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La chronique des arts et de la curiosité — 1885

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Nr. 13 (28 Mars)
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102

LA CHRONIQUE DES ARTS

bonhomme peignant à la pointe de ses petits pin- |
ceaux.

La découverte d'un morceau de maître, et d'un
maître haut coté comme Test Dov, a déjà par
soi-même un prix qui vaut bien qu'on en parle;
mais ici l'intérêt se double d'une autre découverte,
celle d'un Dov qui ne semble plus être un Dov,
mais presque l'égal de Rembrandt lui-même. Au
point de vue de l'histoire de l'art, le fait a donc son
importance, puisque nous tenons là la preuve de
la toute-puissante et irréductible séduction que le
magicien de Haaiiem exerçait sur ses contempo-
rains et ceux-là même dont l'esthétique était aux
antipodes de la sienne. Jusqu'à présent, en effet,
Dov ne se rattachait à l'école de Rembrandt, chez
lequel on sait qu'il a travaillé, que par 1j senti-
ment de la couleur, le jeu des lumières et des
ombres : mais voilà qu'il lui emprunte jusqu'à sa
mise en scène, ses personnages scintillants de
pierreries, le grand air matamorant de ses capi-
tans, puis encore le côté « visionné » de sa com-
position. Et c'est comme du Rembrandt auquel
Dov serait mêlé, moins que du Rembrandt par
conséquent, mais plus que du Dov.

La scène représente une Adoration des mages,
autre particularité qui mérite d'être relevée. Dov,
en effet, chez les biographes, passe pour n'avoir
point traité le sujetreligieux. Tout au plus signale-
t-on une Marie-Madeleine et un Tobie rendant la
vue à son père. l\ faudra dorénavant y joindre la
susdite Adoration. A Pavant-plan, la Vierge assise
tient en son giron l'enfant Jésus, tout poupin et
tendant les bras à l'un des mages, agenouillé, un
calice dans les doigts. Près de celui-ci et sur le
même plan, un fulgurant personnage, en pied, de
mine superbe, fait tête au spectateur, le corps
porté sur \x jambe gauche dans un mouvement de
marche, de toute la largeur de bras appuyé sur
une canne. Derrière, le roi éthiopien, debout, un
peu penché, joint les mains avec le geste de l'ado-
ration. Voilà pour les héros illustres; mais toute
une moindre cohue d'hommes d'armes, de sei-
gneurs à turbans et à aigrettes, de pages empana-
chés met aux alentours comme le fourmillement
et la splendeur d'une cour. Et de quelle cour! Une
cour asiatique, chamarrée, étincelante, allumant
au soleil ses manteaux et ses pierreries. Par là-
dessus traîne un long flamboiement, une coulée
d'or roux qui, graduellement s'assoupit dans les
seconds plans, s'éteint un peu plus encore dans
les troisièmes et va mourir aux pénombres de la
reculée, dans les obscurités projetées par des ar-
chitectures entremêlées de feuillages, un entasse-
ment de colonnes et de piédestaux, tout un vaste
décor finissant en portique, sur un poudroiement
de ciel vermeil. La foule s*eminêle turbulente
dans un passage qui va diminuant vers le fond,
comme une rue ou un vestibule ; et, par grappes,
des figures d'hommes et d'enfants pendent aux
colonnes, s'accrochent à des chapiteaux, bouchant
tous les coins. En somme, une des compositions
les plus fourmillantes qu'on puisse imaginer.

Toutefois, l'art du groupe central, à la jolie
Vierge décolletée, coiffée à la chinoise; aux trois
Mages; à l'étonnant gaillard costumé à la turque
et qui de son œil noir, hardi et fier, « vous re-
garde le regarder», c'est encore à un gros homme
en cuirasse, de profil celui-là, avec une belle tête
intelligente tournée du côté de la cohue — un
portrait certainement, et peut-être le portrait de

Dov lui-même, si l'on en juge par des ressemblances
avec le personnage du Vendeur d'orviétan, du musée
de Dresde, auquel il a donné ses traits — c'est à ces
protagonistes du tableau que va surtout l'intérêt.
Un rutilement de flammes les baigue, leur donne
un peu de l'intensité lumineuse que, dans nos mi-
ses en scène d'opéra, les projections électriques
allument sur les acteurs. Mais, petit à petit, l'œil
échappe à ce prestige et se plait à fouiller les
obscurités graduées de la perspective. Bien à rai-
son, car, là aussi, les figures curieuses, les types,
les portraits, toute la multiple physionomie d'une
humanité étudiée de près abonde : un cavalier,
dont le buste émerge de la foule, est évidemment
Rembrandt lui-même,'avec sa moustache en croc,
sa large face grave, ses rondes prunelles. Et
qui sait ce qu'avec un peu d'étude.% on retrouve-
rait encore !

La signature 1633 est éloquente : Gérard Dov
étant nécnlblS, il avait,à l'époque où il fit {'Ado-
ration, quarante ans, par conséquent une renom-
mée faite, une manière arrêtée, une personnalité
qui était sa marque. Et cependant, par un pres-
tige qu'il ne peut aliéner, il revient à Rembiandt,
le maître despotique qui, dans son foyer, attire,
décompose et refaronne toutes les originalités du
temps. On dit que, jeune, il peignit dans l'atelier
de Rembrandt, sous ses yeux, presque avec ses
ses pinceaux. Mais alors, il est affranchi, il a son
atelier à lui, et un atelier réputé; et toulefo;s la
chaîne le reprend, c'est un ensorcellement, il va
jusqu'à imiter avec génie. Tout est conjecture
d'ailleurs avec un pareil tableau : peut-être l'exé-
cuta-t-il à Londres, pendant un des deux voyages
dont parlent les biographes, à Londres, d'où pro-
vient le tableau, sans qu'on sache toutefois com-
ment reconstituer son histoire ni renouer les
mailles qui le rattachent au passé.

L'Adoration, peinte sur bois, mesure 90 centi-
mètres en hauteur et 98 en largeur. M. Adolphe
Siret, qui a pris la peine de compter, déclare qu'il
« renferme » plus de 150 personnages. J'ajoute
que l'œuvre remue fort en ce moment les curio-
sités du monde artiste; on est venu la voir de
loin; des musées, assure-t-on, sont entrés en
pourparlers avec M. Hollender, mais rien n'est
décidé.

L.

bibliographie

A dictionary oj artists loho have exhibited works
in the principal London exhil)itions of oil Pain-
tings from 1760 to 1880, par Algernon Graves.
— 1 vol. grand in 8° de 270 pages. — Georges
Bell and Sons, éditeurs à Londres.

Signalons cette intéressante compilation à tous
ceux qui s'occupent de l'histoire de l'art : dans
une étendue de près d'un siècle, elle embrasse
environ 16.000 noms d'artistes de toutes les na-
tionalités dont les œuvres ont été exposées à Lon-
dres ; on trouvera là, notamment, beaucoup de
noms français connus et inconnus.

L'ouvrage est disposé par tableaux synoptiques;
en regard de chacun des noms relevés, — ils sont
 
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