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LA CHRONIQUE DES ARTS
semble même avoir motivé la création d’une
commission de sept membres « chargés, dit un
arrêté royal en date du 20 janvier, de préparer
les dispositions qu’il y a lieu de prendre pour
organiser l’Académie royale des Beaux-Arts
à Anvers, de manière qu’elle réponde complè-
tement aux besoins de l’enseignement artis-
tique. »
Je vous signalais tout à l’heure les disposi-
tions bienveillantes du gouvernement à l’égard
des beaux-arts. En voici une preuve nouvelle.
M. le ministre de l’instruction publique vient
de porter à son budget un projet de crédit de
10.000 fr. pour la publication d’un album po-
pulaire, composé de planches coloriées repré-
sentant la série des faits les plus intéressants
“histoire du pays. Je mets de côté la portée
morale du projet, très-ingénieuse et très-
libérale ; je me contenterai de louer sans res-
triction, au point de vue des influences artis-
tiques, l’exc lient effet de cet accord de la
science et de l’art.
Je suis un peu encombré de notes. Celle-ci
est le dernier écho des fêtes du centenaire de
Rubens. L’administration communaled’Anvers
a voulu donner au Cercle artistique de cette
ville un témoignage de sa reconnaissance pour
avoir assumé la lourde tâche d'organiser le con-
grès artistique. Elle lui a fait don d’une tribune
qui a été placée dans la grande salle du Cercle,
en présence d’un public nombreux. M. C. Re-
nard a inauguré la tribune en donnant une
conférence sur Carpeaux. Mes confrères fran-
çais sont avertis : une tribune les attend à
Anvers. Je ne m’aventure pas en leur promet-
tant un auditoire intelligent et empressé.
Le Cercle artistique anversois rend certai-
nement des services à l’art. Je crois vous avoir
dit déjà qu’il organisait fréquemment des
expositions de tableaux; il fait appel aux ar-
tistes; il les convie à exposer dans ses salons
leurs esquisses et leurs tableaux. 11 serait dé-
sirable que cet exemple fut suivi par les autres
cercles du pays. Celui de Bruxelles semble se
désintéresser trop des questions d’art ; les
expositions y sont rares. On a lieu de s’en
étonner, puisque les artistes le composent en
majeure partie. Il faudrait que les plus autorisés
d’entre eux fassent ce que fait en ce moment
le sympathique et délicat paysagiste M. IIu-
berii. Ce charmant artiste, si jeune sous ses
cheveux blancs, a réuni dans une des salles
du Cercle une suite importante d’œuvres ré-
cemment terminées. On admire les effets qu’il
tire d'une palette peu variée, et cette discré-
tion est chez lui un charme presque virgilien.
11 est tendre, blond, vaporeux, poétique ; un
peu de songe semble flotter dans s m inter-
prétation. M. Huherti est un artiste très-aimé
en Belgique. Il n’est pas sans res embler un
peu aux paysagistes anglais par un sens très-
fin de l’idylle.
A signaler deux portraits en cours d’exé-
cution et qui feront parler d’eux à cause des
modèles et de leurs peintres. Le premier est
le portraitdu célèbre professeur à l’Université
de Gand,M. Laurent, par M. Liévin de Winne;
le second est le portrait du gouverneur de la
Banque nationale, M. Pirson, par Louis Gal-
lait.
J’ai réservé pour la fin le résultat d’un ré-
cent concours de sculpture. Le gouvernement
avait désigné huit artistes pour lui soumettre
la maquette d’un vase ornemental destiné à
orner l’escalier du Sénat. C’est l’esquisse de
M. Charles Brunin qui a été choisie. L’artiste,
et il faut l’en féliciter, s’était attaqué à un
sujet difficile. Rapportant la donnée du vase
à sa destination dans un palais national, il a
réalisé, sous la forme de trois importantes
figures groupées, représentant la Royauté, le
Pouvoir législatif et la Justice, autour des-
quelles se meuvent une vingtaine de person-
nages, l’article fondamental de la Constitution
belge : Tous les pouvoirs émanent de la nation.
Il a montré le peuple dans l’accomplissement
de sa tâche souveraine. L’urne attend le vote
des citoyens, et les personnages qui s’en ap-
prochent sont des forgerons, des tisserands,
des charpentiers, des maçons, portant sous le
bras ou sur l’épaule les attributs de leur pro-
fession. Je constateie viril effort qu’il a fallu à
l’artiste pour aborder ce grave et périlleux
sujet, où l'allégorie se mêle de réalisme.
M. Brunin l’a traité dans le style Louis XYI,
qui lui était imposé par le style de l’escalier,
avec un mélange de draperie et de nu.
Le vase définitif aura 2m25 de hauteur.
L.
LE GRANULÉ DANS LES BIJOUX ANTIQUES
Nous lisons dans The Academy qu’à la réu-
nion de l’Institut archéologique de- Rome, qui
a eu lieu le 3 janvier, M Alexandre Castellani
a présenté de curieuses observations sur le
travail des granulations dans les bijoux anti-
ques de Rhodes, de Chypre, de l’Etrurie, etc.
« En parcourant, a dit M. Castellani, un
ouvrage sur les coquilles, relatif aux Diadê-
mées, Pseudo-Diadêmées, Echinées, etc., il
m’a semblé trouver l’origine du granulé anti-
que. J’ai cru reconnaître dans la variété des
lignes et des points t-n saillie qui couvrent ces
créatures aquatiques le type qui a guidé les
orfèvres de l’antiquité. Il est naturel que
l’ornementation puise ses modèles dans la na-
ture. En Egypte où abondent les plantes
d’eau, l’ornement a tiré sa vie des contours
des lotus. En Phénicie, dans les iles et sur les
côtes de la Méditerranée, il n’est pas impossi-
ble qu’on ait été impressionné par les Médu-
ses, les Diadêmées que forage jetait sur les
plages ou qui s’attachaient aux filets des pê-
cheurs. Le beau sexe se servait de ces coquil-
les pour sa parure, dès les temps les plus re-
culés, et les orfèvres ont dû par suite être
tentés de reproduire leurs minuscules granu-
lations. »
LA CHRONIQUE DES ARTS
semble même avoir motivé la création d’une
commission de sept membres « chargés, dit un
arrêté royal en date du 20 janvier, de préparer
les dispositions qu’il y a lieu de prendre pour
organiser l’Académie royale des Beaux-Arts
à Anvers, de manière qu’elle réponde complè-
tement aux besoins de l’enseignement artis-
tique. »
Je vous signalais tout à l’heure les disposi-
tions bienveillantes du gouvernement à l’égard
des beaux-arts. En voici une preuve nouvelle.
M. le ministre de l’instruction publique vient
de porter à son budget un projet de crédit de
10.000 fr. pour la publication d’un album po-
pulaire, composé de planches coloriées repré-
sentant la série des faits les plus intéressants
“histoire du pays. Je mets de côté la portée
morale du projet, très-ingénieuse et très-
libérale ; je me contenterai de louer sans res-
triction, au point de vue des influences artis-
tiques, l’exc lient effet de cet accord de la
science et de l’art.
Je suis un peu encombré de notes. Celle-ci
est le dernier écho des fêtes du centenaire de
Rubens. L’administration communaled’Anvers
a voulu donner au Cercle artistique de cette
ville un témoignage de sa reconnaissance pour
avoir assumé la lourde tâche d'organiser le con-
grès artistique. Elle lui a fait don d’une tribune
qui a été placée dans la grande salle du Cercle,
en présence d’un public nombreux. M. C. Re-
nard a inauguré la tribune en donnant une
conférence sur Carpeaux. Mes confrères fran-
çais sont avertis : une tribune les attend à
Anvers. Je ne m’aventure pas en leur promet-
tant un auditoire intelligent et empressé.
Le Cercle artistique anversois rend certai-
nement des services à l’art. Je crois vous avoir
dit déjà qu’il organisait fréquemment des
expositions de tableaux; il fait appel aux ar-
tistes; il les convie à exposer dans ses salons
leurs esquisses et leurs tableaux. 11 serait dé-
sirable que cet exemple fut suivi par les autres
cercles du pays. Celui de Bruxelles semble se
désintéresser trop des questions d’art ; les
expositions y sont rares. On a lieu de s’en
étonner, puisque les artistes le composent en
majeure partie. Il faudrait que les plus autorisés
d’entre eux fassent ce que fait en ce moment
le sympathique et délicat paysagiste M. IIu-
berii. Ce charmant artiste, si jeune sous ses
cheveux blancs, a réuni dans une des salles
du Cercle une suite importante d’œuvres ré-
cemment terminées. On admire les effets qu’il
tire d'une palette peu variée, et cette discré-
tion est chez lui un charme presque virgilien.
11 est tendre, blond, vaporeux, poétique ; un
peu de songe semble flotter dans s m inter-
prétation. M. Huherti est un artiste très-aimé
en Belgique. Il n’est pas sans res embler un
peu aux paysagistes anglais par un sens très-
fin de l’idylle.
A signaler deux portraits en cours d’exé-
cution et qui feront parler d’eux à cause des
modèles et de leurs peintres. Le premier est
le portraitdu célèbre professeur à l’Université
de Gand,M. Laurent, par M. Liévin de Winne;
le second est le portrait du gouverneur de la
Banque nationale, M. Pirson, par Louis Gal-
lait.
J’ai réservé pour la fin le résultat d’un ré-
cent concours de sculpture. Le gouvernement
avait désigné huit artistes pour lui soumettre
la maquette d’un vase ornemental destiné à
orner l’escalier du Sénat. C’est l’esquisse de
M. Charles Brunin qui a été choisie. L’artiste,
et il faut l’en féliciter, s’était attaqué à un
sujet difficile. Rapportant la donnée du vase
à sa destination dans un palais national, il a
réalisé, sous la forme de trois importantes
figures groupées, représentant la Royauté, le
Pouvoir législatif et la Justice, autour des-
quelles se meuvent une vingtaine de person-
nages, l’article fondamental de la Constitution
belge : Tous les pouvoirs émanent de la nation.
Il a montré le peuple dans l’accomplissement
de sa tâche souveraine. L’urne attend le vote
des citoyens, et les personnages qui s’en ap-
prochent sont des forgerons, des tisserands,
des charpentiers, des maçons, portant sous le
bras ou sur l’épaule les attributs de leur pro-
fession. Je constateie viril effort qu’il a fallu à
l’artiste pour aborder ce grave et périlleux
sujet, où l'allégorie se mêle de réalisme.
M. Brunin l’a traité dans le style Louis XYI,
qui lui était imposé par le style de l’escalier,
avec un mélange de draperie et de nu.
Le vase définitif aura 2m25 de hauteur.
L.
LE GRANULÉ DANS LES BIJOUX ANTIQUES
Nous lisons dans The Academy qu’à la réu-
nion de l’Institut archéologique de- Rome, qui
a eu lieu le 3 janvier, M Alexandre Castellani
a présenté de curieuses observations sur le
travail des granulations dans les bijoux anti-
ques de Rhodes, de Chypre, de l’Etrurie, etc.
« En parcourant, a dit M. Castellani, un
ouvrage sur les coquilles, relatif aux Diadê-
mées, Pseudo-Diadêmées, Echinées, etc., il
m’a semblé trouver l’origine du granulé anti-
que. J’ai cru reconnaître dans la variété des
lignes et des points t-n saillie qui couvrent ces
créatures aquatiques le type qui a guidé les
orfèvres de l’antiquité. Il est naturel que
l’ornementation puise ses modèles dans la na-
ture. En Egypte où abondent les plantes
d’eau, l’ornement a tiré sa vie des contours
des lotus. En Phénicie, dans les iles et sur les
côtes de la Méditerranée, il n’est pas impossi-
ble qu’on ait été impressionné par les Médu-
ses, les Diadêmées que forage jetait sur les
plages ou qui s’attachaient aux filets des pê-
cheurs. Le beau sexe se servait de ces coquil-
les pour sa parure, dès les temps les plus re-
culés, et les orfèvres ont dû par suite être
tentés de reproduire leurs minuscules granu-
lations. »