ET DE LA CURIOSITÉ
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du mot, mais ouvriers encore confus, et tous par-
ticularisés par leur absolu dédain des routines,
par l'effort vers la modernité de la transcription,
par la tendance surtout à s'individualiser le plus
possible dans la notation graphique et coloriste.
L.
UNE VISITE CHEZ RUBENS
A l'Académie royale de Belgique, dans la séance
du 3 février, M. H. Hvmans a donné lecture de la
note suivante : Une visite chez Rubens, racontée
par un contemporain.
Sous ce titre, M. le docteur Waldemar de Seid-
litz vient de publier au Repertorium fur Kunst-
wissensc/iaft (l), la traduction d'un passage ex-
traordinairement intéressant des mémoires de
Sperling.
La classe me saura gré, je pense, de lui com-
muniquer la version française de ce curieux do-
cument. On verra que si le récit de de Piles, en
ce qui concerne la manière de procéder de Ru-
bens, a trouvé des incrédules, bien que le gentil-
homme français dût ses renseignements au neveu
du maître, tout ce qu'on nousaappris jusqu'à ce
jour est confirmé et, au delà, par le texte da-
nois.
Otto Sperling était médecin de Christian IV ; il
naquit à Hambourg en 1602. Impliqué dans la
disgrâce d'Ulefeld, il mourut en prison eu 1681.
Après avoir étudié à Greifswald, Sperling passa
deux innées à Leyde. En 1621, accompagné de
quelques amis, il fit un voyage dans uos provinces
et se rendit à Anvers, où il se rencontra avec
Grotius et se présenta chez lîubens.
C'est en tête des mémoires du jeune savant que
se trouve le récit d'un si haut intérêt pour l'his-
toire de l'art, que M. de Seidlitz vient de mettre à
notre portée.
Voici le récit de Sperling :
« Nous rendîmes visite au très célèbre et émi-
nent peintre Rubens, que nous trouvâmes à l'œu-
vre et, tout en poursuivant son travail, ae faisait
lire Tacite et dictant une lettre.
« Nous nous taisions, par crainte de le déran-
ger; mais lui, nous adressant la parole, sans
interrompre son travail, et tout en faisant pour-
suivre la lecture et en coalinuant de dicter sa
letttre, répondait à nos questions, comme pour
nous donner l'épreuve de ses hautes facultés (In-
genium).
« Il chargea ensuite un serviteur de nous con-
duire par son magnifique palais et de nous faire
voir ses antiquités et les statues grecques et ro-
maines qu'il possédait en nombre considérable.
« Nous vîmes encore une vaste pièce, sans
fenêtres, mais qui prenait le jour par une ouver-
ture pratiquée au milieu du plafond.
« Là se trouvaient réunis un bon nombre de
jeunes peintres occupés chacun d'une œuvre dif-
férente dont M. Rubens leur avait fourni un dessin
à la craie, rehaussé de eouleurs par endroits. Ces
(1) Bericlit eines Zeitgenossen iiber einen Besuch bei
Rubens. Repertorium X, Band xter, p. III.
modèles, les jeunes gens devaient les exécuter
complètement en peinture, jusqu'à ce que, finale-
ment, M. Rubens y mit la dernière main par des
retouches. Tout cela passait ensuite pour une
œuvre de Rubens et cet homme, non content
d'amasser de la sorte une immense fortune, s'est
vu combler par les rois et les princes de riches
présents.
« On venait d'ériger à Anvers une nouvelle
église de Jésuites, à la décoration de laquelle il a
contribué par un nombre incalculable de pein-
tures, placées aussi bien dans les voûtes que sur
les nombreux autels et le long des parois et, de
la sorte encore, il a gagné des milliers « de flo-
rins. »
« Ayant tout vu, nous retournâmes vers lui, lui
adressâmes nos humbles remerciements et prîmes
congé. »
M. de Seidlitz ajoute que, dans le reste du livre
de Sperling, il n'est plus question de Rubens.
Académie des Inscriptions
25 février.
Antiquités romaines. — Faute d'avoir 1 signaler
des trouvailles provenant des fouilles, M. Edm. Le
Blant, directeur de l'Ecole française de Rome, écrit
à l'Académie pour l'entretenir des communications
faites à diverses Sociétés savantes et du résultat
de ses visites chez plusieurs marchands d'antiqui-
tés. Il mentionne deux curiosités dignes d'attirer
l'attention des archéologues. L'une d'elles est la
représentation en relief, sur une pierre funéraire,
de la tête du défunt; l'inscription nous apprend
qu'il était cordonnier. L'autre est un squelette hu-
main tenant dans ses mains une double flûte dont
il se sert pour conduire une danse. Unautre sque-
lette, dans une attitude chorégraphique, a été
trouvé, en effet, auprès du précédent, mais il a
été brisé lors de la découverte. C'est la première
fois, fait remarquer M. Le Blant, qu'on voit dans
l'art romain ppraître sous forme d'une danse ma-
cabre la représentation épicurienne de la Mort.
Épigraphie grecque. — M. Homolle communique
une note relative à un personnage, Iomilcas, connu
pour avoir fait don à Apollon et à Artémis de deux
couronnes de laurier en or. Les personnages au
milieu desquels se trouve cité Iomilcas et plu-
sieurs autres indices concordants ont conduit à
cette supposition très vraisemblable qu'il apparte-
nait par quelque lien à l'Egypte et à la cour des
Ptolémées; on a pu aussi déterminer d'une ma-
nière certaine les limites chronologiques dans les-
quelles s'est accomplie la carrière d'Iomilcas; il
a vécu à la fin du iv'siècle et au commencement
du m" siècle avant notre ère. L'inscription re-
monte aux environs de l'année 279.
Or, suivant l'opinion de MM. Wellhausen et Six,
savants orientalistes, le nom de Iomilcas est le
même que celui du roi de Byblos Iehawmelek,
qui figure sur la fameuse stèle, où il est repré-
senté adorant la grande déesse de Byblos. M. Re-
nan, qui discute et commente dans le Recueil des
inscriptions sémitiques le monument en question,
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du mot, mais ouvriers encore confus, et tous par-
ticularisés par leur absolu dédain des routines,
par l'effort vers la modernité de la transcription,
par la tendance surtout à s'individualiser le plus
possible dans la notation graphique et coloriste.
L.
UNE VISITE CHEZ RUBENS
A l'Académie royale de Belgique, dans la séance
du 3 février, M. H. Hvmans a donné lecture de la
note suivante : Une visite chez Rubens, racontée
par un contemporain.
Sous ce titre, M. le docteur Waldemar de Seid-
litz vient de publier au Repertorium fur Kunst-
wissensc/iaft (l), la traduction d'un passage ex-
traordinairement intéressant des mémoires de
Sperling.
La classe me saura gré, je pense, de lui com-
muniquer la version française de ce curieux do-
cument. On verra que si le récit de de Piles, en
ce qui concerne la manière de procéder de Ru-
bens, a trouvé des incrédules, bien que le gentil-
homme français dût ses renseignements au neveu
du maître, tout ce qu'on nousaappris jusqu'à ce
jour est confirmé et, au delà, par le texte da-
nois.
Otto Sperling était médecin de Christian IV ; il
naquit à Hambourg en 1602. Impliqué dans la
disgrâce d'Ulefeld, il mourut en prison eu 1681.
Après avoir étudié à Greifswald, Sperling passa
deux innées à Leyde. En 1621, accompagné de
quelques amis, il fit un voyage dans uos provinces
et se rendit à Anvers, où il se rencontra avec
Grotius et se présenta chez lîubens.
C'est en tête des mémoires du jeune savant que
se trouve le récit d'un si haut intérêt pour l'his-
toire de l'art, que M. de Seidlitz vient de mettre à
notre portée.
Voici le récit de Sperling :
« Nous rendîmes visite au très célèbre et émi-
nent peintre Rubens, que nous trouvâmes à l'œu-
vre et, tout en poursuivant son travail, ae faisait
lire Tacite et dictant une lettre.
« Nous nous taisions, par crainte de le déran-
ger; mais lui, nous adressant la parole, sans
interrompre son travail, et tout en faisant pour-
suivre la lecture et en coalinuant de dicter sa
letttre, répondait à nos questions, comme pour
nous donner l'épreuve de ses hautes facultés (In-
genium).
« Il chargea ensuite un serviteur de nous con-
duire par son magnifique palais et de nous faire
voir ses antiquités et les statues grecques et ro-
maines qu'il possédait en nombre considérable.
« Nous vîmes encore une vaste pièce, sans
fenêtres, mais qui prenait le jour par une ouver-
ture pratiquée au milieu du plafond.
« Là se trouvaient réunis un bon nombre de
jeunes peintres occupés chacun d'une œuvre dif-
férente dont M. Rubens leur avait fourni un dessin
à la craie, rehaussé de eouleurs par endroits. Ces
(1) Bericlit eines Zeitgenossen iiber einen Besuch bei
Rubens. Repertorium X, Band xter, p. III.
modèles, les jeunes gens devaient les exécuter
complètement en peinture, jusqu'à ce que, finale-
ment, M. Rubens y mit la dernière main par des
retouches. Tout cela passait ensuite pour une
œuvre de Rubens et cet homme, non content
d'amasser de la sorte une immense fortune, s'est
vu combler par les rois et les princes de riches
présents.
« On venait d'ériger à Anvers une nouvelle
église de Jésuites, à la décoration de laquelle il a
contribué par un nombre incalculable de pein-
tures, placées aussi bien dans les voûtes que sur
les nombreux autels et le long des parois et, de
la sorte encore, il a gagné des milliers « de flo-
rins. »
« Ayant tout vu, nous retournâmes vers lui, lui
adressâmes nos humbles remerciements et prîmes
congé. »
M. de Seidlitz ajoute que, dans le reste du livre
de Sperling, il n'est plus question de Rubens.
Académie des Inscriptions
25 février.
Antiquités romaines. — Faute d'avoir 1 signaler
des trouvailles provenant des fouilles, M. Edm. Le
Blant, directeur de l'Ecole française de Rome, écrit
à l'Académie pour l'entretenir des communications
faites à diverses Sociétés savantes et du résultat
de ses visites chez plusieurs marchands d'antiqui-
tés. Il mentionne deux curiosités dignes d'attirer
l'attention des archéologues. L'une d'elles est la
représentation en relief, sur une pierre funéraire,
de la tête du défunt; l'inscription nous apprend
qu'il était cordonnier. L'autre est un squelette hu-
main tenant dans ses mains une double flûte dont
il se sert pour conduire une danse. Unautre sque-
lette, dans une attitude chorégraphique, a été
trouvé, en effet, auprès du précédent, mais il a
été brisé lors de la découverte. C'est la première
fois, fait remarquer M. Le Blant, qu'on voit dans
l'art romain ppraître sous forme d'une danse ma-
cabre la représentation épicurienne de la Mort.
Épigraphie grecque. — M. Homolle communique
une note relative à un personnage, Iomilcas, connu
pour avoir fait don à Apollon et à Artémis de deux
couronnes de laurier en or. Les personnages au
milieu desquels se trouve cité Iomilcas et plu-
sieurs autres indices concordants ont conduit à
cette supposition très vraisemblable qu'il apparte-
nait par quelque lien à l'Egypte et à la cour des
Ptolémées; on a pu aussi déterminer d'une ma-
nière certaine les limites chronologiques dans les-
quelles s'est accomplie la carrière d'Iomilcas; il
a vécu à la fin du iv'siècle et au commencement
du m" siècle avant notre ère. L'inscription re-
monte aux environs de l'année 279.
Or, suivant l'opinion de MM. Wellhausen et Six,
savants orientalistes, le nom de Iomilcas est le
même que celui du roi de Byblos Iehawmelek,
qui figure sur la fameuse stèle, où il est repré-
senté adorant la grande déesse de Byblos. M. Re-
nan, qui discute et commente dans le Recueil des
inscriptions sémitiques le monument en question,