élève sur
la ruine de tout le reste!
Le cadre, voilà le mal ! Jadis, l'art s'appli-
quait à tout embellir ; c'était sa loi, sa raison
d'être. Quelques-uns vinrent qui, détachant
l’image des murs qu’elle animait, en firent
follement un objet en vedette, étranger ail
milieu. C'était absurde; mais désormais, la
gloire pour l'artiste fut à ce prix. Et pour
quelques génies qui surent créer des amures
immortelles, que de milliers d'autres, en qui
le beau recrutait jadis l'armée de ses artisans,
ont gaspillé depuis, obscurs et dédaignés, une
vie lamentable à s'efforcer en vain pour cet
art encadré, qui ne voulait point d'eux!
Pour un esprit conscient de cet enchaine-
ment, ce spectacle était une vision de démence,
et le nimbe du grand art n’avait plus de
dangers. Il fallait faire machine en arrière;
il fallait que l’art redevint l’indispensable,
il fallait qu'il retrouvât ses servants d'autre-
fois, dàt-il abandonner toutes ses conquêtes
pour ce seul résultat.
Cette forte conviction fat le phare qui guida
Van de Velde au travers des écueils où tant
d’autres talents se sont brisés. Devenu ouvrier
d’art, un principe s’affirme dès ses premières
œuvres, s'y traduisant sous une forme primi-
tive. Ses progrès sont tous entiers dans
l'habileté croissante avec laquelle il le gou-
verne, car jamais il ne dévie de sa route.
En laissant l'intérêt artistique de coté, ce
principe apparaît: c'est la tendance con-
structive, depuis l’ensemble jusqu'au dernier
détail. Constructive au sens le plus large.
Base étonnante jusqu'à l'incompréhensible chez
un artiste qui n’avait rien appris que sa pein-
ture et n'avait eu à se ployer d'abord qu'aux
lois de sa fantaisie; la seule saine, la seule
sur laquelle on puisse fonder les procédés
d’une judicieuse application de l'art. Notre
jeune mouvement ne possède que trop de

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