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ÉCOLE ANGLAISE.

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Cette peinture anglaise fit grand bruit au Salon de Paris et les artistes français1 en furent émerveillés.
Constable, qui d’abord avait redouté « les gais Parisiens, » se félicite de ce succès assez imprévu : « Mes
tableaux sont à une place d’honneur... On a reconnu la richesse de la texture... On a été frappé de la
fraîcheur et de l’éclat des teintes, qualités introuvables dans les tableaux des Français. Sans doute les
peintres français étudient, et même beaucoup, mais seulement les œuvres des maîtres, et, comme dit
Northcote, ils ne connaissent pas plus la nature que les chevaux de fiacre ne connaissent les pâturages. »
Cette boutade s’appliquait à la triste école de l’Empire, toujours souveraine alors, même en
paysage. Le révolutionnaire Constable n’en eut pas moins une médaille d’or à ce Salon de 1824,
et il envoya encore un autre paysage au Salon de 1827.
C’est de cette année 1827 que date un de ses principaux chefs-d’œuvre, le Champ de blé, exposé à la
British Institution, où il soutint très-bien le voisinage de Claude et de Cuyp. Composition très-simple, mais
d’une exécution très-ample et d’une couleur magnifique. En avant, un chemin sur lequel monte un troupeau
de moutons, suivi d’un chien noir. A gauche, le petit berger, en gilet rouge, boit dans une mare, couché à
plat ventre. Au second plan, les campagnes blondissant sous les moissons.
Cette belle peinture, splendidement gravée par David Lucas, fut achetée par les admirateurs de Constable,
qui l’ont offerte à la National Gallery. 11 n’y a qu’en Angleterre que la sympathie pour les arts provoque
de ces souscriptions et inspire de ces générosités.
Le plus curieux est que, dans le catalogue (qui, à la vérité, n’est pas un catalogue officiel) des collections
rassemblées à Marlborough House, où est aujourd’hui le Champ de blé, ce tableau est durement critiqué :
« Copie fidèle, mais grossière {course], d’un site anglais... Les premiers plans manquent de charme, de
moelleux... Les lointains sont lourds et sans perspective... La rudesse de la touche et les empâtements
gâtent tout... Vu à travers un verre teinté ou sous plusieurs couches de vernis, ce pourrait être une
belle peinture... »
Les Anglais préféreront toujours à la peinture profonde et magistrale les images plates et vitreuses de
leurs aquarellistes fashionablesi
Quel malheur que le Champ de blé, au lieu d’être assez dédaigné à Marlborough House, ne soit pas au
Louvre, où les artistes français ne feraient pas tant de façons pour admirer la franchise d’une exécution
abondante et la solidité de la couleur dans les terrains !
A Marlborough House, dans la collection spéciale léguée par M. Vernon (Vernon Gallery), est un autre
paysage de Constable, la Ferme de la vallée, grand tableau de cinq pieds de hauteur. Cette ferme est la
maison où naquit l’artiste, dans le comté de Suffolk. Le bâtiment, au pied duquel circule un cours d’eau,
est au second plan, vers le milieu. L’eau occupe presque tout le premier plan; trois vaches s’y baignent, et
dans un bateau sont un homme et une jeune fille. Adroite, un bouquet d’arbres; à gauche, une campagne
unie, sur un ciel gris, extrêmement vigoureux. Bon pays, plantureux, bocager, avec une végétation d’un
ton clair et frais.
C’est là que Constable avait ' pris son amour de la rosée. Sur la rosée, de ses tableaux, il n’entendait
point du tout contradiction. Chantrey, le sculpteur, qui avait d’abord été peintre et qui conservait toujours
des prétentions en peinture, le trouvant, un jour réservé, dans les salles d’une exhibition de l’Académie,
occupé à retoucher une vue de Hadleigh Castle, se mit à critiquer la froideur du coloris, et, lui prenant
des mains la palette et les brosses, il étendit un lourd glacis de bitume sur l’avant du tableau.
— Ah! dit tout bas Constable à son ami Leslie, qui était près de lui, ah! c’en est fait de toute ma
rosée !
Et, quoiqu’il respectât beaucoup les jugements de Chantrey, il enleva bien vite le brun glacis ajouté
par le sculpteur.

1 Dans son article, cité plus haut, M. Villot raconte que M. Eugène Delacroix, apres avoir vu ces tableaux de Constable, modifia
beaucoup son Massacre de Scio, qui était presque terminé.
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