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Bulletin de l' art pour tous — 1902

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No 197 (Mai 1902)
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L'ART-POUR • TOUS

Encyclopédie rART/NBusmiEL et décoratif

•paraissant tcots les rrvoiS

FONDÉ PAR

EMILE REIBER
Librairies-Imprimeries réunies

7, rue Saint-Benoîtv

41e Année ^ ■ ^ Mai 1902

BULLETIN DE MAI 1902

LE SALON

DE LA

Société des Artistes français

par Henry GUÉDY

Dans ce journal, où depuis plus de quarante
ans l'on étudie tout ce que l'art à produit de
beau sous toutes ses formes, architecture, pein-
ture, sculpture, avec un éclectisme qui ne s'est
jamais démenti, cherchant partout le benu dans
sa plus pure expression, c'est-à-dire le beau
simple, qui est la transcription directe de l'ima-
gination de Vartiste, de celui qui comprend la
nature et sait en l'interprétant, lui donner une
signification spéciale, grâce à sa vision person-
nelle des choses et des êtres. Il nous a paru
nécessaire de faire un compte rendu du Salon,
non pas un résumé énonçant salle par salle les
valeurs, les demi-valeurs et les médiocrités,
mais une analyse des œuvres de ceux qui
cherchent hêtre, qui cherchent un faire, une per-
sonnalité, qui voient, dans la nature, le côté
artistique et poétique qu'elle ne monlre qu'aux
seuls réellement doués. Non pas que nous vou-
lions faire fi des autres, cela n'est pas notre in-

leur charmante de toutes ses œuvres précé- j rendu, quoique tous ces peintres du matin pro-

dentes, couleur qui participe de la théorie du filent un peu de ce que nous ne voyons que bien

plein air, mais sans trop d'éclat, couleur qui a rarement les effets qu'ils rendent pour ajouter

de la force sans rudesse, et qui ferait penser à un peu du leur

un J.-P. Laurens féminisé. Dans le Mariage de M. Bérond avec le Martyre de saint Antoine

Charles VIII les couleurs sont plus heurtées, a (rop le désir de plaire; ses études de nu

effet peut-être voulu pour l'interprétation en manquent de poésie et de grâce, on peut faire du

tapisserie, qui doit être faite pour le Tribunal de nu, mais il n'est pas nécessaire de dépasser

Rennes. (Je ne vois pas où cette tapisserie pourra l'effet qu'il doit produire et de le rendre plus ma-

bien prendre place dans la grand'chambre du lériel qu'il n'est, non pas que je sois rigoriste en

Parlement, que nous connaissons par les exacts art, loin de moi celle idée.

et très artistiques relevés de M. Gélis-Didot Avant d'être hors concours M. La Lyre nous

dans son livre sur la peinture décorative en avait habitués à mieux; sa Plage de Carteret à

France, la salle étant assez chargée en décora- Vheure du bain a un aspect vieillot et démodé,

lions, ce surcroît me parait bien inutile; il aurait cette étude a dû êlre faite il y a longtemps et je

pu être acceptable s'il avait été Iraité dans crains qu'elle n'ait été admise que grâce à son

le style général de la pièce, c'est-à-dire dans le étiquette de hors concours; voilà en quoi le

genre de Goypel, ou mieux encore d'après les jury pour tous serait utile, il ne permettrait pas

modèles de Bérain, dont l'école est très large- aux artistes de laisser constater leurs défail-

ment représentée dans l'ensemble des décora- lances.

lions du Palais de justice. Ce n'est là qu'une De M. Calbet (Sirène.) Cet artiste a la science

critique sur l'appropriation de l'œuvre, mais des eaux transparentes; la toile qu'il nous

non sur l'œuvre elle-même.) montre a un très grand aspect de vérité, celle

M. Gourse nous monlre un fait divers Jamais étude a élé faite ou tout au moins finie d'après

en paix ; mon intention n'était pas de signaler nature, et elle a le charme adhérent à tout ce

ce sujet qui n'a rien à faire avec la recherche du
beau, mais on ne saurait trop protester contre
ce genre où l'ait paraît méconnu. M. Gourse
pourrait mieux employer son talent. J'aurais cru
M. Charrier élève de Merson, tant sa couleur
tention, car il faut que dans une grande famille J me rappelle ce maître dans sa Kermesse au j de comprendre qu'un modèle fait à l'atelier doit
comme celle des artistes il existe, comme par- j xv° siècle; les personnages paraissent malheu- j conserver le fond sur lequel il se détache et qu'il
tout, des ouvriers et des maîtres; les uns font de reusement trop pelits.

leur art le labeur quotidien ; au contraire les L'automne, œuvre de M"0 Clémentine Du/au.

maîtres tracent, forment le chemin, que les autres Voilà de l'art, de l'art véritable, et c'est une des
suivront plus tard; ce sont ces maîtres que nous rares, des très rares artistes femmes qui aient
voulons signaler à votre attention, maîtres une aussi belle entente de la couleur et de l'har-
connus ou peu connus, qu'importe, puisqu'ils monie. C'est une constatation bien pénible à
luttent pour le même idéal, le triomphe du beau. faire mais allez un dimanche, jour de cohue de
Dès 1 entrée dans la première salle, une cou- Salon, vous verrez peu de monde devant cette
leur solide, des tons heurtés, et cependant une œuvre. Au contraire, la foule se presse devant
harmonie parfaite attirent les yeux vers la toile les toiles surtout inléressanles par leur sujet; la
de J.-P. Laurens, la Glorification de Colbert. Le j foule, la majeure partie du temps, dédaigne les

œuvres de haute pensée, et elle ne cherche trop
souvent dans l'art que le moyen de. voir du nu,

qui est réel et qui n'a pas été composé dans
le seul but de plaire. Ainsi je trouve plus
loin Clytie amoureuse du soleil, tableau de
M. Charles Landelle; c'esl une élude de plein
air faite à l'atelier; il n'est pourtant pas difficile

ne peut être transporté ensuite dans le plein air,
qui illumine tout, rend transparent et diminue
par son interposition, dit Léonard de Vinci, les
dimensions des corps relativement à la distance
où ils sont de l'œil du spectateur, adoucit les
teintes, joint à la couleur propre des nuances
qui lui appartiennent, et rend les formes plus
ou moins caractérisées ou plus ou moins indé-
cises. Un fond de ciel avec un modèle fait à
l'atelier est donc un non-sens absolu que le
raisonnement seul devrait faire comprendre.
Mme Demont-Breton semble ne pas s'en souvenir
non plus dans les Méduses bleues. La nalure

ou de rechercher l'illustration de ses feuilletons morte de Mme Foyot d'Alvar a de grandes qua-

favoris. 11 n'y a pas cette année au Salon la lilés de couleurs, qui font penser à Gustave Mo-

représentation sempiternelle du crime pas- reau.

sionnel, ou la scène de l'adultère, le commis- Au milieu de la foule des médiocrités, comme

maître aime la peinLure rude, les grandes com-
positions où son imagination se donne libre
carrière, imagination robuste et saine qui ne
semble pas concevoir dans le seul but déplaire.
Laurens, Bouguereau, voilà deux extrêmes. Je
voyais dernièrement J.-P. Laurens arrêté devant

Les Oréades de Bouguereau, rien ne tressaillait j saire, les agents, le mari dans le lointain, et, sur J l'on est heureux de retrouver l'œuvre de

le premier plan, l'amant et la femme dans M. Gaston Bussière (La mare aux fées); je me

un déshabillé suggestif; c'est là que l'on retrou- souviens d'un tableau qu'il exposait au Salon

verait la cohue bête, non pas la cohue du lorsqu'il était à la Galerie des Machines; cela ne

peuple laborieux, mais de ce demi-monde d'in- dénote pas une grande mémoire de ma part,

guereau, la réciproque n'auraitaussi pas manqué I capables et d'envieux, qui ne considèrent les mais cela montre combien est forle et surtout

de saveur. Dans la même salle, M. Edouard Tou- artistes que comme des amuseurs et sont jaloux captivante l'émotion d'art que l'on ressent devant

dou\e a deux toiles importantes, Le mariage de leur renommée peut-être un peu facile, et de les œuvres de cet artiste, dont je ne connais

a"Anne et de Charles VIII et Un cours de théolo- leur semblant de liberté. que quelques toiles rencontrées au hasard des

gie au xiv' siècle; la première de ces toiles est M. Didier-Pouget nous montre Un matin dans Salons.

un modèle destiné à être exécuté par la Manu- la Corrè\e, avec, au premier plan, un tapis de L'émotion artistique ne dure malheureuse-
facture des Gobelins pour la grand'chambre du bruyères en fleurs; c'est très charmeur, bien ment pas assez longtemps. M. Gardette nous
Parlement de Rennes; l'autre doit servir à la baigné d'air, et même attirant, mais cet artiste enlève nos illusions avec La veille de Wa-
décoralion de la nouvelle Sorbonne. Dans cette manque de sincérité, il pousse trop l'effet. Le gram, i8og, d'une désolante exactitude de
dernière toile, Toudouze, nous rappelle la cou- ) matin de M. Berlhelon est plus sincèrement j détails dans les costumes et les moindres har-

sur sa physionomie, j'aurais voulu y surprendre
un sourire, et rien n'est venu m'autoriser à con-
naître l'opinion du maître ; pourtant il aurait été
bien intéressant de voir J.-P. Laurens juger Bou-

BLLLETIN DE L'ART POUR TOUS —

N° l'J7.
 
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