Bulletin du Musée National de Varsovie (17.1976)

Mais le troisieme personnage sort des represensations ordinaires du komos, formant — nous
semble-t-il — une scenę uniąue. Le jeune homme est depourvu de bandeau rouge sur la tete,
le seul parmi les six figures sur le vase. II tient en mains une grandę masse irreguliere semblable
a un globe, qu'il tente de poser sur un rocher abrupte sortant de terre. Ce schema repetę exacte-
ment des images connues en cette periode de Sisyphe, pecheur irreductible et arrogant qui,
confiant en sa ruse, osa tenir tete au sort, destinee de tous les mortels, et contrecarrer les plans
des Dieux. Mais est-ce effectivemcnt ici le personnage qui est aujourd'hui devenu un symbole
essentiel de 1'absurde de la mort11 et qui deja dans l'Antiquite etait une image de "inefficacibus
laboriosisąue conatibus vitam terentcs".12

Neugebauer13 considerait cette sinistre image du pecheur puni comme 1'illustration d'une
de ces plaisanteries qui naissent facilement dans les esprits echauffes. Tout simplement par
jeu un des komastoi rentrant a la maison aurait enleve son manteau, roule en boule et, pres
du premier rocher rencontre en route, imite Sisyphe. Les banquets precedant les komoi don-
naient souvent occasion a des faceties, parfois de mauvais gout. II existait 1'usage que celui qui
le premier incitait a se lever ou voulait quitter la compagnie, devait subir d'abord une
„punition" mesuree par le symposiarque.14

Beazley a admis cette interpretation du personnage et de fait il n'est pas entre dans les index
et listes de representations de Sisyphe.15

Mais est-ce que nous avons le droit de nous contenter d'une telle explication de la scenę et
de la considerer comme une illustration d'une histoire hwentee par le peintre ou d'un evcnement
observe? Pourąuoi le komaste imiterait juśtement Sisyphe? Ce personnage n'appartient pas
aux motifs du repertoire courant et deja cela permet de supposer une raison precise a ce choix.

D'autre part, il est difficile de considerer les scenes de banąuet et de komoi connus dans 1'art
grec comme des illustrations de la vie quotidienne, ce qu'on fait souvent automatiquement,
quoique certes inspirees par les moeurs de ce temps. Mais il est difficile de parler ici d'objec-
tivisme, qui n'apparut dans 1'art que bien plus tard. La popularite des scenes de banqucts et
de komoi' sur les vases de la fin du VIe et du debut du Ve siecle avant n.e. devait decouler non
seulement des gouts des peintres et des clients mais aussi de la tendance a renforcer ces gorits.
Pour mieux voir le probleme et apprecier a sa mesure 1'ampleur du phenomene, il est utile de
regarder les donnees fournies par Webster16 sur la frequence de ces scenes sur les vases de di-
verses formes.

a figures noires a figures rouges

banquet komos banquet komos

Utilises dans les banquets

Coupes

62

91

547

667

Crateres

4

1

164

306

Utilises aussi dans les ban.quets









Grandes amphores

5

36

7

34

Oinochoai

10

35

10

16

Grandes pelikai

1

5

1

50

11. A. Camus, Le mythe de Sisyphe, cd. Gallimurd, 1971.

12. Macrobe, Somn. Scip,, 1, 10.

13. Neugebauer, op. cit., p. 39.

14. Navarre, op. cit., p. 1580.

15. Beazley, ARV-, p. 1731. Unc premierę listę des representations de Sisyphe est donnee par Wilisch, dans: Iioscher, Myth,
Lex., IV, 1905-1915, cols 958-972, s.v. Sisyphos. Une listę d*objets est donnee par E. Kunze, Olympische Forscliungen.
II. Archaische Schildbanden, Berlin, 1950, p. 110, note 2, eomplćtee par P. Zancani Montuoro, Rend. Pont. Acc. XXXV,
1962-1963, PP. 67 sq.; id., Atti e Mem. Societa Magna Grecia, V, 1964, pp. 60 sq., pl. XI; id., EAA , VII, 1966, pp. 354-355.

16. Webster, op. cit., p. 109.

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