3o4 INTRODUCTION AU VOYAGE
pelèrent, et le proscrivirent une seconde fois.
Un jour qu’il avait du haut de la tribune en-
levé les suffrages du public, et qu’il revenait chez
lui escorté de toute l’assemblée, Timon, sur-
nommé le Misanthrope , le rencontra ; et lui ser-
rant la main : « Courage, mon fils! lui dit-il;
« continue de t’agrandir, et je te devrai la perte
« des Athéniens T. »
Dans un autre moment d’ivresse , le petit
peuple proposait de rétablir la royauté en sa fa-
veur 2 ; mais , comme il ne se serait pas contenté
de n’étre qu’un roi, ce n’était pas la petite sou-
veraineté d’Athènes qui lui convenait : c’était un
vaste empire qui le mît en état d’en conquérir
d’autres.
Né dans une république, il devait l’élever au-
dessus d’elle-même avant que de la mettre à ses
pieds. C’est là, sans doute, le secret des brillantes
entreprises dans lesquelles il entraîna les Athé-
niens. Avec leurs soldats, il aurait soumis des
peuples, et les Athéniens se seraient trouvés as-
servis sans s’en apercevoir.
Sa première disgrâce , en l’arrêtant presque
au commencement de sa carrière, n’a laissé voir
qu’une vérité : c’est que son génie et ses projets
furent trop vastes pour le bonheur de sa patrie.
On dit que la Grèce ne pouvait porter deux Alci-
1 Plut, in Alcib. p. 199. — a Id. ibid. p. 210.
pelèrent, et le proscrivirent une seconde fois.
Un jour qu’il avait du haut de la tribune en-
levé les suffrages du public, et qu’il revenait chez
lui escorté de toute l’assemblée, Timon, sur-
nommé le Misanthrope , le rencontra ; et lui ser-
rant la main : « Courage, mon fils! lui dit-il;
« continue de t’agrandir, et je te devrai la perte
« des Athéniens T. »
Dans un autre moment d’ivresse , le petit
peuple proposait de rétablir la royauté en sa fa-
veur 2 ; mais , comme il ne se serait pas contenté
de n’étre qu’un roi, ce n’était pas la petite sou-
veraineté d’Athènes qui lui convenait : c’était un
vaste empire qui le mît en état d’en conquérir
d’autres.
Né dans une république, il devait l’élever au-
dessus d’elle-même avant que de la mettre à ses
pieds. C’est là, sans doute, le secret des brillantes
entreprises dans lesquelles il entraîna les Athé-
niens. Avec leurs soldats, il aurait soumis des
peuples, et les Athéniens se seraient trouvés as-
servis sans s’en apercevoir.
Sa première disgrâce , en l’arrêtant presque
au commencement de sa carrière, n’a laissé voir
qu’une vérité : c’est que son génie et ses projets
furent trop vastes pour le bonheur de sa patrie.
On dit que la Grèce ne pouvait porter deux Alci-
1 Plut, in Alcib. p. 199. — a Id. ibid. p. 210.