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Le charivari — 14.1845

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Février (No. 32-59)
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1.B CCi<tKIVAi$M

IK MU^E DISCIPLINAIRE»

La semaine
dernière , le
conseil de dis-
cipline du 2me
bataillon de la
légion, as-
semblé sous la
présidence de
M. le chei' de
bataillon Tattet, procédait aux solennelles fonctions
dont la loi l'investit, avec la majesté qui n'appartient
qu'à cette institution.

Au nombre des prévenus était un bonnetier qui a
présenté sa défense en vers. Surpris de cette manière
insoiite, quelques membres du conseil voulaient in-
terrompre le bonnetier; mais le président, charmé
peut-être d'un incident qui venait rompre la mono-
tonie de sa fastidieuse besogne,s'y est opposé en disant
qu'on ne pouvait retirer la parole au prévenu puis-
que son plaidoyer en alexandrins ne manquait pas
de mesure.
Voici cette défense originale :

Maudit soit le premier dont l'ardeur citoyenne,
Couronnant du pompon sa vertu plébéienne,
Chargea son bras du poids d'un fusil meurtrier,
Suspendit le briquet au cuir du baudrier,
Et, grotesque Romain en costume moderne,
En guise de carquois endossa la giberne!
Sans ce héros bourgeois, à mon repos fatal,
Du civique tambour le roulement brutal
De l'heureux calme-plat où sommeillait ma vie
N'eût jamais réveillé ma valeur endormie :
Jamais le corps de garde, aux songes du matin,
N'eût prêté les sommiers de son lit de sapin ;
Et jamais caporal, dans sa sotte consigne,
N'eût osé nous traiter en melons qu'on aligne.

Militaire-épicier!... Absurde caporal!...

Toi qui des factions as donné le signal !

Toi, de mes nuits d'hiver tyran impitoyable,

De tous mes corizas je te rends responsable!...

Puisse ton pompon jaune, emblème de malheur,

■ûe ton triste ménage arborer la couleur !...

Puisse de tes moutards l'illégitime bande

Dans le port conjugal entrer en contrebande!

Puisse de tes revers l'enchaînement fatal

Saturer de dégoûts ton cœur de caporal !...

Puisse enfin... Mais pourquoi te choisir pour victime?

De tes doubles galons quand je te fais un crime,

Peut-être, maudissant discipline et conseil,

Dégoûté de la gloire... et des nuits sans sommeil,

Et las de déployer ton zèle honorifique^

Tu gémis sous le poids de ta grandeur civique,

Et voudrais bien pouvoir, parodiant Sylia,

Abdiquer les honneurs de ton caporalat.

Non, ce n'est point à toi qu'il faut que je m'en prenne,
Caporal !... C'est plus haut que doit frapper ma haine.
Vous qui m'avez cité, barbare colonel !
Capitaine au cœur dur, maire... peu paternel !
Je vous cite à mon tour: répondez, race auguste!...
Sur quoi motivez-vous votre verdict auguste ?
J'ai manqué, dites-vous, à l'appel de la loi ;
Mais cette loi, messieurs, qui l'a faite?... Est ce moi?
Ces élonnans bavards qui, depuis fin décembre,
Durant plus de six mois assourdissent la chambre,
Et de qui l'éloquence, ardente à fulminer,
S'arrête, heureusement, à l'heure du dîner,
Ont-ils pris mon avis quand leur boule honorable
A fait surgir, du sein de l'urne inexorable,
La loi qui me contraint, moi, marchand bonnetier,
À quitter les douceurs d'un innocent métier,
A fuir le blanc coton et la chaude flanelle,

Dussiez-vous, me l'iiçant un méchant quolibet,
Dire que sur ce point j'opine du bonnet.

Mai* vous oubliez donc,despotes que vous êtes,'

Qu'à l'État j'ai déjà payé vinat fois mes dettes !

.te paie au fisc le droit d'exercer mon métier (I) !

Le droit de posséder un méchant mobilier (2) !

Le droit qui vieni rie Die", le droit d'exister... d'être (3) !

Le droit de respirer le frais à ma fenêtre (4) !...

Les dimanches d'été, le droit d'aller m'asseoir

Dans la propriété, grande comme un mouchoir,

Que feu Gilles Bizet, mon respetable père,

Acquit, pour cent écus, aux environs d'Asnières (5) !

Riez, messieurs, riez ! Pourtant, lorsque au trésor
Mon denier citoyen se convertit en or.
N'est-ce pas pour avoir, par une clause expresse,
Trois cent mille héros, cotés à cinq sous pièce,
Dont tout l'emploi consiste, ô le joli métier !
A vivre, en tems de paix, parqués dans leur quartier.
Ou bien, quand dss canins tonnent les voix brutales,
A courir au-devant de' boulets et des balles.
Oh ! que j'aime bien mieux ces paisibles soldats
Qui, de Sa Sainteté protégeant les Etats,
Dans cette vieille Rome, en, prodiges féconde,
Gardent, en parasol, la maitresse du monde.

Mais reprenons le fil de mon raisonnement :

Dans les coffres royaux, si je verse l'argent,

C'est pour pouvoir rester en paix dans ma demeure,

Pour être protégé contre tous, à toute heure,

Et non pour endosser giberne et havresac,

Et courir, comme un fou, de bivac en bivac,

Moi qui, sans aucun goût pour les lauriers posthumes,

Aime fort peu la gloire... et crains beaucoup les rhumes.

Ce n'est pastout, messieurs... .cet usage maudit,
■ Outre qu'il fait coucher les gens hors de leur lit,
Ce qu'en toute saison l'homme sensé redoute,
A bien plus de dangers, parfois, qu'on ne s'en doute.
Je ne suis plus garçon, messieurs... Depuis dix ans]
La grande confrérie ouvrit pour moi ses rangs :
Ma femme est jeune encor, fringante, un peu coquette,
Et souvent ses yeux noirs m'ont mis martel en tête.
Qr, quoique yen certain de sa fidéllité,
J'aime mieux-, à vous dire ici la vérité,
Ne pas, imprudemment, en rechercher la preuve,
Et croire à ss vertu sans la mettre à l'épreuve ;
Car les cœurs féminins, messieurs, sont vacillans,
Longues les nuits de garde, et les voisins galans...
Et je ne voudrais pas, tout en servant la France,
Porter d'autre pompon que celui d'ordonnance.

Mais, je le vois, sur vous ma plainte est sans effet :
Votre cœur est de bronze et votre esprit mal fait.
Pu'squ'à vos dures lois il faut qu'on se conforme,
Nérons en épaulettes, attendez-moi sous l'orme...
Je file!... 0 France! pleure un de tes bons enfans!
Il ne te vendra plus ni mitaines ni gants!...
Aux bateaux à vapeur mon dépit se confie:
D'un bonnetier de moins j'afflige ma patrie
Et vais chercher au loin quelque asile écarté
Où d'être vraiment libre on ail la liberté.
Oui, pour fuir à jamais l'ennui du corps-de-garde,
J'ireis, s'il le fallait, à Brives-Ia-Gaillarde,
A Sainte» Hélène, en Chine, ou bien à Taïti!
Dussé-je quelque jour, insulaire apprenti,
Dans ce monde nouveau poussé par la rancune,
Et moi-même étonné de ma bonnè fortune,
Privé de caporal, de maire et de curé,
En sauvage épouser la reine Pomaré!

Nous sommes obligés de déclarer que cette plai-
doierie n'a pas réussi devant le conseil de discipline,
qui a condamné le délinquant à douze heures de
prison; mais, en revanche, elle a obtenu le plus grand

Pour aller sottement, frileuse sentinelle, succès deyant ,>Athénée des Arts ou eUe a élé iue

Protéger le sommeil d un héros de hasard

Qui, fier de l'épaulette à graine d'épinard,
Nargue, sous l'édredon, la bise et les raffales,
Quand votre serviteur grelotte sur les dalles !...
Merci de votre loi, messieurs les députés.'...
Pour gens de bon conseil vous êtes réputés,
. Eh bien ! je vous tiens, moi, pour de pauvres légistes,
>es Lycurgue manqués et de francs égoïstes,
le veux vous prouvp- puisque j'ai du loisir,
triste } e suis le martyr,

'• d'absurdes injustices,

'étranges caprices,

par M. Jules Van Gaver, poëte dont nous avons loué
les leurs de l'Ame et le Lion balave, et q'ui l'a-
vait rimée pour le bonnetier, son ami de collège
et son fournisseur.

Les leçons prolitent peu à M. Jules Janin. Les eon
damnations qu'il obtient contre ses adversaires ne>!
lui servent pas : il est vraiment incorrigible.

A propos de la mort récente de la fille de M. Hé-
bert, avec lequel M. Janin est lié, il a étalé, dans un
article du Journal des Débats, ses douleurs d'ami
comme il avait publié jadis ses joies d'époux.

Cet article, que nous avons passé sous silence on
comprend pourquoi, inséré la veille dans le Journal
des Débats, a été fait avec une telle convenance que
le Messager a dû publier, le lendemain, la note sui-
vante :

« Nous sommes priés de déclarer que la publica-
tion d'un article nécrologique, inséré ce matin dans
un journal, a causé à toute une famille autant de
surprise que de regret. »

Le coup est rude, mais mérité.

Est-ce que M. J. J. ne va pas faire un procès en
diffamation au Messager ?

(1) Les patentes

(0) L'impôt sur le mobilier.

(0) La contribi'*'" -sonnelle.

(01 Mi£>' fethjtreî.

M. Capon, le sous-préfet dont la nomination était
annoncée hier, refuse aujourd'hui. Cet honorable
fonctionnaire aurait-il compris que, d'après le der-
nier vote de la chambre, les Capons perdent du ter-
rain ?

Théâtre de l'Amblgu-Comlquet

Les Talismans, comédie-drame fantastique en seize
tableaux, par M. Frédéric Soulié.

Si l'on voulait juger cette œuvre massive, nous
ne dirons pas au point de vue de l'art dramatique
(on sait que l'art est la dernière préoccupation de
nos auteurs), mais seulement d'après les conditions
ordinaires auxquelles sont soumis, les travaux scéni»
ques, il faudrait reprocher à M. Frédéric Soulié l'in-
suffisance du plan, l'incohérence de l'intrigue, dont
la marche est entravée à chaque instant par des di-
gressions qui n'en finissent pas, et l'absence totale
d'intérêt.

Mais si on accepte pour ce qu'elle est cette débau-
che d'esprit et d'imagination, c'est-à-dire pour un
salmigondis dramatique sans ordre, sans logique,
sans but, on trouvera à louer, à côté de quelques
scènes qui ne sout qu'ennuyeuses, à côté de quel-
ques autres qui ne sont que triviales, des combinai-
sons ingénieuses, des situations originales et plai-
santes.

Comme dans Don Juan de Maranha de soporili-
que mémoire, comme dans toutes les pièces féeriques
ou fantastiques passées et présentes, M. Frédéric Sou-
lié nous fait assister à la lutte du bon et du mauvais
génie, de l'ange et du démon. Il faut, en vérité, que
l'on ait bien peu de chose à faire là haut et là bas,
pour que les anges et les diables prennent la peine
de descendre et de monter vers nous uniquement
pour sauver ou pour perdre une âme, comme sifl'en-
fer surtout n'était pas assez riche !

Ce point de départ est d'une monotonie qui exclu
d'abord tout l'intérêt, car le duel étant donné, a
victoire ne peut pas être l'objet d'un doute. La ro-
rale et la religion s'opposent énergiquemectà c/que
l'enfer triomphe ; ce serait d'un trop mauvais tem-
ple.

M. Frédéric Soulié aurait pu inventer un prtexte
moins usé : il n'avait qu'à le chercher ; car, en fait
de combinaisons neuves et saisissantes, il est du jp-
lit nombre des élus auxquels on peut appliquer la
maxime de l'Écriture : « Cherchez et vous trouve-
rez. » Il a préféré suivre les voies battues ; nous nJ
saurions l'en féliciter.

Passe encore si ces deux adversaires étaient armés
d'une puissance qui donnât à leur lutte des propor-
tions gigantesques; mais, loin de là, ils n'ont à leu1
(La suite à la 4e page.)
 
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