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LES MAITRES DE L’ART

Brunellesco, son ami très cher, pour avoir son avis; ledit
Filippo, qui s’attendait à voir quelque chose de bien meil-
leur, sourit un peu, en voyant l’œuvre. Alors Donato le
pria, au nom de leur grande amitié, de lui dire ce qu’il en
pensait. Filippo, avec sa franchise ordinaire, répondit
qu’il lui semblait voir sur la croix un paysan, et non un
corps semblable à Jésus-Christ, qui était d’une beauté
raffinée (delicatissimo) et l’homme le plus parfait qui fût
jamais né. Donato se sentit touché; il repartit : « S’il était
aussi facile d’exécuter que de juger, mon Christ te paraî-
trait un Christ; mais allons, prends du bois et essaie d’en
faire un à ton tour. » Filippo ne dit mot; revenu chez lui,
il se mit, sans que personne le sût, à faire un Crucifix.
Le Crucifix de Brunellesco est à Santa Maria
Novella; nous pouvons juger ce concours, ouvert
entre les deux amis, en allant de l’église francis-
caine à l’église dominicaine. Le second Christ,
long, maigre, sec, avec ses tendons raidis, sa tête
qui tombe dans l’ombre de sa longue chevelure,
c’est le Christ de la piété franciscaine, dontlesâmes
pieuses avaient la vision, en se souvenant de Giotto.
Or, reprend Vasari, quand Brunellesco eut fait son tra-
vail, il invita un matin Donato à déjeuner avec lui. A la
vue du crucifix, exposé dans l’atelier, en bonne lumière,
Donatello resta stupéfait, les yeux hagards. Et comme
Filippo s’approchait en riant : « Pour ce matin, dit le sculp-
teur, j’ai mon compte. N’en parlons plus : à toi de faire des
Christs, à moi, des paysans. »
L’anecdote a pu être « arrangée », sinon in-
ventée, dans les ateliers florentins : le biographe
 
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