Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
ANTIQUITÉS DR L\ CATHÉDRALE DE FR1S1NGUE.

79

? Moïse et Aaron avec leurs noms. A l'un des côtés de ceLte coulisse on lit ces mots :
IIEIXIUCO XIl'HEUCS DAT.
Aux quatre coins du coffre sont représentés des yeux qui semblent y avoir été ajoutés. ' "

i Le savant bénédictin omet de remarquer queics inscrip-
tions ne sont pas à ienr piace. H est clair que ia première :
<< Heureuse Frisingue, contempte avec joie tes protecteurs, "
devrait se trouver au dessous des saints patrons de ia vide.
La seconde, : « O Christ, quatre ministres sacrés racontent
ta vie morteite, -< estreiative aux quatre évangélistes indiqués
autour (tu Sauveur p. r tes animaux symboiiques : mais cette
inscription n'était pas moins bien placée au dessous des quatre
grands prophètes, qui ne formaient, d'après le symbolismeéta-
bli, qu'un seul tout avec les évangélistes, ainsi qu'on peut le
voir dans la magnifique verrière du transept sud à Chartres, où
les quatre évangélistes sont portés par les quatre grands pro-
phètes, historiens avant eux des mêmes événements. Le
nom de S. Eutrope, qui ne répond à aucun personnage et dé-
truit les rapports du nombre quatre, n'a pu ctre ajouté qu'à
Vendôme, où on se llattait de posséder le corps de S. Eu-
trope de Saintes, donné par Geoffroi Martel. Ce nom a rem-
placé, sans aucun doute, une inscription correspondante à
celle : AGNUS DEt de la face opposée, et c'était, si je ne me
(rompe, les mots : smiuTus DEt. Le symbole où Mabillon a
cru voir un aigle était plutôt une colombe représentant
au milieu des saints l'esprit sanctificateur. L'agneau verse son
son sang, la colombe étend ses ailes : l'agneau expie les pé-
chés, et la colombe inspire les vertus. Celle-ci a un rapport de
forme assez frappant avec les colombes eucharistiques, où
s'unissaient également les deux idées.
Oserons-nous expliquer par quelque inattention ce que
Mabillon ajoute des « yeux " représentés aux quatre coins
et qu'il croit «y avoir été ajoutés?" L'étude des monuments
figurés du moyen âge était moins familière à l'illustre savant
que celle des monuments littéraires, et il ne serait pas éton-
nant que l'étrangeté de la représentation ne lui eût pas permis
de croire à un travail primitif et réfléchi. A ses paroles nous
opposerons sa planche, où le dessinateur, tout en laissant dé-
sirer lesentiment du style, fait apercevoir l'intention de l'exac-
titude.
Dùd07d%7M pfc/M7'% ? e/eiT,
dirons-nous avec Prudence. Grâce à la fidélité ingénue de
l'artiste, ce qui présente d'abord l'aspect d'une bizarrerie inex-
plicable, c'est à dire l'œil remplaçant la tète de Melchisedech
et l'œil jeté aux pieds d'Aaron, devient une variante peu gra-
cieuse^ il est vrai, mais très curieuse d'un type symbolique
que nous avons eu l'avantage de mettre ailleurs en lumière. .
Si je ne m'abuse, la châsse que nous avons devant les yeux
est un autel portatif : sa dimension et sa forme rappellent de
tout point ceux qui se voient notamment à Bamberg. Toute ia
face supérieure est une table d'autel, où les gravures ne font
qu'cxprimei* l'opposition entre l'ancienne loi et la loi nou-
velle, entre les sacrifices figuratifs et le sacrifice du Calvaire,
continué dans le sacrifice eucharistique. Que Moïse repré-
sente l'ancienne loi promulguée par lui au peuple élu, le rou-
leau déployé entre ses mains le dit assez; et qu'Aaron, te-
nant en main la verge miraculeuse, indique le sacerdoce

auquel il a donné son nom, la chose parle d'elle-mème. Mais
comment Abraham et Melchisedech sont-ils opposés à Moïse
et à Aaron pour ligurer la loi nouvelle, sot) sacerdoce et son
holocauste. La réponse se trouve dans l'invocation de ces
grands noms joints à celui d'Abel au milieu du canon de la
messe. Peu après la consécration, le prêtre prie Dieu au notn
de Jésus-Christ de bénir son sacrifice :
c Supra quæ propitio ac sereno vultu respiccrc digneris et
accepta lmbere sicuti accepta habere dignatus es munera
pueritui ju'ti Abel, ctsacrificium patriarchm nostri Abrahæ et
quod tibi obtuiit summus sacerdos tuus Melchisedech, sanc-
tum sacrilicium, immaculatam hostiam. M
11 est évident que, malgré leur valeur figurative hautement
enseignée par S. Paul, les sacrifices lévitiques sont omis à
dessein dans ces paroles solennelles. N'est-ce pas parceque,
depuis le déicide, ils ne se présentent plus à la pensée du
nouveau peuple élu que frappés de l'anathème tombé sur l'an-
cien peuple? Si leur représentation avait trouvé place ici,
c'eût été, d'après l'esprit de la liturgie, entre Moïse et Aaron ;
il se pourrait, en effet, que leur image altérée par le temps
ait jadis rempli le vide qui correspond à l'autel de Melchise-
dech. C'est ainsi que nous voyons ailleurs la synagogue tenir
en main la tête d'une victime légaie. Au contraire, les sacri-
fices qui ont précédé la loi mosaïque et que l'Ecriture sainte
célèbre sont exaltés par l'art antique aussi bien que par
la liturgie, comme les vives images de l'oblation du Sauveur.
Celui d'Abel, qui manque ici, se voit sur un des autels portatifs
de Bamberg. En se bornant aux deux autres sacrifices, notre
artiste semble vouloir rendre plus saillante la double al-
lusion au mystère de la croix et à celui de l'Eucharistie.
Qu'est-cc en effet qu'Isaac dans lesens allégorique pour toute
la tradition chrétienne, sinon le fils de Dieu sacrifié par son
père. Le bois que l'enfant porte au sommet de la colline, c'est
la croix que Jésus porte au haut du Calvaire : le bélier substi-
tué à Isaac et immolé à sa place, c'est encore Jésus au dessus,
duquel l'ange n'a pu suspendre cette fois le bras paternel.
Enfin la récompense de la foi d'Abraham est précisément la
gloire pour sa postérité de donner naissance au Messie et à
son-nouveau peuple. Abraham sera le pèi^edes ci'opoMO,
les fidèles seront les en/do/s d'AÙ7^oûo77i.
Ainsi que le sacrifice d'Isaac, offert par Abraham, est la fi-
gure la plus solennelle de celui du Calvaire, le sacrifice de
Melchisedech est l'image la plus parfaite de celui de l'autel.
Ipseest, dit S. Léon parlant de notre Seigneur (Serm. v,
alias iv, opp. ed Ballcrini, t. i, p. 21), cujus formam Mei-
chisedcch pontifex præferebat, non judaïcas hostias offerens
Deo, sed illius sacramenti immolons sacrificium, quodre-
demptor noster in suo corpore et sanguine consecravit.
Toute la tradition des Pères est unanime à signaler les
mêmes rapports. ( A. Cpp7deu, od Ceeei/ÏMin, opp. ea? ed.
p. 105, —EMsèùe, Demoos/ro/. croupe/. L. v, c. 3.
—A. Jerome, od Mo/TeCom, ep. AA. ed. TGi/ GoHop, t. iv.
— & ed. Moo?'.; t. m, p. 83, t. vit, p. A35. —
 
Annotationen