BULLETIN DE L'A HT POUB TOUS
N° 56
opinion que les unes et les outres furent exécu- j
lées à peu d'années de distance.
Les peintures de Saint-Savin cl celles de
Poitiers sont souvent considérées comme appar-
tenant au onzième siècle, et cet avis a été par-
tagé par Mérimée ; mais il ne s'appuie sur aucune
preuve absolue.
Nous aurions plutôt une tendance à leur attri-
buer une date beaucoup moins ancienne, ten-
dance motivée par la comparaison de certains
détails d'exécution avec ceux de peintures de la j
lin du douzième ou du commencement, du
treizième siècle. Ces rapprochements n'ont pas,
nous l'avouons, la force d'une preuve; aussi
n'affirmerons-nous rien quant à la date de ces
fresques.
Leur parti décoratif est fort bien compris el
suit de Irès près l'architecture en relief (lig. 4).
Immédiatement sous la charpente règne une
haute frise décorée d'entrelacs et que l'on re-
trouve dans presque toutes les églises romanes
couvertes en charpente. Les trois côtés de l'édi-
fice, ornés d'une triple arcature, reçoivent une j
décoration spéciale.
Sur le grand côté se voit le Christ, dans une
|| / JiiiliswWB
;>. — Décoration dans l'église de Charroux (Vienne).
gloire elliptique, avec un ange aux ailes dé-
ployées de chaque côté.
Sur les deux autres faces se voient : d'une
part l'archange saint Michel ayant à sa droite
un paon et à sa gauche, un dragon; d'autre
pari l'archange Gabriel avec deux paons. Ces
arcatures reposent sur une frise ornée de pal- j
mettes el sont reliées entre elles par une suite
de personnages représentant des sainls ou les
apôtres se détachant sur un fond blanc, et posés
sur une ligne ondulée figurant un nuage.
\ la moitié de la hauteur totale règne un ban-
deau saillant qui était décoré de marbrures
rougeset blanches et au-dessous duquel étaient
peintes d'autres scènes, cachées en partie, ac-
tuellement, par les restes d'une décoration delà
fin dû treizième siècle. Ce qu'on en peut voir en-
core nous montre sur un cheval brun un cavalier
que l'on croit être l'empereur Constantin. Il porte
une couronne, et, de sa main droite, il tient un
objet clans lequel on a cru reconnaître un globe,
emblème de la puissance impériale. Le même
cavalier se trouve représenté de la même façon
sur la muraille qui ne porte pas d'arcàture. On
voit sur le même côté la silhouette d'un paon,
emblème des régions célestes, et la forme vague
d'un vase. Ces emblèmes paraissent isolés, mais
ils ont pu faire partie de scènes plus complètes
aujourd'hui effacées.
Les dessous d'arcs sont ornés d'une série de
médaillons circulaires, comme dans le vestibule
de l'église Saint-Savin. Mais, au lieu des signes
du zodiaque, ils renferment simplement des
oiseaux alternant avec des griffons Les intrados
d'arc de l'église de Charroux (Vienne) étaient
ornés de motifs semblables. Nous en reprodui-
sons trois, d'après les dessins de M. Brouillet, I
directeur du Musée de Poitiers (fîg. 5, 6, 7.)
Quelques fragments des décorations que reçut
le temple Saint-Jean ne sont que des restaura-
lions partielles, exécutées à des époques inter-
médiaires entracelles des réfections importantes.
ti. — Décoration dans l'église de Charroux (\ ienne).
Nous avons pu constater que, du onzième au
quatorzième siècle, l'édifice avait reçu plus de
six décorations différentes. Classer tous les frag-
ments dispersés dans l'une ou l'autre de ces ca-
tégories et rechercher dans quel ordre chronolo-
gique ils ont été exécutés, serait un travail long
et pénible, dont le résultat satisferait tout au
pins unevaihe curiosité. Aussi y avons-nous re-
noncé.
Un autre édifice de Poitiers, l'église Saint-
Hilaire, est orné de peintures du douzième
siècle. Elles ont ce point commun avec celles de
l'église Saint-Savin, que la partie purement or-
7. — Décoration dans l'église de Charroux I Vienne).
nementale y prend plus de développement que
dans d'autres édifices de la même région. Les
piliers sont, danslesdeux cas, ornés de figures
d'évèques étagées sur deux ou trois rangs, ou
sont couverts de rinceaux. On y retrouve égale-
ment, employées dans une large mesure, ces
marbrures brunes et blanches qui enlrent en
proportion variable dans presque toutes les dé-
corations du Poilou.
Les dessous et les faces d'arc sont ornés de
rinceaux symétriques ou d'entrelacs.
L'église Notre-Dame de Poitiers devait porter
une décoration du môme style. La figure de pro-
phète qui en provient, et que nous reproduisons
d'après un dessin de M. Brouillet (fig. 8), pré-
sente une analogie frappante avec celles qui
emplissent les tympans triangulaires compris
entre les arcs de la nef de Saint-Savin. Elle est
peut-être de la même main.
La voùle en cul-dé-four était occupée par un
) Christ, environné des douze apôtres, qui a été
reconstitué et repeint par M. Brouillet.
Dans une église désaffectée, on retrouve les
traces d'un Christ à peu près semblable et quel-
, ques restes d'ornementation qui classent cette
église dans une catégorie d'ouvrages dont font
partie le chœur de l'église de Saint-Savin(Vienne)
j el sa nef depuis le sol jusqu'à la hauteur de la
naissance de la voûte, l'église Saint-Hilaire et
' Notre-Dame de Poitiers.
En faisant cette catégorie, nous n'avons nul-
î lement la prétention de déterminer une école,
ni même une époque ; mais nous croyons intéres-
sant de grouper des décorations présentant
entre elles une grande harmonie, et dont les
éléments réunis forment un tout complet.
8.— Figure de prophète dans le chœur de Notre-Dame de Poitiers.
L'Exposition de Blanc et Noir
L'Exposition de Blanc et Noir, dont nous
n'avons pas à rappeler ici le grand et légitime
j succès, aura Heu celle année au Pavillon de
J la Ville de Paris, du 1er octobre au 30 no-
vembre 1890.
Nos lecteurs connaissent de longue date le
but et le règlement de celle exposition organi-
sée par M. E. Bernard, sous la présidence de
j M. Eugène Guillaume, membre de l'Institut.
El pourtant de nombreuses lettres sont adres-
sées à M. Bernard par des art isles qui demeurent
persuadés que le Blanc et Noir est une Société
! fermée, dont ne peuvent faire parliequ'unnombre
déterminé d'artistes ayant préalablement adhéré
' à des statuts spéciaux.
Rappelons ici que le Blanc et Noir est une
j Société largement ouverte à toutes les manifes-
tations de l'art comprises dans l'article 2 du rè-
glement ainsi conçu :
« Seront compris sous la dénomination de
« Blanc et Noir, les dessins au crayon, à la
j « plume, au lavis, sanguines, fusains, gravures au
« burin, eaux-fortes, gravures sur bois, lithogra-
« phies, etc.
« Seront aussi compris dans la section des
« Aquarelles et Pastels : les dessins de crayons
« de couleur, les gouaches, les détrempes, les por-
« celaines, émaux et miniatures. »
Ce règlement fera connaître à nos lecteurs
j tous les avantages d'une œuvre aussi artistique
el si digne de tous les éloges et de tous les en-
; couragements.
Ajoutons que l'éminenl président du Jury d'ad-
mission et des récompenses, M. Eugène Guil-
laume, qui vient d'être nommé directeur de
) l'Académie nationale dés Beaux-Arts, à la villa
IVIédicis, n'en reste pas moins attaché à l'œuvre
de Blanc et Noir à laquelle il a, dès l'origine,
j accordé son très haut patronage.
Le règlement est envoyé à toute personne qui
en adressera la demande au siège de l'Adminis-
tration, 71, rue Lacondamine.
N° 56
opinion que les unes et les outres furent exécu- j
lées à peu d'années de distance.
Les peintures de Saint-Savin cl celles de
Poitiers sont souvent considérées comme appar-
tenant au onzième siècle, et cet avis a été par-
tagé par Mérimée ; mais il ne s'appuie sur aucune
preuve absolue.
Nous aurions plutôt une tendance à leur attri-
buer une date beaucoup moins ancienne, ten-
dance motivée par la comparaison de certains
détails d'exécution avec ceux de peintures de la j
lin du douzième ou du commencement, du
treizième siècle. Ces rapprochements n'ont pas,
nous l'avouons, la force d'une preuve; aussi
n'affirmerons-nous rien quant à la date de ces
fresques.
Leur parti décoratif est fort bien compris el
suit de Irès près l'architecture en relief (lig. 4).
Immédiatement sous la charpente règne une
haute frise décorée d'entrelacs et que l'on re-
trouve dans presque toutes les églises romanes
couvertes en charpente. Les trois côtés de l'édi-
fice, ornés d'une triple arcature, reçoivent une j
décoration spéciale.
Sur le grand côté se voit le Christ, dans une
|| / JiiiliswWB
;>. — Décoration dans l'église de Charroux (Vienne).
gloire elliptique, avec un ange aux ailes dé-
ployées de chaque côté.
Sur les deux autres faces se voient : d'une
part l'archange saint Michel ayant à sa droite
un paon et à sa gauche, un dragon; d'autre
pari l'archange Gabriel avec deux paons. Ces
arcatures reposent sur une frise ornée de pal- j
mettes el sont reliées entre elles par une suite
de personnages représentant des sainls ou les
apôtres se détachant sur un fond blanc, et posés
sur une ligne ondulée figurant un nuage.
\ la moitié de la hauteur totale règne un ban-
deau saillant qui était décoré de marbrures
rougeset blanches et au-dessous duquel étaient
peintes d'autres scènes, cachées en partie, ac-
tuellement, par les restes d'une décoration delà
fin dû treizième siècle. Ce qu'on en peut voir en-
core nous montre sur un cheval brun un cavalier
que l'on croit être l'empereur Constantin. Il porte
une couronne, et, de sa main droite, il tient un
objet clans lequel on a cru reconnaître un globe,
emblème de la puissance impériale. Le même
cavalier se trouve représenté de la même façon
sur la muraille qui ne porte pas d'arcàture. On
voit sur le même côté la silhouette d'un paon,
emblème des régions célestes, et la forme vague
d'un vase. Ces emblèmes paraissent isolés, mais
ils ont pu faire partie de scènes plus complètes
aujourd'hui effacées.
Les dessous d'arcs sont ornés d'une série de
médaillons circulaires, comme dans le vestibule
de l'église Saint-Savin. Mais, au lieu des signes
du zodiaque, ils renferment simplement des
oiseaux alternant avec des griffons Les intrados
d'arc de l'église de Charroux (Vienne) étaient
ornés de motifs semblables. Nous en reprodui-
sons trois, d'après les dessins de M. Brouillet, I
directeur du Musée de Poitiers (fîg. 5, 6, 7.)
Quelques fragments des décorations que reçut
le temple Saint-Jean ne sont que des restaura-
lions partielles, exécutées à des époques inter-
médiaires entracelles des réfections importantes.
ti. — Décoration dans l'église de Charroux (\ ienne).
Nous avons pu constater que, du onzième au
quatorzième siècle, l'édifice avait reçu plus de
six décorations différentes. Classer tous les frag-
ments dispersés dans l'une ou l'autre de ces ca-
tégories et rechercher dans quel ordre chronolo-
gique ils ont été exécutés, serait un travail long
et pénible, dont le résultat satisferait tout au
pins unevaihe curiosité. Aussi y avons-nous re-
noncé.
Un autre édifice de Poitiers, l'église Saint-
Hilaire, est orné de peintures du douzième
siècle. Elles ont ce point commun avec celles de
l'église Saint-Savin, que la partie purement or-
7. — Décoration dans l'église de Charroux I Vienne).
nementale y prend plus de développement que
dans d'autres édifices de la même région. Les
piliers sont, danslesdeux cas, ornés de figures
d'évèques étagées sur deux ou trois rangs, ou
sont couverts de rinceaux. On y retrouve égale-
ment, employées dans une large mesure, ces
marbrures brunes et blanches qui enlrent en
proportion variable dans presque toutes les dé-
corations du Poilou.
Les dessous et les faces d'arc sont ornés de
rinceaux symétriques ou d'entrelacs.
L'église Notre-Dame de Poitiers devait porter
une décoration du môme style. La figure de pro-
phète qui en provient, et que nous reproduisons
d'après un dessin de M. Brouillet (fig. 8), pré-
sente une analogie frappante avec celles qui
emplissent les tympans triangulaires compris
entre les arcs de la nef de Saint-Savin. Elle est
peut-être de la même main.
La voùle en cul-dé-four était occupée par un
) Christ, environné des douze apôtres, qui a été
reconstitué et repeint par M. Brouillet.
Dans une église désaffectée, on retrouve les
traces d'un Christ à peu près semblable et quel-
, ques restes d'ornementation qui classent cette
église dans une catégorie d'ouvrages dont font
partie le chœur de l'église de Saint-Savin(Vienne)
j el sa nef depuis le sol jusqu'à la hauteur de la
naissance de la voûte, l'église Saint-Hilaire et
' Notre-Dame de Poitiers.
En faisant cette catégorie, nous n'avons nul-
î lement la prétention de déterminer une école,
ni même une époque ; mais nous croyons intéres-
sant de grouper des décorations présentant
entre elles une grande harmonie, et dont les
éléments réunis forment un tout complet.
8.— Figure de prophète dans le chœur de Notre-Dame de Poitiers.
L'Exposition de Blanc et Noir
L'Exposition de Blanc et Noir, dont nous
n'avons pas à rappeler ici le grand et légitime
j succès, aura Heu celle année au Pavillon de
J la Ville de Paris, du 1er octobre au 30 no-
vembre 1890.
Nos lecteurs connaissent de longue date le
but et le règlement de celle exposition organi-
sée par M. E. Bernard, sous la présidence de
j M. Eugène Guillaume, membre de l'Institut.
El pourtant de nombreuses lettres sont adres-
sées à M. Bernard par des art isles qui demeurent
persuadés que le Blanc et Noir est une Société
! fermée, dont ne peuvent faire parliequ'unnombre
déterminé d'artistes ayant préalablement adhéré
' à des statuts spéciaux.
Rappelons ici que le Blanc et Noir est une
j Société largement ouverte à toutes les manifes-
tations de l'art comprises dans l'article 2 du rè-
glement ainsi conçu :
« Seront compris sous la dénomination de
« Blanc et Noir, les dessins au crayon, à la
j « plume, au lavis, sanguines, fusains, gravures au
« burin, eaux-fortes, gravures sur bois, lithogra-
« phies, etc.
« Seront aussi compris dans la section des
« Aquarelles et Pastels : les dessins de crayons
« de couleur, les gouaches, les détrempes, les por-
« celaines, émaux et miniatures. »
Ce règlement fera connaître à nos lecteurs
j tous les avantages d'une œuvre aussi artistique
el si digne de tous les éloges et de tous les en-
; couragements.
Ajoutons que l'éminenl président du Jury d'ad-
mission et des récompenses, M. Eugène Guil-
laume, qui vient d'être nommé directeur de
) l'Académie nationale dés Beaux-Arts, à la villa
IVIédicis, n'en reste pas moins attaché à l'œuvre
de Blanc et Noir à laquelle il a, dès l'origine,
j accordé son très haut patronage.
Le règlement est envoyé à toute personne qui
en adressera la demande au siège de l'Adminis-
tration, 71, rue Lacondamine.