DOI Heft:
Nr. 4 (24 Janvier)
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.18474#0035
N« 4 — 1885.
BUREAUX, 8, RUE FAVART.
24 Janvier
LA
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉMENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
PARAISSANT LB SAMEDI MATIN
Les abonnés à une année entière de la Gazette des Beaux-Arts reçoivent gratuitement
la Chronique des Arts et de la Curiosité.
PARIS ET DÉPARTEMENTS :
Un an......... 12 fr. | Six mois. . . . . . . . 8 fr
AVIS A mM. LES ABONNÉS
La table alphabétique et ana-
lytique de la Gazette des
Beaux-A^rts (3e série, 1869-
1880 compris) sera mise en vente
dans le courant de cette semaine.
Cette table a été tirée à petit
nombre.
On souscrit, dès à présent,
Prix : 15 francs.
Le port en sas pour la province et l'étranger
L'abonnement à l'année entière 1885
donne droit, à titre de prime, à un
exemplaire des ouvrages édités par la
Gazette. Ces ouvrages seront délivrés, sur
demande, à des prix réduits indiqués à
la dernière page de ce numéro.
CONCOURS ET EXPOSITIONS
EXPOSITION DES OEUVRES D'EVA GONZALÈS
11 y a bientôt deux ans, Eva Gonzalès mou-
rait, dans tout l'éclat de sa jeunesse et de sa
beauté. Elle n'avait que 3k ans ! Elle mourait,
par accident, six jours à peine après son maî-
tre, Edouard Manet, et les amis, sur les deux
cercueils si inopinément fermés, eurent la
douleur de mêler leurs larmes et de confon-
dre leurs regrets. Son père, M. Emmanuel
Gonzalès, et son mari, M. Henri Guérard, l'un
des graveurs les plus distingués de notre
temps et notre collaborateur assidu, viennent,
avec un soin pieux, d'organiser une exposi-
tion de son œuvre de peintre, dans les salons
de la Vie Moderne, place Saint-Georges.
La première impression que l'on ressent en
voyant les 88 morceaux exposés, est celle de
la parfaite sincérité qui a présidé à leur pro-
duction. Il n'y a ici aucune apparence de vir-
tuosité ; l'artiste n'a jamais cherché à éblouir
par des moyens factices. Elle a certes peint
pour rendre, de la manière la plus simple et
la plus naturelle, ce qu'elle voyait et, avant
tout, de façon à se plaire à elle-même. Les
sujets qui l'ont de préférence attirée sont les
scènes de son intérieur, et ses modèles ont
été les personnes qui vivaient autour d'elle.
C'est donc un monde ayant le calme et la
tranquillité des gens de vie paisible qui nous
apparaît sur ses toiles.
Eva Gonzalès avait, s'il est permis de le
dire d'une femme morte si jeune, longuement
pratiqué son art. Après avoir reçu les leçons
de plusieurs artistes et surtout de Chaplin,
elle avait enfin été attirée par Edouard Manet,
un ami de sa famille. Une fois sous sa direc-
tion, elle subit son empire d'une manière dé-
cisiv\ Par là sou œuvre, déjà si attachante,
prend un intérêt tout spécial, car Manet, qui
a influencé de près ou de loin tant d'artistes,
qui a donné l'impulsion au groupe des impres-
sionnistes, n'a jamais eu qu'elle d'élève di-
rect. Du reste, la manière de son maître est
partout visible. U n'y a point pastiche ou co-
pie, mais influence inconsciente subie et adap-
tation spontanée. Ce qui, dans Manet, était
mordant, mâle, emporté, s'est chez elle adouci
et a ( hangé de sexe. De là une délicatesse et
une grâce féminines, qui font que, dans le
mouvement dont Manet a été le promoteur,
ce qui est sorti du pinceau d'Eva Gonzalès
conservera une place à part et durable.
Les œuvres exposées se divisent en pastels
et en tableaux à l'huile. On peut dire que le
BUREAUX, 8, RUE FAVART.
24 Janvier
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CONCOURS ET EXPOSITIONS
EXPOSITION DES OEUVRES D'EVA GONZALÈS
11 y a bientôt deux ans, Eva Gonzalès mou-
rait, dans tout l'éclat de sa jeunesse et de sa
beauté. Elle n'avait que 3k ans ! Elle mourait,
par accident, six jours à peine après son maî-
tre, Edouard Manet, et les amis, sur les deux
cercueils si inopinément fermés, eurent la
douleur de mêler leurs larmes et de confon-
dre leurs regrets. Son père, M. Emmanuel
Gonzalès, et son mari, M. Henri Guérard, l'un
des graveurs les plus distingués de notre
temps et notre collaborateur assidu, viennent,
avec un soin pieux, d'organiser une exposi-
tion de son œuvre de peintre, dans les salons
de la Vie Moderne, place Saint-Georges.
La première impression que l'on ressent en
voyant les 88 morceaux exposés, est celle de
la parfaite sincérité qui a présidé à leur pro-
duction. Il n'y a ici aucune apparence de vir-
tuosité ; l'artiste n'a jamais cherché à éblouir
par des moyens factices. Elle a certes peint
pour rendre, de la manière la plus simple et
la plus naturelle, ce qu'elle voyait et, avant
tout, de façon à se plaire à elle-même. Les
sujets qui l'ont de préférence attirée sont les
scènes de son intérieur, et ses modèles ont
été les personnes qui vivaient autour d'elle.
C'est donc un monde ayant le calme et la
tranquillité des gens de vie paisible qui nous
apparaît sur ses toiles.
Eva Gonzalès avait, s'il est permis de le
dire d'une femme morte si jeune, longuement
pratiqué son art. Après avoir reçu les leçons
de plusieurs artistes et surtout de Chaplin,
elle avait enfin été attirée par Edouard Manet,
un ami de sa famille. Une fois sous sa direc-
tion, elle subit son empire d'une manière dé-
cisiv\ Par là sou œuvre, déjà si attachante,
prend un intérêt tout spécial, car Manet, qui
a influencé de près ou de loin tant d'artistes,
qui a donné l'impulsion au groupe des impres-
sionnistes, n'a jamais eu qu'elle d'élève di-
rect. Du reste, la manière de son maître est
partout visible. U n'y a point pastiche ou co-
pie, mais influence inconsciente subie et adap-
tation spontanée. Ce qui, dans Manet, était
mordant, mâle, emporté, s'est chez elle adouci
et a ( hangé de sexe. De là une délicatesse et
une grâce féminines, qui font que, dans le
mouvement dont Manet a été le promoteur,
ce qui est sorti du pinceau d'Eva Gonzalès
conservera une place à part et durable.
Les œuvres exposées se divisent en pastels
et en tableaux à l'huile. On peut dire que le