PiLIER MYSTÉRIEUX.
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Gue fait ie personnage de l'angle supérieur, B G? Est-il dévoré par le dra-
gon? En ce cas, comment des deux mains tient-il en respect les mâchoires
du monstre. Est-il maître du dragon? Pourquoi se trouve-t-il introduit dans
sa gueule? Enfin, par quel motif est-il sans vêtements? la Yilkina Saga et le
Hürnin Siegfried révèlent le mystère. Dans le premier poème Siegfried ( le
Sigurd Germanique) prend le sang du dragon pour se rendre invulnérable :
il s'en frotte les mains, qui deviennent dures comme de la corne; ilote ses ha- .
bits, et se frotte le corps entier. Dans le second, s'étant mis à cuire le dra-
gon, un ruisseau de graisse et de sang en découle. Etonné, il y plonge le doigt,
et son doigt acquiert la consistance de la corne. Puis il se baigne tout nu
dans cette rivière enflammée, où toute sa peau devint impénétrable. C'est ce
bain que nous avons devant les yeux. Pour rendre sa pensée sans équivoque
possible et sous une forme plus naïve, par conséquent plus populaire, h;
sculpteur, resserré d'ailleurs par l'espace, fait prendre à Sigurd son bain dans
le sein même du dragon. L'attitude s'explique d'elle-même ainsi que la nudité.
Derrière l'épaule de Siegfried on aperçoit une feuille recourbée :
aurait-elle aussi sa raison? Le moyen d'en douter? Tout auprès, sur les
autres faces du pilier, sont des plans qu'il était aussi naturel d'orner de
feuillage et que l'artiste a affecté de laisser lisses : il y a donc ici une in-
tention spéciale. Heureusement nous n'en sommes pas réduits pour la
reconnaître à l'incertitude des conjectures. Les Sagas que nous venons de
citer racontent en effet que, quand Siegfried se frotta le corps avec le
sang du dragon, il y eut entre les épaules une petite place que sa main ne put toucher. Une
feuille de tilleul détachée de l'arbre qui le couvrait vint s'y poser, et ce fut le seul endroit où
le héros ne fut pas invulnérable : c'est par là qu'il périra trahi, à la fleur de ses années.
Mais pourquoi les serpents qui s'agitent au bas de nos scènes
et les rameaux touffus qui les séparent? recourons aux mêmes
sources, et tout s'éclaicira. Dans la Yilkina le dragon repose au
milieu d'une forêt épaisse, à l'ombre d'un tilleul; c'est là qu'il
dévore tous ceux qui l'approchent, à l'exception de son frère. Dans
l'Hurnin Siegfried les détails sont encore mieux précisés. Apres avoir
tué le dragon sous le tilleul de la forêt, Siegfried pénètre dans l'in-
térieur des bois à la poursuite de Reginn. 11 découvre un lieu sau-
va
âge où fourmillent les dragons enlacés autour des tilleuls :
On v voyait d'affreux serpents, des crapauds hideux. C'était les précipitant sur ies monstres d'un bras si vigoureux qu'ils
au fond d'une vallée, entre deux gorges de montagnes. H arra- y demeurèrent tous ensevetis.
cha ies plus hauts arbres, les jeta pclc-mele en cet endroit,
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Gue fait ie personnage de l'angle supérieur, B G? Est-il dévoré par le dra-
gon? En ce cas, comment des deux mains tient-il en respect les mâchoires
du monstre. Est-il maître du dragon? Pourquoi se trouve-t-il introduit dans
sa gueule? Enfin, par quel motif est-il sans vêtements? la Yilkina Saga et le
Hürnin Siegfried révèlent le mystère. Dans le premier poème Siegfried ( le
Sigurd Germanique) prend le sang du dragon pour se rendre invulnérable :
il s'en frotte les mains, qui deviennent dures comme de la corne; ilote ses ha- .
bits, et se frotte le corps entier. Dans le second, s'étant mis à cuire le dra-
gon, un ruisseau de graisse et de sang en découle. Etonné, il y plonge le doigt,
et son doigt acquiert la consistance de la corne. Puis il se baigne tout nu
dans cette rivière enflammée, où toute sa peau devint impénétrable. C'est ce
bain que nous avons devant les yeux. Pour rendre sa pensée sans équivoque
possible et sous une forme plus naïve, par conséquent plus populaire, h;
sculpteur, resserré d'ailleurs par l'espace, fait prendre à Sigurd son bain dans
le sein même du dragon. L'attitude s'explique d'elle-même ainsi que la nudité.
Derrière l'épaule de Siegfried on aperçoit une feuille recourbée :
aurait-elle aussi sa raison? Le moyen d'en douter? Tout auprès, sur les
autres faces du pilier, sont des plans qu'il était aussi naturel d'orner de
feuillage et que l'artiste a affecté de laisser lisses : il y a donc ici une in-
tention spéciale. Heureusement nous n'en sommes pas réduits pour la
reconnaître à l'incertitude des conjectures. Les Sagas que nous venons de
citer racontent en effet que, quand Siegfried se frotta le corps avec le
sang du dragon, il y eut entre les épaules une petite place que sa main ne put toucher. Une
feuille de tilleul détachée de l'arbre qui le couvrait vint s'y poser, et ce fut le seul endroit où
le héros ne fut pas invulnérable : c'est par là qu'il périra trahi, à la fleur de ses années.
Mais pourquoi les serpents qui s'agitent au bas de nos scènes
et les rameaux touffus qui les séparent? recourons aux mêmes
sources, et tout s'éclaicira. Dans la Yilkina le dragon repose au
milieu d'une forêt épaisse, à l'ombre d'un tilleul; c'est là qu'il
dévore tous ceux qui l'approchent, à l'exception de son frère. Dans
l'Hurnin Siegfried les détails sont encore mieux précisés. Apres avoir
tué le dragon sous le tilleul de la forêt, Siegfried pénètre dans l'in-
térieur des bois à la poursuite de Reginn. 11 découvre un lieu sau-
va
âge où fourmillent les dragons enlacés autour des tilleuls :
On v voyait d'affreux serpents, des crapauds hideux. C'était les précipitant sur ies monstres d'un bras si vigoureux qu'ils
au fond d'une vallée, entre deux gorges de montagnes. H arra- y demeurèrent tous ensevetis.
cha ies plus hauts arbres, les jeta pclc-mele en cet endroit,