L'ART DECORATIF
les plus sérieux et les plus savants des im-
pressionnistes. On sait d'elle certaines toiles,
une jeune femme lisant dans un jardin, une
loge de théâtre, qui égalent les meilleurs
tableaux de ce temps et rassemblent toutes
les qualités de premier ordre, sûreté du
dessin, mise en place originale, puissance
harmonieuse des tonalités, caractère inten-
sément vrai, charme de certains accessoires,
facture personnelle à la fois forte et fine. Il
serait puéril de s'attacher à comparer Miss
Cassatt aux autres femmes peintres exposant
à notre époque, et de situer ses qualités à
l'égard de celles d'Eva Gonzales, de Berthe
Morisot, de Louise Breslau, de Marie Duhem,
de Cécilia Beaux, d'Hélène Dufau, de Nanny
Adam, de Mary Schwob ou de quelques
autres femmes qui tiennent hautement leur
rang parmi les peintres modernes. De tels
SOLLICITUDE MATERNELLE, PASTEL
parallèles, superflus, tendraient à faire ad-
mettre, par une restriction inutile, qu'il
existe une démarcation entre les hommes et
les femmes dans un art où celles-ci en ont
de tout temps démontré l'inexistence. Miss
Cassatt prouve par toute son œuvre que les
qualités viriles ne sont pas incompatibles
avec la féminité : il y a dans ses scènes
enfantines des gestes qu'une femme seule
portvait observer, comprendre et transcrire,
et c'est ce qu'elle a fait avec une telle vérité
que ses toiles dureront : relativement peu
connues d'un public auquel l'artiste ne s'est
point soucié de s'imposer, les montrant peu
et n'ambitionnant rien, elles resteront les
témoignages d'une organisation supérieure,
elles compteront spécialement dans l'impres-
sionnisme, auprès des chefs-d'œuvre de
Degas, pour montrer à quel point cet art si
décrié jadis a, dès le
débttt, aimé le naturel
et regardé la vie avec
un réalisme pieux.
Avant tout s'of-
friront à l'admiration
les enfants peints par
Miss Cassatt, leurs
yeux illttminés de
joie, leurs corps nus
d'une chair si blonde
et si fraîche, lertrs
bras agités vers l'a-
venir et levés vers torts
les fruits, pommes
carminées des vergers
ou seins rosissants
dans la blancheur
déclose des corsages.
Les eaux - fortes en
couleurs représentant
des scènes intimes,
enfants au tub, dont
la chair ambrée fris-
sonne parmi les linges
et les faïences à heurs,
enfants allaités et en-
dormis, enfants de-
mi-vétus, impatients
des mains maternelles,
ces eaux-fortes aux
tonalités cloisonnées,
nettes, vives, com-
prises avec un goût
décoratif charmant,
182
les plus sérieux et les plus savants des im-
pressionnistes. On sait d'elle certaines toiles,
une jeune femme lisant dans un jardin, une
loge de théâtre, qui égalent les meilleurs
tableaux de ce temps et rassemblent toutes
les qualités de premier ordre, sûreté du
dessin, mise en place originale, puissance
harmonieuse des tonalités, caractère inten-
sément vrai, charme de certains accessoires,
facture personnelle à la fois forte et fine. Il
serait puéril de s'attacher à comparer Miss
Cassatt aux autres femmes peintres exposant
à notre époque, et de situer ses qualités à
l'égard de celles d'Eva Gonzales, de Berthe
Morisot, de Louise Breslau, de Marie Duhem,
de Cécilia Beaux, d'Hélène Dufau, de Nanny
Adam, de Mary Schwob ou de quelques
autres femmes qui tiennent hautement leur
rang parmi les peintres modernes. De tels
SOLLICITUDE MATERNELLE, PASTEL
parallèles, superflus, tendraient à faire ad-
mettre, par une restriction inutile, qu'il
existe une démarcation entre les hommes et
les femmes dans un art où celles-ci en ont
de tout temps démontré l'inexistence. Miss
Cassatt prouve par toute son œuvre que les
qualités viriles ne sont pas incompatibles
avec la féminité : il y a dans ses scènes
enfantines des gestes qu'une femme seule
portvait observer, comprendre et transcrire,
et c'est ce qu'elle a fait avec une telle vérité
que ses toiles dureront : relativement peu
connues d'un public auquel l'artiste ne s'est
point soucié de s'imposer, les montrant peu
et n'ambitionnant rien, elles resteront les
témoignages d'une organisation supérieure,
elles compteront spécialement dans l'impres-
sionnisme, auprès des chefs-d'œuvre de
Degas, pour montrer à quel point cet art si
décrié jadis a, dès le
débttt, aimé le naturel
et regardé la vie avec
un réalisme pieux.
Avant tout s'of-
friront à l'admiration
les enfants peints par
Miss Cassatt, leurs
yeux illttminés de
joie, leurs corps nus
d'une chair si blonde
et si fraîche, lertrs
bras agités vers l'a-
venir et levés vers torts
les fruits, pommes
carminées des vergers
ou seins rosissants
dans la blancheur
déclose des corsages.
Les eaux - fortes en
couleurs représentant
des scènes intimes,
enfants au tub, dont
la chair ambrée fris-
sonne parmi les linges
et les faïences à heurs,
enfants allaités et en-
dormis, enfants de-
mi-vétus, impatients
des mains maternelles,
ces eaux-fortes aux
tonalités cloisonnées,
nettes, vives, com-
prises avec un goût
décoratif charmant,
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