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La chronique des arts et de la curiosité — 1891

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Nr. 18 (2 Mai)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19739#0152
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1A2

LA CHRONIQUE DES ARTS

assez riches pour qu'ils n'aient plus à mendier. Je
dois avouer qu'après avoir retourné la question
sociale de notre ville sous toutes ses faces nous
n'arrivâmes pas à solution. Nos âges nous excu-
saient. — « Et depuis?» me dit M. Thiers. — « De-
puis? mais je crois que nous y arriverons bien-
tôt. — « Vous croyez?» — « Oui, je le crois. » —
La question était brûlante. Je ne me rappelais
plus que M. Thiers était l'Alexandre de ce nœud
gordien, lui qui avait déclaré, étant ministre, que
la meudicité était interdite.

Changement de conversation, il me dit: «C'est
comme la question de l'éducation du peuple.
Trouvez-vous cela bien nécessaire? Quand ils sau-
ront lire et écrire, il seront bien plus avancés I Ils
deviendront absurdes et voilà tout. »

Je lui objectai qu'il était ingrat, qu'il semblait
renier son origine et que, pour être justp, il fal-
lait reconnaître que les trois quarts des hommes
qui se distinguaient dans le monde étaient des
hommes partis de très bas. Puis il continua en
me demandant combien je comptais de républi-
cains à cette heure d'après les nouvelles élections.
— Je lui répondis: «Deux millions cinq cent
mille.». — «lié bien! moi, dit-il, j'en compte
quinze cent mille, et encore vous avez mes élec-
teurs. »— «J'admets, M. Thiers, et j'en trouve
encore trop. Croyez-vou3 qu'il y ait plus de cinq
cent mille hommes en France qui raisonnent leur
opinion! Non, n'est-ce pas? Par conséquent nous
sommes suffisamment nombreux. Devinez com-
bien nous étions de républicains en 48? Hé bien!
nous étions six mille: la preuve est que la pro-
vince a marché sur Paris. Vous voyez, M. Thiers,
qu'ils ont fait des petits. Ce sont les journées de
juin et le despotisme de l'empire qui les ont fait
pousser; ils renaissent de leurs cendres comme les
mouches. » — «Bonne chance pour la république,
me dit-il, puisque vous y croyez; quant à moi, je
crois que je ne serai jamais républicain. » — « Vous
ferez bien, lui dis-je, car comme dit Brillat-Sava-
rin, on naît rôtisseur et l'on devient cuisinier. En
république, c'est de même. » Je ne croyais pas dire
si juste.

Quelques instants après il me dit: «Je ne puis
pas comprendre qu'un artiste puisse êlre républi-
cain. Ce n'est pas votre monde. » — Ce à quoi je
répondis que je n'appartenais à aucune classe de
la société, que je n'appartenais qu'à l'idée, et que
lorsque j'avais raison en me manifestant, j'avais
toutes les classes pour moi ; mais qu'indépendam-
ment de cela, malgré la persécution de l'empire â
mon égard, j'avais fort bien vécu tout ce temps,
tout en lui tenant tête ouvertement, sans dévier
d'une ligne de mes principes, avec mes six mille
républicains.

Nous causâmes encore longtemps, sans nous en-
tendre, sur la république ; puis il me fit voir ses
objets d'arts. Il en fut pour l'art comme de la ré-
publique : il était pour la tradition et l'aristo-
cratie de cet art, niant le génie moderne.

Nous nous quittâmes, et en sortant de chez lui
je lui dis: «Nos tempéraments sont tout à fait op-
posés: toute ma sollicitude dans la vie est pour
les pauvres, tandis que toute la sollicitude de vo-
tre vie est pour les riches ; c'est en quoi nous
différons. Aussi tout doit vous réussir.»

(Archives historiques, artistiques et littéraires).

Bernard Prost.

NÉCROLOGIE

Adrien Marie, le peintre illustrateur bien
connu, vient de succomber, à Cadix, aux suites
de fièvres contractées dans un voyage au Niger,
où il avait été envoyé par l'Illustration, accom-
pagné d'un rédacteur de ce journal, M. Félix Du-
bois. C'est à bord du paquebot qui les ramenait
que M. Adrien Marie fut saisi d'un accès de fièvre
qui avait pris le caractère le plus alarmant au
moment où le navire touchait à Cadix. On put
débarquer le malade et le transporter à l'hôpital,
mais il expira quelques heures après, en dépit
des soins dévoués que lui prodigua son compe-
gnon de route, fort éprouvé lui-même. Le direc-
teur de VIllustration, aussitôt prévenu, a envoyé
à Cadix un collaborateur chargé de ramener le
corps du malheureux artiste. Par une doulou-
reuse coïncidence, en même temps que la dépêche
anuonçant sa mort, arrivait au journal une lettre
d'Adrien Ma»ie dans laquelle il donnait des nou-
velles de sa santé, bien meilleure, disait-il, que
celle de son compagnon.

Adrien Marie était né à Neuilly-sur-Seine le 24
février 1848 ; il était élève de Pils et d'Emile
Bayard, et avait été médaillé au Salon de 1889.
C'était un artiste de talent, dont les œuvres, pu-
bliées surtout dans les journaux et les livres, as-
sureront à sa mémoire un renom d'excellent illus-
trateur; membre de la Société des aquarellistes,
il laisse également des œuvres charmantes de
peinture.

BIBLIOGRAPHIE

Sommaire de la Gazette des Beaux-Arts

du 1er mai : Alexandre Bening et les peintres
du Bréviaire Grimani, par P. Durrieu; Kai-
rouan, par A. Renan; Proportions compara-
tives de l'Homme et du Cheval, par le colo-
nel Duhousset ; Zoan Andréa et ses homony-
mes, par le duc de Rivoli et Ch. Ephrussi;
Expositions diverses à Paris, par L. Gonse;
Antoine Pesne, peintre de Frédéric-le-Grand,
par P. Seidel; Bibliographie. Trois gravures
hors texte : Portrait de Rosita Maari, eau-forte
originale de M. Zorn; Angélique à sa fenêtre,
aquatinte de M. Delavallée; Frontispice du
Boëce de Louis de Bruges, miniature d'Alexan-
dre Bening. — Nombreuses gravures dans le
texte.

Journal de la Jeunesse (961° livraison). —
Texte par H. Meyer, E. Dupont Erembourg, Ma-
xime Du Camp et Charles Diguet.

Illustrations de Tofani et E. Zier.

Le Tour du Monde (1582° livraison). — La
Corse, par M. Gaston Vuillier. — (1890). — Texte
et dessins inédits. — Onze gravures de G. Vuil-
lier qui ont été exécutées d'après nature.

Bureaux à la librairie Hachette et Cie, boule-
vard Saint-Germain, 79, à Paris.
 
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