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41e Année ^ • Août 1902

salon

des Industries du (Mobilier0

Exposition rétrospective des Gobelins (2)

Les mois ont peine à retracer l'impression
profondément artistique que l'on ressent à la vi-
site des salles qui contiennent les tapisseries
que la Manufacture des Gobelins expose pour
célébrer le troisième centenaire de sa fondation,
c'est-très beau, et à un degré tellement élevé
clans l'échelle du beau, que l'on reste saisi d'ad-
miration devant ces œuvres colossales, qui re-
présentent une somme de travail considérable,
travail exécuté sans nul souci de la réclame,
mais dans le but de satisfaire l'idéal de l'ar-
tiste.

Je ne sais si c'est le contraste de voir ces
tapisseries aux mêmes places où, il y a quel-
ques semaines, nous trouvions les œuvres de
nos artistes modernes, qui les fait ressortir en-
core; mais il y a une telle différence, une telle
autre compréhension de l'art, que l'on est heu-
reux de voir que l'erreur n'a pas toujours existé,
et que l'École française n'est pas à son sommet
avec ses représentants d'aujourd'hui. Le beau
paraît avoir été fait, il faudra beaucoup d'études
pour l'approcher, on l'égalera difficilement, et
nous ne paraissons pas être dans la voie pour le
dépasser.

Ne prenons qu'un exemple, le choix des sujets,
nous avons vu leur banalité habituelle ou leur
écœurante tendance libertine à nos derniers Sa-
lons, ces tendances, celle banalité anecdotique,
qui semblent vouloir prouver que l'art ne peut
suffire à sa seule beauté, et qu'il faut pour le
faire accepter qu'il amuse, ou pis encore, cju'il
découvre des nudités que le monde, en dehors
des artistes, n'a pas l'habitude de voir. Or, si
quelqu'un vient avec ces idées à l'Exposition des
Gobelins, il sera pleinement déçu, car il ne verra
que le beau interprétant le beau, c'est-à-dire la
bible dans ses pages magnifiques, la poésie
dans ses plus douces rêveries, l'amour dans ce
qu'il a de plus pur, et la guerre avec sa grandeur
tragique, mais pas de scènes libertines, à peine
si Boucher nous découvre des chairs volup-
tueuses, que l'on peut accepter parce que, loin
d'être matérialisées, elles sont traitées avec le
souci de faire gracieux. L'art de la tapisserie a
voulu voir plus loin que le plaisir des yeux, il

(1-2) Grand Palais des Champs-Elysées. — Juillet-Novembre
1902. (1" article.)

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. — N° 200.

veut s'en prendre à ce que nous avons d'artiste,
c'est-à-dire d'idéal.

Mais j'ai tant de regrets de voir que nous des-
cendons, que le beau a été fait, et que ce que
nous faisons ne sera rien, que je cherche à l'ex-
pliquer par le temps; c'est le temps qui donne
cette harmonie aux couleurs, c'est l'air qui a
unifié les teintes perverties, c'est le soleil, qui ne
veut qu'aucune couleur ne l'éclipsé, qui a fondu
les rouges trop vifs et les bleus trop crus, mais
je sens bien que je me leurre et que la vérité
n'est pas là.

La majeure partie des œuvres où l'on sent un
souffle vraiment artistique date de loin, et les
tapisseries de nos modernes n'atteignent pas
celles de nos aînés; il semble que, hantés par
l'harmonie des artistes anciens, nos contempo-
rains aient voulu copier cetLe harmonie ; mais
que sera-t-elle cette harmonie dans quelques
siècles? On a trop voulu, à mon avis, rendre
l'effet du temps par anticipation, et comme cet
effet du temps se produira malgré qu'il soit déjà
fait, il est à craindre qu'il ne reste plus rien, au
point de vue de la couleur; le pastiche n'est pas
de l'art, c'est de la fraude.

* *

De cette Exposition des Gobelins, descendons
à l'Exposition du mobilier : j'avais comme une
arrière-pensée de retrouver au Grand Palais ce
que, durant des années et des années, nous
vîmes fous au Palais de l'Industrie, c'est-à-dire
une Exposition de meubles un peu quelconque.
Ma surprise a été grande, et j'ai constaté que le
souci d'être vraiment, consciencieusement artiste
avait pénétré dans l'industrie du mobilier. Est-ce
aux nombreuses Expositions centennales, aux
nouveaux Musées que l'on ouvre tous les jours à
qui nous devons cette impulsion ? Mais le style
parait plus pur, les formes sont plus respectées,
et dans un temps plus ou moins long peut-être
serons-nous débarrassés du Henri II de paco-
tille, du Louis XV de commerce et du japonais
du faubourg Saint-Antoine.

Ceux qui nient la vitalité du style moderne
seront surpris de le voir en si belle position et
si largement représenté à cette Exposition, c'est
qu'il a progressé, il s'est implanté, et, quoi qu'il
arrive, il marquera une époque. C'est une chose
si difficile, si périlleuse de créer un art nouveau
que je voudrais voir entreprendre un historique
du modem style, afin que l'on retrace les efforts
des chercheurs, les diverses directions, les hé-
sitations du début et la part que chacun a prise ;
que l'on dise, par exemple, ce qu'a fait Hector
Guimard (qui attend toujours la récompense
méritée de ses efforts), que l'on donne des noms
et que la naissance de ce style ne soit pas en-
veloppée de brouillards, comme cela seprésenle

pour les autres, dire enfin les railleries qui ac-
cueillirent les promoteurs de cette École et les
encouragements, car les railleurs furent nom-
breux, et je fus de ceux-là, mais avec une res-
triction : c'est que l'art moderne contenait énor-
mément de bonnes choses, mais qu'il n'était pas
encore assez pondéré pour produire des ensem-
bles ; après dix ans passés je suis encore un peu
de cet avis, le style moderne excelle dans le dé-
tail, mais dans les ensembles il perd son origi-
nalité, car ilemprunte presque tout aux anciennes
formes.

L'Exposition du mobilier, qui contient un en-
semble aussi complet de l'industrie et de l'art
même du meuble, mérite une visite, et c'est
faire un pèlerinage artistique que d'aller se re-
tremper dans les salles où sont exposées les ta-
pisseries des Gobelins. Henry Guédy.

Le Legs Auguste dutuit

Depuis la note parue dans notre dernier
Bulletin, bien des faits nouveaux se sont pro-
duits, mais qui ne paraissent en rien mettre
obstacle à la prise en possession par la ville de
Paris du legs qui lui est si inopinément échu.

Nous allons essayer de mettre un peu d'ordre
dans les événements pour le plus grand bénéfice
des historiens futurs.

Le 5 août, on écrivait de Rouen:—Le président
du tribunal civil de Rouen, dans une audience
de référé à laquelle assistaient Me Duplan,
avoué de la ville de Paris, et les héritiers de
M. Auguste Dutuit ou leurs représentants, a
rendu ce soir une ordonnance nommant Me Tal-
bot, président de la Chambre des avoués de
Rouen, administrateur délégué séquestre des
biens composant la succession.

A partir de demain, on fera l'inventaire et on
estime qu'en faisant diligence, la ville de Paris
pourra entrer en possession du legs d'ici quinze
jours ou trois semaines.

M. Georges Cain, conservateur du musée
Carnavalet et directeur du Petit-Palais, est
arrivé aujourd'hui. On attend demain ou jeudi
M. Bonnat.

Le lendemain, G août, changement de front
subit et inquiétant. Au moment où l'on allait
lever les scellés, production à l'audience d'op-
positions nombreuses, puis, référé, découverte
de testaments et finalement, nomination d'un
administrateur séquestre chargé de la délivrance
du legs à la ville de Paris.

Le même jour, le Petit Journal, dans une
lettre de son correspondant de Rouen, expli-
quait ainsi ce retard à ses lecteurs :
 
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