La chronique des arts et de la curiosité (1891)

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LA CHRONIQUE DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ

tentations de l'argent de poche : ses <; hannetons»
n'eurent jamais d'autre sens. Le' plus curieux
serait s'il avouait en avoir tiré le meilleur rende-
ment de ses droits d'auteur. Et la chose n'est
peut-être pas improbable.

En tous cas, il ne se cache guère d'avoir mal-
mené la gravure devant son propre fils, au point
d'être cause de la vocation de peintre du jeune
homme. Ce calcul pourrait devenir un mouvais
compte, car le temps est trop à ladé-ertion de la
gravure pour ne pas provoquer totalement une
réaction prochaine : la place sera bonne, alors,
aux jeunes courageux et leur obstination connaî-
tra toutes les récompenses du succès. Aussi bien
serait-ce le cas de se demander s'il est licite à
des artistes de se forger des rêveries de fortune?
La raison voudrait, au contraire, voir exclure de
la pratique de l'art tout but d'intérêt, et chaque
candidat au culte des belles choses devrait pou-
voir justifier, omue messieurs du Jockey, de
cinquante mille livres de rente ! Cette rare mais
précieuse condition permettrait le fignolage supé-
rieur d'excellentes œuvres, des œuvres riches pour
le moins, et nous voulons souhaiter aux artistes
de l'avenir une entrée de jeu... et d'école dans ces
prix-là. Le philosophe de Gonesse est un liseur
infatigable, un amoureux de sa bibliothèque. Clas-
sique et graud siècle, il s'en flatte, ses bons vieux
rayons de livres étouffent ses remords d'inaction.
— à lui en supposer — et, pour un peu, il pla-
cerait mordicus la lecture au rang des travaux
personnels. Si des riocheurs insistent, il en arrive
à promettre des séries d'illustrations comme con-
séquences de ses » chers bouquins », mais il pro-
met avec le doux espoir de ne pas tenir. Il y au-
rait peut-être iiêu d'espérer pourtant, car l'ar-
tiste refufe désormais toute commande officielle ;
il a doublement tort d'en agir ainsi: avec ses ha-
bitudes spéciales de tous les vingt-cinq ans, un
nouveau Richelieu lui serait un brevet de cente-
naire !

Cette physionomie de graveur.... à longue
échéance exprime toute la malice d'un homme
de cuivre retranché derrière la patience un peu
ironique de sa profession. On lui sentie ris de la
sérénité: il sait comment les choses de ce monde
arrivent, et si chacune vient jamais avant son
heure! Il a toujours trop retardé, pour croire à
l'avance ou aux surprises! On juge si sa nature
lui aurait fait inventer l'ambition et ses tour-
ments. Ses rares commandes furent, toutes, le
fruit de démarches amicales. M. Michaud, de la
préfecture de la Seine, lui obtint l'une des meil-
leures décorations de Signol, la chapelle des ca-
téchismes de Saint-Eustache ; Paul Baudry le
Richelieu parla gracieuseté de M. de Nieuwerkerke.
Peut-être même sa lenteur inouïe à répondre aux
avances de l'administration provenait-elle de la
crainte de paraître entaché de courtisanerie. En
tous cas, s'il faut avoir regret de l'indolence char-
mante de ce producteur clairsemé, par contre,
l'histoire de la gravure sera trop ravie de trans-
mettre aux âges à venir le nom de l'homme ca-
pable de mitonner une planche pendant plus d'un
quart de, siècle !

Henry de Chennevières.

NÉCROLOGIE

M. Henry Cormont, directeur honoraire des
Beaux-Arts, officier de la Légion d'honneur, a été
frappé dimanche d'une congestiou cérébrale à
laquelle il a succombé presque aussitôt. M. Cor-
mont était âgé de soixante-dix-huit ans.

BIBLIOGRAPHIE

Sommaire de la Gazette des Beaux-Arts,
du 1er juin. — Les Salons, par Edouard Rod;
le Niobide de Subiaco, Marcel Reymond;
Exposition de la lithographie, Henri Bé-
raldi ; Exposition des Arts au début du
siècle, A. de Cliampeaux; le Livre d'Heures
du pape Alexandre VI Borgia, G. Pawlowski;
Bibliographie des ouvrages d'art parus dans
le premier semestre de 1891, par Paulin
Teste. — Trois gravures hors texte : Por-
traits de M'"s D... (Salon du Champ-de-Mars),
eau-forte de M. R. de Los Rios, d'après le
tableau de M. Besnard ; l'Arrivée à liethlèem,
miniature d'Alex. Bening ; Sainte Véronique,
miniature du Livre d'Heures d'Alexandre
Borgia. — Nombreuses gravures dans le
texte.

Notre confrère Charles Gueullet'.e continue, avec
un succès qui s'affirme chaque jour davantage,
l'intéressante et très utile publication de son Ré-
pertoire de la Comédie-Française.

Le tome VII (année 1890;, qui parait aujour-
d'hui, contient une spirituelle préface, signée
Henri de Lapommeraye, et un charmant portrait
de M"0 Pierson, gravé à l'eau-forte, par Abot. —
1 vol. petit in-12, imprimé par D. Jouaust, sur
papier de Hollande. En vente à la Librairie des
Bibliophiles, rue de Lille, 7. — Prix : 5 francs.

L'Art en Espagne, par M. Paul Flat, 1 vol. in»l8.
A. Lemerre, Paris, 1891.
L'auteur de cette étude, un peu trop sommaire
et écrite comme en courant; M.Paul Fiat, l'a
dédiée à M. H.Taine dont il se dit. l'élève et l'ad-
mirateur. Le disciple ne nous parait pas, pour ses
débuts, avoir mis entièrement à profit les leçons
du maître. L'Art en Espagne est une suite d'im-
pressions, très personnelles, nous lë voulons bien,
mais sans beaucoup de critique, iusuffisamment
documentées et qui ne 'nous apportent rien de
bien nouveau touchant une école et des artistes
au sujet desquels il y aurait cependant beaucoup
à nous apprendre. M. Fiat nous semble avoir
trop facilement accueilli, comme autant de faits
avérés, ayant valeur historique, nombre de lé-
gendes qui ont eu cours jadis, notamment sur
Ribera et sur Goya, légendes qu'il accepte sans
aucunes réserves et même avec quelque enthou-
siasme. En somme, nous avons là le carnet d'un
touriste, un peu pressé de nous communiquer des
sensations, trop hâtivement perçues etnotées pour
que nous puissions y voir autre chose que ce
que l'auteur lui-même nous a sagement présenté
comme un modeste essai. P. L.

Le Rédacteur en chef gérant : LOUIS GONSE

Grande Imprimerie, 19, r. du Croissant, Paris —

Gardunne.