Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Hinweis: Ihre bisherige Sitzung ist abgelaufen. Sie arbeiten in einer neuen Sitzung weiter.
Metadaten

L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,1.1898/​1899

DOI Heft:
No. 6 (Mars 1899)
DOI Artikel:
L' art industriel
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.34201#0292

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
L’ART DÉCORATIF

«Pourquoi veut-on — continue M. Grasset —
pourquoi veut-on que le peuple ait un art
à part? Pourquoi avoir l’air de caser le peuple
dans une caste artistique injurieusement in-
férieure? Il s’en moque pas mal de votre art
simple, le peuple! Ce n’est pas celui qui le
séduit, et il a raison. Le peuple aime aussi le
grand art à sa façon et n’aimera guère vos
mobiliers de prisonnier !
«Veut-on seulement parler des petites bourses
dont les moyens d’acheter sont très-limités, et
nous en sommes presque tous? Eh bien ! c’est
précisément l’art nouveau, l’art dit simple qu’il
nous est presque impossible d’aborder. On a
fait tant ici qu’à l’étranger, dans ces derniers
temps, de nombreuses tentatives d’art simple
qui n’ont abouté presque toujours qu’à le
rendre odieux par la tristesse et la froideur du
résultat. On a alors cherché un peu dans la
voie un peu plus cossue, plus bourgeoise, et
soit que les objets aient été mal étudiés au
point de vue de l’exécution, soit qu’ils con-
stituent des pièces uniques, ils reviennent à
des prix excessifs. Quand un meuble coûte
trois ou quatre mille francs, celà doit se voir.
Eh bien ! celà, jusqu’à présent, ne se voit jamais.
En tous cas, ce n’est pas dans ces prix-là qu’on
aura un art démocratique!»
On ne dit pas de façon plus pittoresque des
choses où la vérité et l’erreur se mêlent à
dose égale. Le peuple n’aime pas «les mobiliers
de prisonnier» et a raison; d’accord. Mais où
le peuple a-t-il pu, jusqu’à présent, voir des
meubles pas «de prisonnier» quoique simples?
Qui en a fait, où furent-ils exposés? Car
un artiste tel que M. Grasset doit évidem-
ment concevoir qu’en fait de simple, on
puisse faire autre chose que le matériel de
Mazas, la demi-douzaine de fauteuils méro-
vingiens dont accouchèrent quelques hommes
bien intentionnés en mal d’art nouveau aux
premiers jours de celui-ci, ou les caisses d’em-
ballage anglaises sur lesquelles se jetèrent les
snobs il y a quatre ou cinq ans, parcequ’ils

avaient assez des styles anciens et qu’il n’existait
pas d’autre chose «select» en ces temps reculés.
Qu’est-ce qui nous autorise à croire que «le
peuple» — mettons plutôt la bourgeoisie — ne
voudra pas de choses gentiment simples, quand
elle en aura vu? Les femmes de ces classes —
celles qui ont le sens du séant, celles qu’on re-
marque, — vont-elles chamarrées de clinquant?
Qui d’elles consentirait à troquer la robe de
couleur sombre, toute simple, mais sortant des
mains de la couturière adroite longtemps cherchée,
et le petit chapeau piqué de quelques fleurs ou
d’un soupçon de plume à la bonne place, contre
les falbalas de la paysanne fraîchement débarquée?
Si l’on mettait sous les yeux de ces femmes
un intérieur qui fût l’équivalent de cette toilette
si simple, dans laquelle la noblesse et la grâce
de la femme ont tant de séduction, serait-il sûr
qu’elles se refusent à lui donner la vie en le
prenant pour cadre de la leur?
Nous n’apercevons pas les nombreuses ten-
tatives d'art simple «odieuses de tristesse et de
froideur» dont parle M. Grasset. Nous ne
voyons au contraire aux Salons et aux expo-
sitions, que «pièces uniques revenant à des
prix excessifs», que «meubles coûtant trois ou
quatre mille francs» — souvent sans que celà
se voie, comme dit si bien l’homme éminent
que nous nous excusons de contredire. C’est
justement ce dont nous nous plaignons! Car
enfin, ce n’est pas tout de s’en aller regarder
de belles choses trois ou quatre fois l’an, il
faudrait bien pouvoir s’en entourer un peu!
L’argent est prêt, qu’on fasse la marchandise!
Mais heureusement, un effort dans ce sens
ne tardera plus longtemps. C’est dans l’air.
Un tournant de la vie sociale est franchi ; le
succès, la fortune sont maintenant à ceux qui
travaillent pour le nombre. La clientèle de
l'art abordable aux petits n’est pas à créer;
elle existe, et chaque jour lui recrute des pro-
sélytes. Qu’un artiste, un seul, fasse sa tâche
de lui donner ce qu’elle attend, et vingt sui-
vront, puis cent. j.


256’
 
Annotationen