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Bulletin de l' art pour tous — 1902

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No 203 (Novembre 1902)
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https://doi.org/10.11588/diglit.16826#0041
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, L "ART POUR • TOUS

ENCYCLOPEDIE DELART/IVEUSTRIEL ET DECORATIF <^

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FONDE PAR

EMILE REIBER
Librairies-imprimeries réunies

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' 7, rue Saint-Benoit

41e Année ^ Novembre 1902 ;

L'ACHEVEMENT DU PANTHÉON

L'expérience du pendule, renouvelée récem-
menL de Foucault, par M. Camille Flammarion,
au Panthéon, a donné de l'actualité à ce monu-
ment. L'on est venu suivre, d'après la marche
du gigantesque balancier, le mouvement de
rotation de la terre, et après avoir pris celte
leçon d'astronomie, l'on a généralement fait un
tour dans l'édifice.

L'on n'a pu que s'étonner de sa nudité. Bien
que presque toutes les murailles soient cou-
vertes de peintures, cette vaste nef semble
froide et vide. On y éprouve la sensation du
provisoire et de l'inachevé. Les dévots pour-
raient dire que depuis qu'on en a chassé Dieu,
rien n'a pu l'y remplacer. Il est certain que la
décoration du Panthéon, dans l'état actuel, n'est
pas complète. Il faut la terminer. Comment?
Nous nous réservons de donner tout à l'heure
notre avis à ce sujet. En attendant, examinons
ce qui a déjà été fait dans ce monument et de-
mandons-nous s'il n'eût pas été possible de
mieux faire.

*

* *

Dans l'esprit de l'architecte Soufflot, qui le
commença en 1758, ce bâtiment devait être con-
sacré à sainte Geneviève, patronne de Paris.
Ce fut la Révolution qui le désaffecta pour le
dédier à la mémoire des grands hommes, des-
tination qui fut indiquée par l'inscription dont
s'orne le fronton occidental. L'édifice fut rendu
au culte sous la Restauration (1); le gouverne-
ment de 1830 le remit sous l'invocation des
grands hommes; Napoléon III le restitua au
culte, et enfin la troisième République le rendit
encore une fois aux grands hommes.

Il n'est pas étonnant qu'après tant de fortunes
diverses, [le Panthéon, au milieu de sa grande
place habituellement déserte, présente à l'ima-
gination l'aspect d'un grand navire abandonné
par ses passagers après une tempête et flottant
à la dérive sur des mers inclémentes.

Ce fut en 1874, alors qu'il s'appelait encore
l'église Sainte-Geneviève, qu'il vint à l'idée d'un
directeur des Beaux-Arts, M. de Chennevières,
d'en faire décorer l'intérieur.

Un groupe de peintres modernes y devaient
dérouler « un vaste poème à la gloire de sainte
Geneviève, où la légende de la patronne de

(1) Ce fut alors que le peintre Gros en décora magnifi-
quement la coupole.

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. — N° "203.

Paris se combinerait avec l'histoire merveil-
leuse des origines chrétiennes de la France ».

Ces artistes furent aussitôt désignés : Puvis
de Chavannes, Galland, Bonnat, Delaunay,
Meissonier, Gérôme, Blanc, Lehman, Cabanel,
Baudry, Chenavard, Gustave Moreau, Millet.

Mais le caractère religieux des sujets qui
avaient été choisis suscita chez les hommes
politiques de violentes protestations et l'exécu-
tion des œuvres fut différée.

Seul, Puvis de Chavannes, chargé de repré-
senter l'enfance de la sainte, s'acquitta immé-
diatement de sa tâche.

Il le fit avec son habituel génie. Il ouvrit dans
l'église la perspective charmante des environs
de Paris emperlés par la rosée du matin, à
l'époque où le printemps, sur le point d'épanouir
les bourgeons et les fleurs, enchante déjà les
cœurs par ses promesses. Et il peupla ces ra-
vissants paysages de braves gens simples et
bons pour qui l'enfance, symbole de la faiblesse,
est sacrée, et pour qui l'étranger est un hôte
qui vient de Dieu. Qui dira suffisamment la
bienveillance lumineuse répandue sur les traits
et sur les gestes de saint Germain et de saint
Loup découvrant le céleste avenir de sainte
Geneviève ? Qui exprimera dignement l'émer-
veillement recueilli des parents de sainte Gene-
viève qu'ils surprennent en prières au pied
d'une croix rustique ?

Puvis de Chavannes avait produit un divin
chef-d'œuvre. Du premier coup l'on avait mis la
main sur le demi-dieu qui seul était capable de
faire rayonner de beauté ces grandes murailles
ternes. L'on eût dû profiter de ce hasard béni,
et puisque les commandes projetées n'avaient
pas encore été sanctionnées, il eût fallu les
annuler définitivement pour confier la tâche en-
tière au génie qu'on venait de voir à l'ouvrage

Mais non, l'on eut la sottise de renouveler ces
commandes.

Je dis la sottise, car c'en était une, quelle
que fût d'ailleurs la valeur de certains des
peintres dont les noms ont été cités plus haut.

Il était en effet impossible que leurs œuvres,
quand elles seraient achevées, se trouvassent en
harmonie avec celle de Puvis de Chavannes et
entre elles. Or, ce qui doit être recherché avant
tout dans un ensemble architectural et décoratif,
c'est l'harmonieux effet général.

Telles qu'elles se présentent aujourd'hui, les
peintures du Panthéon hurlent à côté les unes
des autres.

La fresque de Jean-Paul Laurens n'est pas
méprisable, tant s'en faut. Elle occupe la place
attribuée primitivement à Gérôme, qui y renonça.

Cette mort de sainte Geneviève scandalisa
fort les dévots. Dans une église, le peintre avait
osé figurer, à côté du lit où expirait la sainte, des

enfants entièrement nus et même une jeune
femme parée de sa seule beauté naturelle.

A la vérité, ces protestations étaient injusti-
fiées, car les nudités ne sont pas incompatibles
avec le caractère religieux d'un édifice et certes
jamais le nu ne fut plus audacieusement célébré
que par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine,
en pleine demeure des papes.

Le maître J.-P. Laurens méritait des com-
; pliments pour avoir fait éclater dans cette scène
toute sa vigueur méridionale et son âpreté d'é-
I vocateur des temps mérovingiens. Son pinceau,
; quelque peu terreux et sombre, s'est plu à
! brosser de solides bâtisses primitives, de formi-
dables charpentes et de massives maçonneries
servant d'encadrement à des personnages aussi
rudes, clercs aux nez trognonnants, leudes au
profil d'oiseaux de proie, manants aux masques
frustes et aux pieds poussiéreux.

Mais malgré les hautes qualités de cette com-
; position, l'on doit regrelLer qu'elle soit si dissem-
I blable de celle qu'avait peinte Puvis de Cha-
vannes. D'un côté, l'idéalisme le plus suave, de
l'autre, le réalisme le moins éthéré. Celte seule
opposition est gravement préjudiciable à la tenue
générale de l'édifice.

Parmi les autres peintures qui ornent le
Panthéon, les meilleures donneraient lieu à la
même remarque.

Le miracle de saint Denis, ramassant sa lêle,
fait assurément honneur à Bonnat, bien que l'ha-
bileté de l'exécution soit trop apparente et que
le réalisme de cette boucherie puisse déplaire.
Le couronnement, de Charlemagne, par Henri
! Lévy, est d'une coloration facile qui rappelle
! celle de Tiepolo.

; La fresque de Delaunay, dans laquelle sainte
Geneviève rassure les Parisiens effrayés par
l'approche d'Attila est malheureusement inache-
vée, mais le panneau d'Attila ravageant la Gaule
est assez poussé pour qu'on en admire la puis-
sance dramatique.

Or les qualités diverses que l'on goûte dans
ces différentes œuvres prises à part se contra-
rient les unes les autres et créent ainsi dans le
monument un véritable lohu-bohu.

Seul M. Humbert, le dernier venu, a été bien
inspiré en imitant Puvis de Chavannes sans
perdre sa personnalité.

Ses fresques symboliques qui représentent: la
sainteté du Travail, des marins qui prient avant
leur départ pour la pêche; le Repos, un vieillard
veillant sur des enfants dans un verger; la Dé-
fense du foyer, un guerrier faisant ses adieux à
sa femme; l'Assistance publique, une femme
soignant des blessés, sont d'un sentiment livs
tendre et d'une tonalité très douce.

Par contre, combien d'au Ires peintures voisines
' sont médiocres et même moins que médiocres!
 
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