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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,1.1898/​1899

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No. 5 (Février 1899)
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Les monuments de Rodin
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Scheffler, C.: La moulure dans l'art moderne
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https://doi.org/10.11588/diglit.34201#0240

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L’ART DÉCORATIF

cas arrivée avec lui au point d’où doit surgir
la direction que cet art prendra désormais.
Rodin n’a pas eu de précurseur dans notre
siècle; c’est de Michel-Ange qu’il procède.
Comme lui, du marbre d’où tant d’autres
ne savent faire sortir que la pose, il fait jaillir
la vie. Son ciseau plie la matière rebelle à ses
volontés, et lui fait rendre les moindres nuances
voulues par sa conception, affinée à l’extrême.
Son imagination prodigieuse et ne reculant
devant aucune hardiesse lui serait devenue fatale,
n’était son instinct sûr des bornes du pouvoir
du ciseau, étoile directrice qui le guide.
Ces dons, éclatants jusque dans le moindre
fragment de ses groupes même encore à l’état
d’ébauche, et joints chez Rodin, comme chez
Michel-Ange, à la plus indomptable énergie,
devaient infuser une vie nouvelle à la sculpture
monumentale, tombée si bas dans notre siècle.
Sans rien sacrifier, ne fût ce qu’un cheveu,
de sa conception de l’art, sans faire la moindre
concession à personne, il a fait parler au
monument la langue de ses admirables groupes,
insoucieux de plaire ou de déplaire, dédaigneux
de la crainte de n’être pas compris. Aussi, ce
fut autour de son œuvre un combat comme
autrefois autour de celles de Delacroix et, plus tard,
de Manet. Même aujourd’hui que le génie de
Rodin n’est plus en question, le combat dure
encore; ce que les discussions politiques qu’on
sait avaient laissé de violences disponibles au
journalisme français a trouvé son emploi à propos
de son «Balzac».
Entre les partisans et les détracteurs, il n’est
pas facile de porter un jugement sur cette œuvre.
D’une part, on diminuerait l’immense portée
de l’homme de génie par des restrictions; de
l’autre, il n’est pas possible de se refuser à voir
les défauts qui, ici comme dans toutes les
œuvres géniales, sautent aux yeux autant que
les splendeurs. Ce qui manque à Rodin est en
même temps ce qui fait sa force: l’absence
absolue de traditions. Il est fils de notre siècle
la force du mot.
Mais savons-nous
ce que nous donnera
cet art nouveau, qui
ne fait que bégayer
ses premiers mots
aujourd’hui? Tout
jugement sans appel
serait prématuré ; on
ne peut dire qu’une chose, c’est que la grandeur,
le génie, l’avenir sont dans ces œuvres. Qui
sait si d’autres ne viendront pas après Rodin,
dans les mains de qui l’art immortel créé par
lui trouvera sa formule classique?
Un artiste de la taille de Rodin inspire toujours

révolutionnaire dans toute


à quelque écrivain le désir de réunir en un
livre ses œuvres, leur description et leur histoire.
C’est cette tâche que vient de remplir M. L.
Maillard dans son ouvrage «Auguste Rodin,
statuaire» (édité chez Floury à Paris). Les repro-
ductions de monuments de Rodin que nous
donnons plus loin, gravées sur bois par Leveillé,
sont tirées de cet ouvrage. m. g.

LA MOULURE DANS L’ART
MODERNE

Il y a dans la construc-
tion des formes si parfaite-
ment adaptées à leur
fonction et dont la raison
d’être est si puissante,
qu’ elles ont résisté à tous les
changements des styles.
Telle la moulure. Que
fait d’elle l’art moderne?
Le code de règles établi par les Grecs pour
son emploi, avec leur génie créateur et leur
suprême finesse du sens mathématique, est une
formule de beauté pure, l’expression idéale
de la logique et des convenances. Leur solution
du problème d’établir et de montrer la liaison
de la charge et l’appui, du membre debout et
du membre couché, du cadre et de l’encadré
est restée si commode pour ceux qui sont venus
après eux, qu'on accepte depuis deux mille ans
ces formes sans que les variantes qu’on tâche
d’y introduire puissent les perfectionner.
De l’architecture, ces profils ont passé dans
tous les arts, couvert tous les matériaux. Hier
encore on n’eût pu concevoir une porte, un
plafond, une armoire sans cordons moulurés.
Ils étaient et sont encore dans cent métiers le
premier et le dernier moyen de décoration. En
les pondant au kilomètre, l’industrie livre aux
professions une recette décorative commode,
dont toutes font le plus inconsidéré des em-
plois. Il est à peu près impossible de ren-
contrer un produit industriel d’ordre plastique
sur lequel ne s’aperçoive pas quelque réminis-
cence de ces formes propres à l’art de bâtir. N’est-
il pas intéressant de contempler l’assaut que le
moderne s’apprête à livrer à l’antique dans cette
forteresse inexpugnable?
Dans toutes les révolutions de l’art dans le
passé, c’est toujours de l’architecture que sont
issues les formules qui succédaient aux précé-
dentes. Dans celle d’aujourd’hui, c’est le con-
traire. C’est l’art ornemental qui se transforme
d’abord, et la transformation n’atteint l’archi-
tecture que par ricochet, après avoir changé la
face d’autres branches du travail artistique.


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