DOI Heft:
Nr. 32 (17 Octobre)
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.19739#0259
N" 32. — 1891
BUREAUX : 8, RUE FAVART.
17 octobre
LA
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉMENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
PARAISSANT LE SAMEDI MATIN
Les abonnés à une année entière de la Gazette des Beaux-Arts reçoivent gratuitement
la Chronique des Aits et do la Curiosité.
PARIS ET DÉPARTEMENTS :
Un an....... .. 12 fr. | Six mois.........8 fr.
CONCOURS ET EXPOSITIONS
Exposition des Beaux-Arts à Munich
Née sous de plus heureux auspices que
celle de Berlin, l'Exposition des Beaux-Arts
de Munich a été l'événement artistique de la
saison en Allemagne. Le fait ne saurait nous
surprendre, si nous songeons que la ville de
Munich est devenue une sorte de capitale des
arts pour les pays d'outre-Rhin. Sans aller,
comme les Allemands, jusqu'à crier à la nou-
velle Athènes, on ne saurait refuser à ce
cèntre important une influence prépondérante
sur le mouvement artistique de l'Allemagne,
surtout au point de vue de la peinture.
Si elle n'a pas donné naissance à une école
spéciale, la cité bavaroise a du moins le grand
mérite d'abriter dans ses murs quelques-unes
des personnalités les plus marquantes et les
plus actives de la peinture allemande. Il suffit
de nommer MM. Lenbach et Fritz de Uhde.
M. Lenbach est le portraitiste à la mode ; il
joue là-bas le rôle de M. Bonnatou de M. Carolus
Duran. Il est persona grata auprès du sou-
verain et de son entourage. Son atelier, qui
est un palais, est une des curiosités de Mu-
nich. Il a peint Bismarck à plusieurs reprises
et toujours de façon magistrale ; il est à Ber-
lin en ce moment pour exécuter le portrait de
l'empereur d'Allemagne. Il est aussi le peintre
attitré du monde wagnérien ; ses divers por-
traits de Wagner et du capellmeister Her-
mann Lévi sont célèbres. Comme tous les
artistes qui n'ont pas une individualité très
franche, il ne croit qu'aux vieux maîtres ; il
dédaigne et ignore le mouvement moderne.
On connaît son habileté prestigieuse à copier
Rembrandt et les beaux Vénitiens aux ombres
rousses, à rendre avec le bitume ce que le
temps a ajouté d'artificiel à leurs chefs d'œu-
vre. Le grand talent de M. Lenbach nous a
été révélé à l'Exposition.de 1878, à Paris, avec
les portraits du baron de Liphart et du cha-
noine Dollinger ; ce dernier, qui rappelle la
manière précise et fouillée de Gaillard, fut
très remarqué ; il a été acquis par la nouvelle
Pinacothèque de Munich; une réplique figure
à l'Exposition actuelle de Munich avec une
dizaine d'autres œuvres de l'artiste. Hier,
M. Lenbach était tout à Reynolds, après avoir
eu Rembrandt comme modèle préféré ; aujour-
d'hui il appartient corps. et âme à Gainsbo-
rough. Il imite avec une adresse rare la fac-
ture de ses délicieux profils de femme enlevés
en quelques coups de pinceau sur de légers
frottis pelure d'oignon. Le Portrait de
Mm° Helyar caractérise cette nouvelle ma-
nière, qui a valu au peintre les plus brillants
succès auprès des professional. beauty de
l'Allemagne. On se dispute, non seulement
ses peintures, mais encore et surtout ses cro-
quis au crayon rehaussé de pastel, sur feuilles
grossières de carton gris, procédé qu'il affec-
tionne pour ses études d'après le modèle.
M. de Uhde, en tout, est aux antipodes de
M. Lenbach. Son art est fait de haut savoir,
de réflexion concentrée, de simplicité et d'in-
time émotion. A rencontre du faste de M. Len-
bach, il n'a qu'un modeste atelier d'artiste.
Son art sévère et quasi religieux n'est pas fait
pour attirer les largesses de la Fortune. Les
principales œuvres de M. de Uhde ont succes-
sivement figuré au Salon do Paris, et leur
profonde originalité a été appréciée en France
comme elle le méritait. M de Uhde est repré-
senté à l'Exposition de Munich par un seul
tableau : La Fuite en Ëyypte, qui suffirait à
lui seul à placer l'artiste à la téte de la jeune
génération. Malheureusement, les hautes vi-
sées de M. de Uhde ne paraissent pas avoir
beaucoup d'écho ; il n'y a guère que M. Lie-
bermann qui s'aventure dans des sentiers
aussi austères.
La peinture allemande actuelle, telle qu'on
la voit ici, où elle est représentée dans toutes
ses nuances, ne trahit aucune, tendance natio-
nale, aucune affirmation particulière ; elle est
incertaine, troublée, hésitante ; visiblement,
BUREAUX : 8, RUE FAVART.
17 octobre
LA
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉMENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
PARAISSANT LE SAMEDI MATIN
Les abonnés à une année entière de la Gazette des Beaux-Arts reçoivent gratuitement
la Chronique des Aits et do la Curiosité.
PARIS ET DÉPARTEMENTS :
Un an....... .. 12 fr. | Six mois.........8 fr.
CONCOURS ET EXPOSITIONS
Exposition des Beaux-Arts à Munich
Née sous de plus heureux auspices que
celle de Berlin, l'Exposition des Beaux-Arts
de Munich a été l'événement artistique de la
saison en Allemagne. Le fait ne saurait nous
surprendre, si nous songeons que la ville de
Munich est devenue une sorte de capitale des
arts pour les pays d'outre-Rhin. Sans aller,
comme les Allemands, jusqu'à crier à la nou-
velle Athènes, on ne saurait refuser à ce
cèntre important une influence prépondérante
sur le mouvement artistique de l'Allemagne,
surtout au point de vue de la peinture.
Si elle n'a pas donné naissance à une école
spéciale, la cité bavaroise a du moins le grand
mérite d'abriter dans ses murs quelques-unes
des personnalités les plus marquantes et les
plus actives de la peinture allemande. Il suffit
de nommer MM. Lenbach et Fritz de Uhde.
M. Lenbach est le portraitiste à la mode ; il
joue là-bas le rôle de M. Bonnatou de M. Carolus
Duran. Il est persona grata auprès du sou-
verain et de son entourage. Son atelier, qui
est un palais, est une des curiosités de Mu-
nich. Il a peint Bismarck à plusieurs reprises
et toujours de façon magistrale ; il est à Ber-
lin en ce moment pour exécuter le portrait de
l'empereur d'Allemagne. Il est aussi le peintre
attitré du monde wagnérien ; ses divers por-
traits de Wagner et du capellmeister Her-
mann Lévi sont célèbres. Comme tous les
artistes qui n'ont pas une individualité très
franche, il ne croit qu'aux vieux maîtres ; il
dédaigne et ignore le mouvement moderne.
On connaît son habileté prestigieuse à copier
Rembrandt et les beaux Vénitiens aux ombres
rousses, à rendre avec le bitume ce que le
temps a ajouté d'artificiel à leurs chefs d'œu-
vre. Le grand talent de M. Lenbach nous a
été révélé à l'Exposition.de 1878, à Paris, avec
les portraits du baron de Liphart et du cha-
noine Dollinger ; ce dernier, qui rappelle la
manière précise et fouillée de Gaillard, fut
très remarqué ; il a été acquis par la nouvelle
Pinacothèque de Munich; une réplique figure
à l'Exposition actuelle de Munich avec une
dizaine d'autres œuvres de l'artiste. Hier,
M. Lenbach était tout à Reynolds, après avoir
eu Rembrandt comme modèle préféré ; aujour-
d'hui il appartient corps. et âme à Gainsbo-
rough. Il imite avec une adresse rare la fac-
ture de ses délicieux profils de femme enlevés
en quelques coups de pinceau sur de légers
frottis pelure d'oignon. Le Portrait de
Mm° Helyar caractérise cette nouvelle ma-
nière, qui a valu au peintre les plus brillants
succès auprès des professional. beauty de
l'Allemagne. On se dispute, non seulement
ses peintures, mais encore et surtout ses cro-
quis au crayon rehaussé de pastel, sur feuilles
grossières de carton gris, procédé qu'il affec-
tionne pour ses études d'après le modèle.
M. de Uhde, en tout, est aux antipodes de
M. Lenbach. Son art est fait de haut savoir,
de réflexion concentrée, de simplicité et d'in-
time émotion. A rencontre du faste de M. Len-
bach, il n'a qu'un modeste atelier d'artiste.
Son art sévère et quasi religieux n'est pas fait
pour attirer les largesses de la Fortune. Les
principales œuvres de M. de Uhde ont succes-
sivement figuré au Salon do Paris, et leur
profonde originalité a été appréciée en France
comme elle le méritait. M de Uhde est repré-
senté à l'Exposition de Munich par un seul
tableau : La Fuite en Ëyypte, qui suffirait à
lui seul à placer l'artiste à la téte de la jeune
génération. Malheureusement, les hautes vi-
sées de M. de Uhde ne paraissent pas avoir
beaucoup d'écho ; il n'y a guère que M. Lie-
bermann qui s'aventure dans des sentiers
aussi austères.
La peinture allemande actuelle, telle qu'on
la voit ici, où elle est représentée dans toutes
ses nuances, ne trahit aucune, tendance natio-
nale, aucune affirmation particulière ; elle est
incertaine, troublée, hésitante ; visiblement,